En Thaïlande, un rap défiant le pouvoir devient viral [VIDÉO]

À quelques mois d'élections que le pouvoir en place espère remporter (cette fois) démocratiquement, la viralité de la vidéo l'a mis dans une position délicate. | © Lillian SUWANRUMPHA / AFP
Devenue virale, la chanson « C’est mon pays » dénoncant le pouvoir en place a mis ce dernier dans une position délicate. Pour le directeur d’un centre de recherche thaïlandais, « Cette chanson pourrait conduire à l’ouverture des vannes de descente populaire ».
« Mon pays pointe un pistolet sur ta gorge », « Il prétend donner des libertés mais te laisse pas le droit de choisir ». Depuis quelques jours, ces paroles tirées de la chanson anti-militaire « Prathet Ku Mee » ou « c’est mon pays » sont reprises en coeur, partout dans le pays. Une vidéo postée sur la plateforme Youtube par le groupe Le rap contre la dictature, opposant inattendu au gouvernement militaire en place depuis un coup d’État en 2014, a été vue plus de 21 millions de fois. Il fallait oser : la Thaïlande n’est pas un exemple en ce qui concerne le respect des droits de l’Homme et de la liberté d’expression.
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Corruption, népotisme
Les paroles de la chanson dénoncent le népotisme, la corruption, le manque de responsabilité et transparence, la faiblesse des soins de santé, de liberté d’expression, les privilèges accordés aux plus nantis face à l’appauvrissement continu des pauvres. En général, des positions aussi ouvertement opposées au pouvoir sont censurées sur la toile, les citoyens étant passibles d’être arrêtés pour avoir simplement partagé des vidéos dissidentes. Après la publication du clip, les autorités ont bien menacé d’arrêter les rappeurs pour avoir sali l’image du pays. Mais loin de diminuer l’enthousiasme autour de la chanson, les menaces ont décuplé les partages. Lundi, la police est donc revenue sur ses menaces. Le directeur adjoint du centre de criminalité technologique a même publié sur Facebook un post rappelant la liberté de chacun d’exprimer ses opinions. Un geste inouï, alors que le régime a passé les quatre dernières années à enfermer ses opposants.
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Bon timing
« Le timing de cette chanson était crucial, les gens en ont marre et sont frustrés par ce gouvernement militaire et ils n’ont pas eu leur mot à dire depuis longtemps, c’est donc une situation explosible », a déclaré au Guardian Thitinan Pongsudhirak, directeur de l’Institut de Sécurité et d’Études internationales de l’université Chulalongkorn. Les rappeurs ont alors tapé exactement dans le mille, exprimant un ras le bol général ressenti par la population. Et à quelques mois d’élections que le pouvoir en place espère remporter (cette fois) démocratiquement, la viralité de la vidéo l’a mis dans une position délicate. Ne voulant pas perdre automatiquement le soutien des millions de citoyens qui avaient déjà vu cette dernière, il a été forcé de la garder. Le premier ministre a donc de façon plus softe appelé ses citoyens à ne « pas déformer les faits ». « Cette chanson pourrait conduire à l’ouverture des vannes de la descente populaire », a déclaré Pongsudhirak avant de conclure : « Cela crée des ennuis pour l’armée ». Victoire démocratique.