Mais qui était l’indomptable Winnie Mandela ?

Winnie Mandela aux côtés de son ex-mari en 1990. | © EPA/STR
Des milliers de Sud-Africains ont rendu ce mercredi 11 avril un nouvel hommage populaire et ému à l’ancienne épouse du président Nelson Mandela. Figure de la lutte anti-apartheid durant les vingt-sept années d’emprisonnement de son mari, Winnie Mandela était cependant devenue une égérie controversée.
Update : Cet article (préalablement publié le 3 avril 2018, suite au décès de Winnie Mandela) a été mis à jour le 11 avril 2018 avec les informations sur un nouvel hommage rendu ce jour à l’ex-épouse du président Nelson Mandela.
C’est une figure emblématique, mais controversée, qui s’en est allée le 3 avril 2018. Winnie Madikizela Mandela est décédée lundi à l’âge de 81 ans des suites d’une longue maladie. L’ex-épouse de Nelson Mandela qui « était l’une des plus grandes icônes de la lutte contre l’apartheid », a « sacrifié sa vie pour la liberté de l’Afrique du Sud », a souligné son porte-parole dans un communiqué, cité par nos confrères de La Libre.
Le parcours de Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela, de son vrai nom, est indissociable de celui du premier président noir d’Afrique du Sud, dont elle a été l’épouse pendant trente-huit ans. Et cela commence par leurs origines. Née le 26 septembre 1936 dans la province du Cap oriental, dont est également originaire Nelson Mandela, Winnie décroche un diplôme universitaire de travailleur social. Une exception pour une femme noire à l’époque. À 21 ans, en juin 1958, elle se marie avec l’activiste de presque 40 ans, divorcé et père de famille. Mais son mariage est vite contrarié par l’engagement politique de son mari. « On n’a jamais eu vraiment de vie de famille (…) on ne pouvait pas arracher Nelson à son peuple. La lutte contre l’apartheid, la Nation venaient d’abord », écrit-elle dans ses mémoires, cités par Paris Match.
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Après l’arrestation du futur président en août 1962, Winnie maintient la flamme du combat contre le régime raciste blanc. Indomptable et charismatique, celle qu’on surnommait « mère de la nation » a largement contribué au mythe Nelson Mandela, mais elle en est également devenue la partie obscure, rappelle Libération.

Appel au meurtre et enlèvement
Emprisonnée, astreinte à domicile, bannie dans un bourg à l’écart du monde où sa maison est visée par deux attaques à la bombe… Rien n’arrête la résistante. La jeune assistante sociale continue à défier les autorités blanches et devient l’une des figures de proue du Congrès national africain (ANC), fer de lance de la lutte anti-apartheid. Pour ensuite se révéler être un handicap et une gêne pour ce dernier. Winnie Mandela va rapidement déraper et encourager la violence contre le régime ségrégationniste.
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Alors que les traîtres présumés à la cause anti-apartheid sont brûlés vifs, avec un pneu passé autour du cou, elle déclare que les Sud-Africains doivent se libérer avec des « boîtes d’allumettes ». Un véritable appel au meurtre. En 1991, elle est reconnue coupable de complicité dans l’enlèvement d’un jeune militant, Stompie Seipei. Si elle est condamnée à six ans de prison, Winnie Mandela ne recevra qu’une simple amende. Sept ans plus tard, la Commission vérité et réconciliation (TRC) chargée de juger les crimes politiques de l’apartheid déclare Winnie « coupable politiquement et moralement des énormes violations des droits de l’Homme » commises par ses gardes du corps connus pour leurs méthodes brutales. « Elle était une formidable égérie de la lutte, une icône de la libération », dira d’elle le prix Nobel de la paix Desmond Tutu, président de la TRC et ami de Nelson Mandela. « Et puis, quelque chose a terriblement mal tourné ».

Les frasques de cette femme de caractère, son discours violent ainsi que des accusations de meurtre portées contre ses gardes du corps et de torture l’ont rapidement éloigné de son époux. Ils divorcent en 1996, deux ans après l’accession à la fonction suprême de Nelson Mandela. Condamnée une nouvelle fois en 2003 pour fraude, Winnie Mandela fait tout de même son retour en politique quatre ans plus tard en intégrant le Comité exécutif du parti, l’instance dirigeante de l’ANC. Elle n’hésitera pas à fustiger la politique de son ex-époux, en critiquant notamment l’accord historique passé par son illustre mari avec les Blancs pour mettre fin à la ségrégation. « Mandela nous a abandonnés », a-t-elle déclaré, « l’accord qu’il a conclu est mauvais pour les Noirs ».
Hommage à Soweto
Mais ces frasques et ces déclarations n’ont rien à changé à l’admiration que lui portait les habitants de Soweto. Jusqu’au bout, Winnie Mandela est restée fidèle au township noir de ce coeur de la lutte anti-apartheid. Elle a continué à y vivre quand ses frères de combat l’avaient quitté, explique Paris Match. Les habitants de Soweto se sont rassemblés après l’annonce de sa mort pour lui rendre hommage. « Elle connaissait tout le monde à Soweto, ainsi qu’en Afrique et ailleurs dans le monde. On se rappellera d’elle pour son rôle dans la lutte ici à Soweto », explique Winnie Ngwenya, une responsable de la Ligue des femmes du Congrès national africain. En début de soirée, le président sud-africain Cyril Ramaphosa est venu lui aussi rendre un hommage à « la championne de la justice et de l’égalité », celle qui « symbolisait le désir de liberté de notre peuple ».
Ce mercredi 11 avril, des milliers de Sud-Africains ont rendu dans un stade du township de Soweto un nouvel hommage populaire et ému à Winnie Mandela. « Je pensais qu’elle vivrait pour l’éternité », a lancé à la foule une de ses nombreuses petites-filles, Mbambatha Mandela. « J’ai eu le privilège d’être la première des petits-enfants qu’ils ont pu élever après le retour de (Nelson) de prison ». L’Afrique du Sud a décrété un deuil national jusqu’à samedi 14 avril, date de ses funérailles officielles. Comme en répétition de ce grand rassemblement qui sera présidé par le chef de l’État Cyril Ramaphosa, une première cérémonie officielle a débuté mercredi en fin de matinée dans l’emblématique stade d’Orlando, un des quartiers de Soweto.
