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Le Studio : des dessins et des mots au service de l’œuvre de Peyo

Derib, Gos, Walthéry, Wasterlain… Ils sont tous passés par le Studio de Peyo, créé en 1964 à Uccle, pour y aller de leur coup de crayon et de plume. Le Studio est depuis installé à Genval, au sein de la société IMPS créée par Véronique Culliford en 1984. © Benoît Deprez

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Créé par Peyo en 1964, le Studio, aujourd’hui installé à Genval, continue à faire vivre l’imaginaire de Pierre Culliford, à travers ses Schtroumpfs bien sûr, mais aussi de nouveaux personnages, et sans doute demain ses héros originaux, Benoît Brisefer, Johan et Pirlouit….

Toute esquisse, toute approbation de dessin passe par ces salles « schtroumpfement » habitées… Nous avons interviewé trois des « chevilles ouvrières » de ce Studio inspirant.

Luc Parthoens : Les leçons de Peyo

Directeur artistique focalisé sur les BD et le dessin, Luc Parthoens travaille en étroite collaboration le scénariste Thierry Culliford, fils de Peyo.

Paris-Match. Les albums de BD restent-ils l’ADN de tout le Studio ?
Luc Parthoens. C’est de là que tout est parti, ce sont vraiment les racines de l’univers de Peyo. Ils représentent un historique très important que nous avons tous à cœur de perpétuer. Je travaille ici depuis 27 ans. Avec le temps, j’ai appris, comme mes collègues, à comprendre les bases essentielles du monde des Schtroumpfs créé par Peyo, tout en sachant que cet univers reste assez large et offre des possibilités d’intégrer de nouveaux éléments, des nouveaux personnages et des situations plus en phase avec le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Comment se passe le travail avec votre équipe ?
Nous sortons un album par an, plus, depuis peu, la série « Le Village des Filles ». Thierry Culliford s’occupe de superviser les scénarios et convient avec le scénariste Alain Jost d’une thématique à développer afin d’élaborer une histoire. Le découpage des scènes est ensuite transmis au dessinateur de l’album qui réalise, dans son entièreté, l’album. Chaque album est dessiné par un seul dessinateur qui se sent beaucoup plus investi dans un travail cohérent. Nous avons 2 dessinateurs au Studio et 3 dessinateurs externes. Pour ma part, je travaille comme scénariste sur les albums des Filles et je supervise la réalisation des dessins des autres albums classiques.

« Chaque fois, on est étonnés de redécouvrir les Schtroumpfs et de rire avec eux de leurs blagues. »

Intervenez-vous également dans le dessin des animations, que ce soit la prochaine série TV ou les films ?
Même s’il s’agit de 3D, nous donnons bien sûr notre avis. Deux dessinateurs spécialisés en design sont à la disposition des modeleurs pour leur expliquer comment s’articule un Schtroumpf, comment se déploie le Village… Nous avons une véritable Bible au service des animateurs 3D. Il en va de même pour tout le merchandising. Chaque dessin élaboré pour un produit sort du Studio.

Quelle est votre motivation première depuis toutes ces années ?
La chance de travailler pour des personnages extraordinaires comme les Schtroumpfs et un univers aussi magique et qui arrive à se renouveler. Chaque fois, on est étonné de les redécouvrir et de rire avec eux de leurs blagues. Je suis très fier d’avoir, récemment, « schtroumpfé » l’avion de Brussels Airlines !

Racontez-nous un souvenir lié à Peyo.
J’ai eu la chance de travailler avec lui à mes débuts et l’observer a été un enseignement précieux. Un des dessinateurs avait réalisé le storyboard d’une petite histoire de 8 pages pour le magazine qui existait encore. Il a remis une page de découpage à Peyo qui, le lendemain, avait supprimé la moitié des cases. C’était autrement plus clair, lisible et efficace. Une anecdote qui a fortement impressionné le jeune scénariste que j’étais à l’époque. Quelle leçon !

José Grandmont : Question de plume

Il veille sur les graphistes. Pas une seule représentation des Schtroumpfs ne lui échappe. Avec près de 800 clients dans le monde, chaque produit doit être approuvé.

 

Quelle est votre fonction principale au sein du Studio ?
Il existe une Charte, à disposition des clients, comprenant des pré-dessins utilisables pour les différentes réalisations. Je vérifie s’il n’y a pas d’erreurs dans les représentations, proportions, style…, mais également si les normes légales sont respectées, comme le copyright. Je suis également, en ce moment, commissaire d’une exposition sur Peyo qui se déroule au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris. Travaillant ici depuis une trentaine d’années, je suis un peu une des mémoires du Studio.

Quels ont été vos débuts ?
J’ai travaillé avec Peyo, en tant que dessinateur, durant 5 ans. Je collaborais aux albums comme au merchandising, nous étions une très petite structure. L’expérience m’a permis de coiffer d’autres casquettes. Je venais du dessin réaliste, en noir et blanc, au pinceau, façon Hugo Pratt ou Jijé. Je ne savais même pas qu’il existait un Studio Peyo. J’y suis arrivé par hasard, en ayant perdu mon boulot. Le dessin de Peyo était à l’opposé du mien : à la plume, en couleurs… Si je me suis fait vite à son style rond et humoristique, il m’a fallu du temps pour croquer un Schtroumpf. On ne le penserait pas mais le dessin du Schtroumpf est très compliqué, tout dessinateur vous le dira. Il faut au moins un an de formation ! Le Schtroumpf a des proportions bien précises.

« On ne le penserait pas mais le dessin du Schtroumpf est très compliqué. »

Avez-vous un souvenir qui vous est cher ?
Peyo était atterré car il ne jurait que par les plumes Sommerville, comme tous les dessinateurs de la fameuse école de Marcinelle, et le fabricant avait arrêté de les produire. Tout le monde s’est rué en Angleterre pour acheter les stocks. Quand je suis arrivé dans la maison, Peyo m’en a royalement donné… deux. Que j’ai cassées le jour même ! En fait, je bousillais une plume par jour, j’étais trop habitué au pinceau. Et pourtant, je suis toujours là.

 

Tom Costijn : Au coeur de l’animation

Directeur artistique spécialiste 3D, il a suivi la production des films et est fortement impliqué dans la nouvelle série TV en préparation. Une consécration pour ce jeune féru de nouvelles technologies.

Quelles sont vos diverses activités au sein du Studio ?
Je travaille ici depuis 16 ans. La nouvelle série TV en 3D représente bien sûr une étape importante pour le Studio. Elle se situe dans la lignée du film d’animation de 2017, mais va rafraîchir sensiblement la série existante : le scénario, le rythme, les situations, tout en respectant l’univers des Schtroumpfs. Je travaille en binôme avec Luc Parthoens. Nous établissons un pont entre l’image historique des Schtroumpfs et les technologies de l’animation. Nous y travaillons, artistiquement, depuis plus d’un an. Mais d’autres domaines font également appel à ces technologies : les jeux vidéo, les parcs à thème… Ces derniers représentent une grosse part du boulot car ils sont en plein développement. Il faut les concevoir, imaginer les attractions, se rendre sur place… Une dimension que je ne soupçonnais pas il y a encore quelques années. Il faut savoir que j’ai commencé comme autodidacte, fou de technologie et d’animation.

« Nous établissons un pont entre l’image historique des Schtroumpfs et les technologies de l’animation. »

Étiez-vous un jeune fan des Schtroumpfs ?
Les Schtroumpfs ont fait partie de mon enfance, je suis un vrai enfant des années 80 qui regardait les dessins animés à la TV. Plus tard, je rêvais de travailler dans un studio d’animation sans trop y croire. Aujourd’hui, je suis le travail avec le réalisateur, les producteurs, l’image, le scénario…

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