De la puissance des pigeons

Les pigeons sont plus souvent détestés que aimés. Pourtant, mis à part être éclopés et déféquer un peu partout, ces « rats des villes » cachent sous leurs plumes de grandes qualités.

Nos connaissances sur les pigeons sont assez limitées. Pour la plupart, ce sont des petits batards des rues qui n’apportent rien d’autres que des maladies et des fientes de partout où ils passent : « Il faut savoir qu’il sont porteurs de maladie comme l’ornithose, la salmonellose ou encore la tuberculose. On les appelle les rats volants, car ils sont porteurs de plein de parasites dans leur plumage, et quand ils s’envolent ils en font tomber un peu partout » nous explique Davy Catherine, fondateur de la société Copaclean en Belgique. Pour d’autres, comme Luc Ernès, 52 ans, ancien footballeur belge et reconverti dans le sport colombophile depuis ses 12 ans et qui possède aujourd’hui plus de 120 pigeons à Liège : « les pigeons belges sont les meilleurs du monde ».

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Une chose est sûre, les pigeons sont des volatiles doués pour plein de choses. Petit tour d’horizon sur ces oiseaux mal-aimés et sur tout ce qu’on ignore sur eux. Et promis, on ne vous pigeonnera pas dans cet article.

Les pigeons sont (presque) aussi intelligents en orthographe que les babouins…

Eh oui, on ne s’en doute pas quand on les voit comme ça, marcher tout éclopés dans les rues, mais les pigeons sont loin d’avoir une cervelle de moineau et ils peuvent apprendre l’orthographe. Dans une étude publiée le 16 septembre 2016 dans les Proceedings de l’Académie des sciences américaine menée par une équipe de chercheurs néo-zélandais et allemands, on apprend que les pigeons (de l’espèce Columba livia alias la plus courante) ont des capacités cérébrales assez impressionnantes : ils arrivent à reconnaître des mots. Pendant huit mois, 18 pigeons ont été soumis à un entraînement particulier. Parmi leur série d’exercices quotidiens, les volatiles, placés devant un écran tactile, devaient donner un coup de bec sur un mot quand ils en voyaient un, ce qui leur ouvrait l’accès à une réserve de grains de blé. Et quand ce n’était pas un mot, ils devaient donner un coup de bec sur une étoile. Quatre pigeons se sont distingués et ont reconnu en moyenne 14 mots. Comme l’ont souligné les auteurs de l’étude : « L’effort des pigeons se rapproche plus de celui fait par une personne lettrée que de celui d’un babouin ». Certes, ils apprennent moins de mots que les babouins, mais leurs performances dans la reconnaissance des mots sont équivalentes à celles des primates.

Une étude plus ancienne (1984) déjà, montrait la supériorité intellectuelle des pigeons. Mettez une banane et un pigeon dans un box et observez :

… et ils savent même compter

En 2009, dans une étude publiée dans la revue Science, des chercheurs de l’université d’Otago en Nouvelle-Zélande ont montré que les pigeons avaient une capacité à compter similaire à celle des primates. Les pigeons savent compter dans l’ordre et peuvent associer ce qu’ils voient à un nombre. Petit exemple (un peu comme pour les mots) :

En Inde, les pigeons venus du Pakistan risquent la prison

Les pigeons, plus discrets que les agents secrets, et moins soupçonnables que les drones ? C’est en tout cas ce que pense le gouvernement indien depuis octobre 2016, quand il a mis derrière les barreaux un pigeon voyageur, le suspectant d’être un espion envoyé par des extrémistes pakistanais. Le pays est alors entré dans une sorte de paranoïa en soupçonnant tous les volatiles qui survolaient la frontière. Ils en ont donc arrêtés plusieurs avant de les relâcher une fois qu’ils étaient persuadés de leur innocence. Comme l’explique Le Monde, l’un d’entre eux portait une lettre de menaces signée du groupe djihadiste Lashkar-e-Taiba, auteur des attentats de Mumbai de 2009, et destinée au premier ministre indien Narendra Modi : « Modi, nous ne sommes plus les mêmes qu’en 1971. Maintenant, chaque enfant est prêt à combattre l’Inde ». 1971 étant l’année de la troisième guerre indo-pakistanaise. Depuis, New Delhi prend la menace des pigeons très au sérieux.

Bolt, le pigeon le plus cher de l’histoire est Belge

L’oiseau champion de vitesse (d’où son nom, vous l’aurez compris), a été vendu en 2013 à un amateur Chinois pour 310 000 euros lors d’une vente aux enchères à Vorselaar près d’Anvers. Si les Chinois sont réputés pour être adeptes des courses de pigeons, les Belges le sont aussi, avec leurs pigeons dont leur renommée est internationale dans le sport colombophile (les courses de pigeons où on lâche les pigeons à un endroit et ils doivent revenir le plus vite possible au pigeonnier). Même si comme le regrette Luc Ernès : « Ce sport est en voie de disparition. Peu de jeunes s’intéressent à ce sport aujourd’hui ». Et ces pigeons qui coûtent des centaines voire des millions d’euros n’ont rien des pigeons des villes : « Nos pigeons, ce sont des athlètes, nourris comme des sportifs. Dans mes pigeonniers c’est aussi propre que dans ma maison. De toute façon, ce n’est pas possible de dresser un pigeon de rue et d’en faire un pigeon de compétition. Car on les dresse tout petits et on commence à les baguer dès 7-8 jours. Et on ne saurait pas baguer un bébé pigeon trouvé dans la rue ». Plus qu’un sport la colombophilie, tout un art et même une passion : « J’adore voir mes pigeons revenir comme des fusées. Je n’aimerai pas être absent quand ils reviennent ». Et Luc Ernès, qui a perdu il y a peu son dernier pigeon, âgé de 22 ans, n’en mangerait pour rien au monde.

À Londres, des pigeons ont mesuré la pollution de l’air

Dans la capitale anglaise, les pigeons sont connectés. En mars 2016, durant quelques jours, Londres a équipé une dizaine de pigeons de capteurs de dioxyde d’azote que produisent les véhicules, et de traceurs GPS afin d’aider à établir une cartographie de la pollution. Sa brigade s’appellait le Pigeon Air Control. Chaque volatile est équipé d’une sorte de petit sac à dos :

L’entreprise Plume Labs, à l’origine de cette initiative a également créé un site internet qui répertorie les différents niveaux de pollution à Londres et en proche banlieue. Les internautes peuvent même envoyer un tweet à @PigeonAir afin de connaître le niveau de pollution de la zone dans laquelle ils se trouvent.

Mike Tyson, le grand passionné de pigeons

Car il n’y a pas que la boxe dans la vie. Mais les pigeons aussi. Dans une interview accordée à Vice, l’ancien boxeur parle de son amour pour les pigeons et de comment les volatiles ont lancé sa carrière : « Je possédais environ une centaine de pigeons. (…) J’ai montré mes pigeons à quelqu’un, et il s’est ramené avec un tas d’enfants et il a essayé de me les voler. Un des enfants a planqué un pigeon dans sa chemise et s’est enfui. Je l’ai vu. Je lui ai demandé de me rendre mon oiseau. Il ne voulait pas me le rendre. Mon ami m’a dit : « Mike, bats-toi contre lui »  et j’ai commencé à lui mettre des coups. Je ne l’ai pas assommé. Je l’ai touché plus de fois qu’il ne m’a touché, donc je suppose que j’ai gagné. Je lui ai mis des coups très maladroits. Mon style était à chier. J’avais l’habitude de regarder mon pote faire du shadow boxing, donc je sautillais, je faisais le pro. Quand j’ai assommé ce gamin, tout le monde a applaudi ».

Les pigeons sont physionomistes

Du moins à Paris. Dans une expérience rapportée par Le Figaro, on apprend que des étudiants de l’université de Paris Ouest-Nanterre ont nourri quotidiennement des pigeons dans un coin fermé au jardin des Plantes. Un étudiant les nourrissait, et l’autre les faisait fuir. Au bout d’un mois, ils sont revenus au parc habillés d’un long imperméable, de sorte à ce que les pigeons ne pouvaient voir que leur visage. Et bim, les oiseaux ont reconnu l’étudiant gentil et l’étudiant qui les faisait peur. Mais Luc Ernès ne pense pas que ses 120 pigeons le reconnaissent : « Ils reconnaissent ma voix je pense, mais ça m’étonnerait qu’ils soient attachés à moi. Et ils ne sont pas affectueux ».

Et ils se reconnaissent même dans un miroir

Les pigeons font partie des rares animaux à se reconnaître dans un miroir :

Ils sont mélomanes

En 1984, deux chercheurs américains sont arrivés à la conclusion que les pigeons étaient capables de distinguer deux styles différents de musique classique.

Les pigeons ne pètent pas

Et c’est bien triste.

Il y a un monument aux pigeons à Bruxelles

Le Monument au Pigeon-Soldat situé au quai aux Barques à Bruxelles « commémore le rôle joué durant la Première Guerre mondiale par les colombophiles belges et leurs pigeons voyageur ». Il y en a également un à Lille et à Berlin.

« Fidèle comme un pigeon »

Les pigeons n’ont qu’un seul grand amour dans leur vie (ils peuvent vivre jusqu’à 25 ans) et ils ne le trompent jamais. « Le pigeon s’accouple à vie avec le même partenaire. Et il va être très protecteur au niveau de ses petits. Le pigeon peut être très joueur aussi. Il va mémoriser la personne qui va lui donner des graines, même si elle ne vient pas fréquemment lui en donner. Le pigeon est myope de nature, donc il reconnaît grâce à l’odeur car il mémorise les allomones des humains. Les pigeons ont une faculté olfactive très développée » nous précise Davy Catherine, de la société Copaclean.

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Et qu’on se rassure, les pigeons ne font pas partie de ces oiseaux menacés d’extinction : « Les populations de pigeons ne font qu’augmenter. Même s’ils représentent une menace pour l’environnement et la santé de l’homme. C’est un nuisible volant. Nous, on évite de les tuer au maximum et nuire à leur écosystème. On les effarouche ou où on travaille avec des fauconniers par exemple. On préfère les capturer et les éloigner ». Et comme le conclut si bien Davy Catherine : « Un pigeon va toujours se mettre là où le soleil se lève ».

Pigeon, singe et amour. © Flickr Anna