Ce « crabe » pourrait vous sauver la vie… s’il ne disparaît pas

Les sociétés pharmaceutiques américaines capturent plus de 430 000 de ces créatures chaque année | © Horseshoe Crab
La limule, aussi surnommée « crabe fer à cheval » pour sa forme arrondie, a survécu aux dinosaures. Mais l’appétit de la médecine pour son sang, le réchauffement climatique, la pêche, destruction de son habitat naturel pourraient finalement lui être fatal.
Ce n’est probablement pas l’espèce menacée la plus « glamour ». Mais sa possible disparition n’est est pas pour autant moins inquiétante. Après avoir survécu 450 millions d’années – soit quatre extinctions de masse – la limule est aujourd’hui plus menacée que jamais. Et les hommes pourraient en payer le prix fort, car son sang a des vertus médicinales hors normes. Mais, révèle The Guardian, l’utilisation de ce dernier par les sociétés pharmaceutiques, le réchauffement climatique, la dégradation de son habitat naturel, les pêcheurs et l’étouffement par des marées d’algues rouges au large de la côte est des États-Unis le tuent à petit feu.
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Déclin vertigineux sur les trente dernières années
Le sang bleu du crabe contient l’indicateur le plus sensible des bactéries jamais découvert : le lysat d’amibocytes de limule. Il est essentiel pour identifier les contaminants dans le matériel médical avant les opérations chirurgicales, les ajustements de stimulateur cardiaque et de nombreux vaccins. La demande pour le lysat traité dans le sang du crabe est telle qu’il est maintenant l’un des liquides les plus précieux du monde, avec un prix compris entre 35 000 et 60 000 dollars le gallon.

Les sociétés pharmaceutiques américaines capturent plus de 430 000 de ces créatures chaque année, perforent la coquille près du cœur, récoltent 30% du sang et les remettent ensuite à l’état sauvage. Mais des études montrent qu’entre 5% et 20% des limules ne survivent pas à ce procédé, et que les femelles survivantes ont par après plus de difficultés à procréer. Et ils sont encore plus nombreux à être tués par la collecte d’appâts. Sans compter le coup fatal qu’ont été le développement côtier et du réchauffement climatique.
Le coût de la perte de la biodiversité
Il y a quelques années, l’établissement de zones protégées avait permis d’augmenter le nombre de limules, mais la récolte d’appâts s’est déplacée en Nouvelle Angeleterre. Les scientifiques prédisent aujourd’hui que 30 % de la population des limules va disparaître sur les trente prochaines années. Et ces prédictions sont encore plus pessimistes pour ses espèces soeurs asiatiques, qui sont vendues comme nourriture après être vidées de leur sang. En conséquence, alors qu’il était abondant il y a trois décennies, ce fossile vivant est depuis 2016 inscrit sur la liste des espèces vulnérables par l’Union internationale pour la conservation de la nature.
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En réaction, certaines entreprises pharmaceutiques cherchent des alternatives au lysat. Mais pour les écologistes, ce ne sera pas suffisant, et ils plaident pour plus de régulation dans la récolte d’appâts et de protections pour leur habitat. Ils considèrent également que le déclin du crabe est l’illustration du coût économique et sanitaire de la perte de biodiversité à travers le monde. Depuis 1992,on a perdu plus de 30% de la richesse écologique de la planète – la valeur estimée des espèces, des forêts, des rivières et des sols – avec de profondes conséquences non seulement pour la conservation, mais également pour la santé et le bien-être de centaines de milliards de personnes.