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Clara Luciani : « J’en suis encore à me demander ce qu’on me trouve de particulier »

"J’adore l’hiver, c’est la plus belle saison à mes yeux. J’ai envie d’être avec les gens que j’aime et qu’on se tienne chaud" explique la chanteuse Clara Luciani. | © ©PHOTOPQR/OUEST FRANCE/Joel Le Gall

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Avec une nouvelle édition de son album « Sainte-Victoire », comprenant 5 titres inédits magnifiques, Clara Luciani clôture une page dorée à l’or fin, celui de la rencontre d’une artiste élégante, à tous points de vue, avec son public. Promis, son éclipse ne s’éternisera pas…

 

Par Gilda Benjamin

Cinq pépites supplémentaires parachèvent un album qui comptait déjà son lot de titres signature. La jeune femme de 27 ans a continué à composer durant sa tournée, passée maintes fois par la Belgique. Mais elle fait mouche également en se réappropriant les chansons des autres, comme cette reprise de Marc Lavoine où elle inverse les rôles et susurre à Philippe Katerine « Qu’est-ce que t’es beau ». Avec style, toujours.

Paris Match. Un album au succès inespéré, une tournée triomphale et maintenant une réédition avec de nouveaux titres. Ça va s’arrêter où ?
Clara Luciani. Ça va s’arrêter là en ce qui concerne cet album. Je suis très perfectionniste et me vois un peu comme un peintre qui aurait du mal à achever sa première œuvre et rajoute continuellement des couleurs. Mais pour le coup, je peux dire qu’il s’agit de la touche finale. Je suis satisfaite de terminer ce premier chapitre de ma carrière. Tout ce qui s’est passé depuis la sortie du disque a été tellement fort que je ressens aussi beaucoup d’émotion à l’idée de refermer cette parenthèse. Et si je suis à nouveau exposée dans les médias, c’est pour mieux vous dire « Au revoir, je reviendrai bientôt ». Je tiens au « à bientôt » car je n’ai pas du tout l’intention de disparaître longtemps.

Vous avez trouvé un équilibre entre douceur et affirmation de soi. Cette attitude reflète-t-elle bien ce que vous êtes ?
Je le pense. J’ai plutôt tendance à être quelqu’un de doux, j’ai été élevée comme ça, mes parents m’ont inculquée certaines valeurs visant à devenir une « bonne personne ». J’essaye donc de garder cette ligne de conduite. Mais être gentil ne signifie pas se laisser marcher sur les pieds. J’ai mis du temps à le comprendre. Il est pourtant essentiel, quand on veut faire le métier qui est le mien et qu’on est une femme, de savoir dire non. Je crois en la Révolution de velours ! Aujourd’hui, je sais qui je suis. Je me sens plus adulte qu’il y a un an. Un des avantages à vieillir est de se connaître et de s’accepter davantage, de se montrer plus tendre et indulgent avec soi. Dans 3 ans, j’aurai 30 ans. Il n’est plus question de changer ce que j’apprécie moins chez moi, que ce soit physique ou spirituel. Je connais mes défauts, je dois apprendre à en faire une force. Je pense notamment à mon hypersensibilité. Je la tiens un peu plus en laisse, je sais quand je peux la laisser s’exprimer ou pas. Mais un artiste arrive quelque peu à se délester de ses problèmes en y apposant des mots. Certes, cela engendre un degré d’impudeur incroyable mais l’exercice est bénéfique.

Pratiquez-vous la danse pour mieux bouger en concert ?
Pas du tout. Mais sur scène, et c’est bien le seul endroit, j’oublie mon corps. D’autant que j’ai composé plusieurs titres où je l’évoque. En concert, j’évacue le fait d’être regardée, je suis libre et différente de celle que je suis dans la vie. La scène est ce qui va le plus me manquer dans les mois à venir.

Vous arrive-t-il de connaître l’ennui ?
Je le repousse le plus possible car j’ai une franche tendance à la mélancolie. L’activité me permet d’y échapper. L’ennui et la solitude me rendent rapidement très triste. J’ai besoin d’être entourée. Et c’est ce que j’ai vécu non-stop durant un an avec la tournée. Désormais, je prends le temps d’être avec ma famille et mes amis.

Vous avez écrit une chanson, « Ma sœur », qui a dû beaucoup la toucher.
Elle a pleuré lors de sa première écoute. Le texte parle aussi de la sororité au point de vue universel et des femmes en général. Tant que nous serons autant sous-estimées et maltraitées, j’ai envie de clamer combien elles sont mes sœurs. Plus j’avance dans ma vie de femme, plus je comprends l’ampleur du sujet. Je pensais en avoir terminé avec mon côté féministe mais il y a encore beaucoup à dire. C’est difficile de composer des chansons engagées, à moins de s’appeler Léo Ferré ou Bob Dylan, il faut trouver le bon angle pour se montrer à la fois poétique et politique. Comme je suis très attachée aux mots mais aussi à leur musicalité, j’ai toujours peur qu’un texte trop revendicateur perde de sa poésie. Je deviens plus exigeante dans l’écriture de mes textes. Au début, j’aimais qu’ils jaillissent comme un cri, j’acceptais que l’imperfection fasse partie de mon style.

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« Je tiens mon hypersensibilité plus en laisse »

Clara Luciani en concert à Mulhousee
©PHOTOPQR/L’ALSACE/Darek SZUSTER

Comment avez-vous eu l’idée de reprendre « La chanson de Delphine » sur cette nouvelle édition ?
La musique des « Demoiselles de Rochefort » est la B.O de ma vie, je pourrais parler pendant des heures de ce film qui a été très formateur dans mon esthétique, musicale et graphique. Chaque fois que je le regarde, je découvre de nouvelles subtilités. Et j’ai dû le voir plus de 100 fois !

Vous êtes à la fois très empreinte des années 60 et 70 tout en intégrant une musique plus actuelle teintée d’électro. Un grand écart facile à réaliser ?
Ce qui est fait n’est plus à faire. Mais je suis tellement nourrie des artistes de cette époque-là que ce style transparaît dans ma musique et ma façon de m’habiller. Cependant, je tiens absolument à être une fille de 2019, il y a trop de choses à expérimenter. Il faut vivre avec son temps et être de son époque, sinon comment espérer l’améliorer.

Qu’est-ce que vous préférez en 2019 ?
Cette possibilité de répondre à toutes nos curiosités. La culture n’a jamais été autant diffusée et accessible. Déjà, plus jeune, dès que j’entendais quelque chose d’intéressant, j’allais me documenter sur Internet et découvrais d’autres artistes. Comme je lis beaucoup, j’ai directement la signification d’un mot. Je peux regarder des grands classiques du cinéma. Il n’y a plus d’excuses à ne pas être curieux.

Le mot « impossible » vous insupporte. Quel a été votre plus gros défi ?
Réussir à me sentir chez moi sur une scène ! Jamais je n’aurais imaginé vous dire un jour qu’elle était essentielle pour moi. Pourtant, c’est là que je me sens le mieux, que je me sens moi.

Et que sera votre prochain défi en 2020 ?
Trouver l’espace pour laisser entrer quelqu’un dans ma vie. La musique est une passion qui prend beaucoup de place.

Vous venez du sud de la France mais vous affirmez être une fille de l’hiver.
J’adore l’hiver, c’est la plus belle saison à mes yeux. J’ai envie d’être avec les gens que j’aime et qu’on se tienne chaud. Un ciel tourmenté me semble toujours plus beau qu’un ciel uniformément bleu. L’hiver est une saison plus complexe, dans les couleurs, dans la végétation qui meurt avant de renaître. Je l’associe à des saveurs, des fruits et des parfums bien précis, des goûts de courges et de poires. Je ne suis pas du tout une fille « cerises et pastèque » ! Et puis j’adore Noël.

Vous avez trouvé votre style, êtes devenue égérie Delvaux, portez volontiers du Gucci… Avez-vous trouvé votre définition du chic ?
Beaucoup d’artistes se sentent souvent illégitimes, et j’en suis encore à me demander ce qu’on me trouve de particulier. Je savoure d’autant plus d’intéresser aujourd’hui des créateurs de mode que je continue à trouver cela anormal et exceptionnel. Être choisie, en tant qu’artiste, demeure une chance et il ne faut jamais s’en contenter comme si c’était la norme.

Vous êtes très présente sur Instagram. N’est-ce pas périlleux de s’exposer de la sorte ?
Je suis parfois déçue par la violence et la méchanceté de certains postes. Comme je ne me cache pas, certaines réactions m’atteignent. J’essaye de prendre plus de recul. Je pourrais arrêter d’utiliser les réseaux sociaux mais je suis une éternelle optimiste et je crois en l’être humain. Il suffit que je regarde mon public pour m’en convaincre.

 

L'album Sainte-Victoire de Clara Luciani
©DR

Album : Clara Luciani, Sainte-Victoire, Initial – Universal

 

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