Doit-on se réjouir du retrait (ou du retour) des États-Unis de l’accord de Paris ?

Pour Greenpeace, le volte-face des États-Unis se révèle être une perte conséquente pour les négociations des futures COP. | © AFP PHOTO / Nicholas Kamm
Le retrait de la signature des États-Unis de l’accord de Paris constituerait une « bonne nouvelle », d’après certains spécialistes en relations internationales. Un avis mitigé, selon Greenpeace qui parle d’une « énorme défaite ».
À peine huit mois après s’être retiré de l’accord de Paris sur le climat, Donald Trump pourrait y « revenir ». Du moins « en théorie ». C’est en tous cas ce qu’il a déclaré ce mercredi 10 janvier, sans pour autant donner davantage de détails sur ce potentiel retournement de veste.
Juin dernier, la communauté internationale se réveillait avec un goût amer. Il l’avais promis, il l’a fait. En retirant sa signature de l’accord de la COP21, le président américain n’a pas déclenché qu’une salve de critiques. Sa décision a ressoudé les pays signataires tout en renforçant la volonté commune de poursuivre les efforts dans la lutte contre le réchauffement.
Si tant dans la théorie que la pratique, Donald Trump peut dorénavant s’asseoir sur les plans nationaux décidés dans la capitale française, « en réalité, il ne peut pas décider de quitter l’accord de Paris du jour au lendemain », explique la porte-parole de Greenpeace Belgique Juliette Boulet. « Légalement, son retrait de l’accord n’entrera en vigueur que dans quatre ans, en 2020. »
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En tournant le dos à Paris, Donald Trump déclenchait une fois de plus un séisme sur la scène politique et civile. Bonne ou mauvaise nouvelle ? « Beaucoup d’arguments se contrecarrent », selon Juliette Boulet qui évoque une « énorme déception ».
En rire…
« Le départ de Washington serait la meilleure chose qui pourrait arriver à la communauté internationale dans son combat contre le réchauffement climatique », affirmait déjà à l’époque le spécialiste des relations internationales Luke Kemp. Minimisation des risques, renforcement de la capacité d’action du reste de la planète, récupération du leadership américain par la Chine et l’Europe : les arguments en faveur du retrait des États-Unis de l’accord de la COP21 resurgissent en parallèle de la consternation générale.
On peut effectivement penser que maintenant que les États-Unis ne sont plus dans l’accord, on pourra avancer plus efficacement et plus rapidement dans les procédures de négociation.
Parmi les bonnes nouvelles, le réveil du dragon chinois. Depuis le désengagement du président américain, la Chine affiche sa volonté de devenir le nouveau leader en terme d’énergies renouvelables et de reprendre ainsi les manettes des négociations. Un fait plus que positif pour Greenpeace qui ajoute que « l’Union Européenne aura aussi sa carte à jouer aux côtés de la Chine ; les décisions qu’ils prendront ensemble seront très importantes », rappelant que la décision de Donald Trump « n’est pas du tout une bonne nouvelle » pour autant.
Ou en pleurer ?
Si certains pays se donnent la possibilité de quitter l’accord, ça risque de donner des tentations à d’autres qui n’étaient initialement pas enthousiastes de le soutenir, comme la Russie ou l’Arabie Saoudite.
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Quant aux arguments utilisés par Donald Trump pour justifier son retrait, beaucoup s’accordent à dire qu’ils ne se basent que sur un « dogmatisme climatosceptique ». Selon Greenpeace, l’argumentation du républicain repose sur du « zéro pourcent de vrai, 100% de faux », souligne la porte-parole de l’antenne belge. « Donald Trump est soutenu par une poignée de sénateurs qui sont complètement déconnectés de la réalité, doutant encore du réchauffement climatique et de la responsabilité humaine sur le dérèglement. »
S’il se retire, c’est « au nom de la protection des citoyens et de son économie », a affirmé le président américain. Un mensonge, pour l’organisation non gouvernementale qui descend les arguments avancés. « Aujourd’hui, le secteur du renouvelable est beaucoup plus créateur d’emplois que le secteur du charbon. Si l’on prend tout le secteur du renouvelable et du photovoltaïque, on est au-delà du million d’emplois, en comparaison aux 160 000 emplois créés dans le secteur du charbon », explique Juliette Boulet. « Le secteur des énergies renouvelables se développe douze fois plus vite que celui des énergies fossiles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes », ajoute-t-elle.

« Concrètement, il n’y a rien qui change »
À partir d’aujourd’hui, celui qu’on appelle encore « le président du pays libre » va pouvoir de nouveau « faire ce qu’il veut » : rouvrir les mines de charbon, promouvoir le secteur des industries fossiles, faire la promotion du forage,… « Mais concrètement, entre hier et aujourd’hui, il n’y a rien qui change », admet Juliette Boulet.
Face à la décision de Washington, le bouclier de la société civile et de la communauté internationale fera son travail. « Aux États-Unis et ailleurs, on constate une réaffirmation des villes et des États qui se veulent porteurs du changement et qui ne se laisseront pas faire par Trump », rappelle l’ONG. Épaulées par de plus en plus d’entreprises qui ont déjà opéré un changement de business modèle en faveur du renouvelable et de la diminution des gaz à effet de serre, « les États américains ont énormément d’outils dans leurs mains pour faire changer les choses ».
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L’ONG de protection de l’environnement se réjouit par ailleurs de « l’enchaînement des déclarations dans le chef des grands leaders internationaux, réaffirmant la volonté commune de respecter l’accord de Paris. » Inde, Chine, Allemagne, France, Canada… « Ceux qui restent sont aujourd’hui plus soudés que jamais ».