Monsanto est mort. Vraiment ? [VIDÉO]
Après des mois de négociations, les géants des pesticides Bayer et Monsanto s’apprêtent à fusionner, entraînant la disparition du nom de la très controversée marque américaine. Mais seulement le nom.
Quand on se rappelle la guerre du Vietnam, qu’on rentame le débat sur les OGM ou que l’on discute l’usage du Roundup dans nos potagers, le nom de Monsanto résonne encore et toujours dans les oreilles. Mais la marque américaine, fondée en 1901 par John Francis Queeny, est en passe de disparaître tandis qu’elle entame sa fusion avec le géant allemand Bayer.
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C’était prévu depuis 2016, quand Monsanto acceptait une offre d’achat de la part du groupe allemand d’agrochimie. Deux ans plus tard, le département de la Justice des États-Unis a fini par approuver l’union des deux géants. Une transaction de 57 milliards d’euros qui s’effectuera entre les 6 et 19 juin prochain, entraînant la création du plus grand monopole de pesticides et de semences au monde. L’heure est au soulagement pour les deux sociétés qui n’attendaient plus que le feu vert des autorités américaines. En guise de vœux de mariage, elles voient leur innovation et leur technologie en grand, la tête presque dans les nuages. Mais un peu plus bas sur terre, agriculteurs et écologistes deviennent les témoins inquiets d’une union aux conséquences redoutables.
Monsanto est mort, que vive Bayer
Célèbre autant que critiquée, la marque Monsanto va donc disparaître, a annoncé Bayer ce lundi 4 juin. « Bayer demeurera le nom de l’entreprise. Monsanto en tant que nom d’entreprise ne sera pas maintenu », a précisé la firme dans un communiqué. Mais si le nom de l’entreprise américaine disparaît, ce ne sera pas le cas de sa marchandise. Des produits signés Monsanto, comme le controversé désherbant « Roundup », resteront ainsi disponibles sur le marché.
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« Bayer va devenir comme Monsanto en tous points, sauf celui du nom. À moins qu’elle ne prenne des mesures drastiques pour s’éloigner du passé controversé du géant chimique américain », a déclaré l’ONG Friends of the Earth Europe dans un communiqué. « Si elle continue de vendre des pesticides dangereux et des OGM indésirables, elle se retrouvera rapidement elle aussi du mauvais côté de l’histoire. » Et l’organisation environnementale n’est pas la seule à dénoncer la vraie fausse disparition de Monsanto.

« La création d’un monstre »
Le problème, pour de nombreux défenseurs de l’environnement, c’est que la fusion Bayer-Monsanto perpétue la tendance à la concentration d’un pouvoir gigantesque sur le garde-manger mondial, contrôlé par une poignée (seulement) de grands industriels. « Nous assisterons de notre vivant à la disparition totale de la biodiversité dans nos fermes, à la disparition des petits agriculteurs et à la fin de la vraie nourriture et de notre liberté alimentaire », avertissait déjà l’écologiste et militante indienne Vandana Shiva. Interrogé par le Huffington Post, Evgeniy Kozarenko – PDG de la société de traitement de semences biologiques Nagritech basée à Berlin – ne cache pas son inquiétude. Pour lui, les États-Unis et l’Union européenne « viennent d’approuver la création d’un monstre. Une fois réunies, ces deux sociétés influenceront l’opinion des agriculteurs et les marchés du monde entier à une échelle jamais vue auparavant. Nous ne disposons pas d’un budget suffisant pour faire la publicité de nos fertilisants, pesticides et herbicides biologiques. Les autres fabricants de produits biologiques seront eux aussi incapables d’affronter la concurrence », explique-t-il.
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Avec le développement du numérique dans l’agro-industrie et l’émergence d’une agriculture « intelligente », la possibilité que Bayer-Monsanto devienne un monstre dans la collecte de données inquiète davantage. C’est le message que voulait faire passer l’ONG Les Amis de la Terre en adressant une lettre à la Commission européenne avertissant que « Bayer-Monsanto deviendrait le plus grand acteur dans le domaine des plates-formes de données et de la collecte de données, faisant courir aux agriculteurs les mêmes risques rencontrés avec les plates-formes de données existantes telles que Google, Amazon et Facebook« .

Si la pression des défenseurs de l’environnement et des agriculteurs n’aura pas été suffisante pour empêcher l’union suprême des deux géants, elle a néanmoins fait promettre à Bayer d’être « transparent » et de mettre en ligne les résumés des études sur tous ses produits phytosanitaires, dont le Roundup. « Nous allons écouter ceux qui nous critiquent et travailler ensemble », mais « le progrès ne doit pas être stoppé en raison d’un renforcement des fronts idéologiques », a déclaré le PDG de Bayer, Werner Baumann. Reste à persuader les milliers de personnes qui ne sont toujours pas convaincues.