Meurtre d’un ex-espion russe : vers une nouvelle forme de Guerre Froide ?

Theresa Mayà Salisbury, où le double agent russe a été empoisonné. | © AFP PHOTO / POOL / TOBY MELVILLE
Le torchon brûle entre Londres et Moscou. L’affaire Skripal prend une tournure internationale. Les mots « Guerre Froide » refont surface. Qu’en est-il vraiment ?
Le 4 mars, Sergueï Skripal, un ex-espion russe, est retrouvé inconscient sur un banc à Salisbury, en Angleterre. Empoisonnés par un agent hautement toxique, ils restent encore la vie et la mort. Cette nouvelle tentative d’assassinat (la Russie n’en est pas à son coup d’essai en Angleterre), surnommée l’affaire Skripal, a été portée au conseil de sécurité de l’ONU, prenant ainsi une tournure internationale. La France, les États-Unis, l’Allemagne tiennent avec le Royaume-Uni. La Chine et le Kazakhstan ont appelé à la prudence et demandé des enquêtes « impartiales et exhaustives ». L’Ethiopie veut « une enquête indépendante » et la Bolivie a demandé que celle-ci soit « dépolitisée ». En Russie, on cherche à tourner les accusations britanniques au ridicule à coup de dénégations et d’indignation surjouée, jusqu’à parler d’un plan monté de toutes pièces destiné à faire capoter le Mondial de football ou à salir Vladimir Poutine.
Lire aussi > Bruxelles, capitale mondiale de l’espionnage
Renvoi de 23 diplomates russes (non-déclarés comme des agents des services de renseignements), rupture des contacts bilatéraux, boycott de la Coupe du Monde par la famille royale et le gouvernement… Theresa May, Première ministre britannique, a aussi menacé – tout en restant vague – de geler les avoirs de l’État russe. De nombreux médias parlent déjà d’une affaire « digne des plus grandes heures de la Guerre Froide ». Vraiment ? Si le Royaume-Uni montre les crocs, on est encore loin de l’époque du rideau de fer.
Selon Theresa May, il s’agit de l’expulsion de diplomates étrangers la plus importante en 30 ans. On peut toutefois rétorquer que l’expulsion de diplomates est une mesure relativement classique. Pour la Première ministre britannique, c’est surtout l’occasion de se positionner en cheffe de guerre et de faire le plein de soutiens, alors qu’elle est torpillée de toutes parts sur le Brexit. Quant à l’absence de représentants britanniques à la Coupe du Monde, ce n’est pas ça qui va faire trembler Vladimir Poutine (qui devrait être réélu sans difficultés ce dimanche).
Un poison qui date de la Guerre Froide
Ce qui rapproche le plus ce dossier de la Guerre Froide, c’est en réalité le poison utilisé. Le Novichok, qui signifie « nouveau venu » en russe, fait partie d’un groupe d’agents neurotoxiques avancés mis au point par l’Union soviétique dans les années 1970 et 1980, en pleine Guerre Froide, donc. Il est cinq à dix fois plus létal que le sarin (utilisé par le régime de Bachar Al-Assad contre ses adversaire en Syrie) ou le VX (responsable de la mort du demi-frère du leader nord-coréen Kim Jong-un, selon la diplomatie américaine). C’est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qu’un agent neurotoxique est utilisé en public sur le sol européen.