George et Amal Clooney, l’entretien exclusif

Le couple star sur le tapis rouge des César le 24 février 2017. | © BELGA/LE PARISIEN/Frédéric Dugit
C’est le rôle de sa vie : enfin père. L’acteur de 55 ans nous a accordé un entretien exclusif.
Que ce soit à Los Angeles, sur le lac de Côme, à New York ou, aujourd’hui, dans le salon d’été de son manoir de Sonning, en Angleterre, où il me reçoit, George Clooney affiche toujours la même décontraction. Après m’avoir fait visiter sa salle de projection, il s’assoit par terre, pieds nus, et me parle de son sujet préféré : la politique. Et pour la première fois, en toute liberté, il se confie sur son futur rôle de père.
Paris Match : Les premières semaines de Trump à la Maison-Blanche se révèlent plutôt désastreuses. Qu’est-ce qui peut l’arrêter ?
George Clooney. Dans toute cette folie, il faut espérer qu’il trouvera un moyen de gouverner correctement ! De toute façon, d’ici à un an maximum, la fameuse feuille d’impôts qu’il a toujours refusé de montrer sortira. Alors on verra qu’il ne possède pas l’argent qu’il dit avoir… Plus grave pour lui, on saura aussi avec quels pays il traitait pour ses affaires. Et là, il risque d’avoir quelques problèmes. J’étais tellement écœuré après l’élection de Trump que j’ai passé un mois sans regarder la télé. Maintenant, il faut relever nos manches et nous mettre au travail. Alors qu’aujourd’hui il suffit d’appuyer sur un bouton pour protester, le fait que les gens se soient déplacés en masse et avec une telle force est très prometteur.
Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné dans cette élection ?
La communication des démocrates n’a jamais été bonne. A force d’entendre Trump répéter que Hillary était un escroc, les gens ont fini par le croire. Les républicains sont plus directs et meilleurs dans le débat. À vouloir ménager la chèvre et le chou, Hillary ne s’est jamais bien défendue.
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Toutes les propositions de Trump vont à l’encontre du droit international, qui est au cœur du travail d’Amal. Vous formez un des couples les plus puissants du monde. Qu’avez-vous l’intention de faire ?
Nous avons une fondation, la Fondation Clooney pour la justice. La toute première chose que nous avons faite a été de recueillir des réfugiés dans notre maison, à Los Angeles. La seule façon de combattre l’extrémisme est l’éducation. L’endroit où nous pouvons avoir le plus d’impact est le Liban, où se trouvent plus d’un million de réfugiés syriens. Avec l’aide de partenaires comme Google et d’autres organisations, nous avons fait construire des écoles “éphémères”. Grâce à ces écoles, dès septembre, 5 000 enfants pourront entrer dans un circuit normal d’éducation. Ce n’est qu’un début. Le fonctionnement de cette organisation est devenu une priorité absolue dans notre vie. Je travaille sur ce projet entre trois et quatre heures par jour. Amal et moi y croyons totalement.
En une seconde, nous avons su que nous étions faits l’un pour l’autre.
Vous vous êtes vraiment bien trouvés !
Oui. Amal est non seulement la personne la plus intelligente que je connaisse, mais elle est douce et bienveillante et a beaucoup d’humour. Intuitivement, elle cherche toujours le positif. Les gens sont souvent très intimidés par elle. Comme elle est très grande, très élégante, elle donne l’impression d’être un peu froide. Mais dès qu’on la connaît, on se rend compte qu’elle est tout le contraire. Nous nous sommes rencontrés tard – je parle surtout pour moi. Et tout est allé très vite entre nous : en une seconde, nous avons su que nous étions faits l’un pour l’autre. Nous sommes curieux de chaque expérience et le futur nous passionne.
Et dans le proche avenir, il y a… les jumeaux !
C’est fou, non ? [Il sourit.] Si on me l’avait dit un jour ! Ça fait trois ans qu’on raconte qu’Amal est enceinte mais, cette fois, c’est vrai. On ne fait rien à moitié, elle et moi.
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Vous êtes angoissé ou heureux ?
Les deux. J’y pense 24 heures sur 24. Comment ne pas être anxieux devant cette immense responsabilité ? Faire naître un enfant dans ce monde… Et même deux ! On est très heureux, très exaltés, mais aussi un peu nerveux, c’est normal. Je ne sais pas d’où sort cette rumeur que nous allons avoir un garçon et une fille. Nous-mêmes ne le savons pas encore et ne voulons pas le savoir.
Le temps n’est pas si lointain où vous me disiez que la simple idée du mariage et des bébés vous donnait la chair de poule !
Je sais. [Il rit.] J’ai toujours la chair de poule, mais plus pour les mêmes raisons. On a été un peu pris de court par la façon dont cela s’est su. Je me trouvais à l’enterrement de mon cousin, il y a un peu plus d’un mois, et j’ai confié à un ami qu’Amal attendait des jumeaux. Il en a parlé à sa femme, qui est journaliste et n’a pas pu s’empêcher de donner l’information. On aurait préféré que les choses se sachent autrement, mais bon… Ces enfants ne faisaient pas partie de nos projets. On n’en avait jamais vraiment parlé avant. Mais il faut savoir qu’Amal et moi n’avions pas une seule fois prononcé le mot mariage avant que je lui demande de m’épouser. Je prenais un gros risque !
À propos, votre mariage était une vraie production hollywoodienne…
Il n’y a pas plus romantique que Venise ! Un bus nous a amenés de Côme, où est notre maison, jusqu’à Venise, où nous devions embarquer. Quand nous sommes arrivés, des centaines de personnes nous attendaient sur les ponts. On se doutait qu’il y aurait un peu de monde, mais pas à ce point… Alors, j’ai regardé Amal et je lui ai dit : “On ne va quand même pas se cacher, il faut faire face !” Du coup, c’est devenu une production beaucoup plus grosse qu’on ne l’avait imaginé.
Les gens pensent que nous ne sommes jamais ensemble, mais nous n’avons pas été séparés plus d’une semaine.
Vous assuriez la mise en scène ?
On l’a faite ensemble, comme on a entièrement rénové cette maison où nous nous trouvons et qui était en très mauvais état.
Avec la naissance des bébés, avez-vous l’intention de changer certaines choses dans votre vie ?
On a décidé d’être beaucoup plus responsables, d’éviter le danger. Je n’irai plus au Soudan du Sud et ni Congo, Amal n’ira plus en Irak et elle évitera les endroits où elle sait qu’elle n’est pas la bienvenue. Avant, je m’en fichais, je dirais même qu’il y avait un côté assez excitant à aller où aucun journaliste n’était jamais allé. On a la chance de vivre entre trois pays : l’Italie, l’Amérique et l’Angleterre. Mais dès que les enfants iront à l’école, il faudra choisir où s’installer. En attendant, on continuera à bouger en fonction de nos emplois du temps respectifs. Les gens pensent que nous ne sommes jamais ensemble, mais nous n’avons pas été séparés plus d’une semaine.
Qu’est-ce qui vous apporte le plus de plaisir aujourd’hui, dans votre métier ?
Écrire. J’en ai un peu assez de faire l’acteur. Mon agent m’a rappelé récemment que, en moins de trois ans, j’avais refusé près de 80 projets ! Pour “Les marches du pouvoir”, je me suis offert le luxe d’écrire les speechs que j’aurais aimé entendre en politique. J’ai connu de grands succès en tant que réalisateur, mais aussi de grands échecs qui m’ont fait du mal. Pourtant, si c’était à refaire, je referais exactement la même chose.

Vous êtes au courant, j’imagine, qu’il y a eu toute une polémique autour de Roman Polanski, qui devait présider la cérémonie des César et qui a finalement pris la décision de se retirer.
Je ne connais pas assez l’affaire Polanski pour en discuter précisément. Ce que j’ai compris, en revanche, c’est que Polanski avait passé un accord avec le juge et que celui-ci ne l’avait pas respecté. Je sais aussi qu’aujourd’hui la victime le soutient. Quand on se souvient par où est passé cet homme de 83 ans, c’est effrayant d’imaginer qu’on soit encore après lui. Cela dit, je pense que Polanski a besoin de mettre un point final à cette histoire, pour qu’elle soit définitivement derrière lui. Il y a une chose qu’on ne pourra jamais lui enlever, c’est qu’il est un des plus grands cinéastes de notre temps.
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Peut-on séparer un homme de son œuvre ?
Moi, je suis démocrate. Eh bien, je sais qu’il y a des gens qui ne veulent pas voir mes films et ne me supportent pas, seulement à cause de mes idées. C’est de bonne guerre. Le cinéma n’est pas la politique. Là, il y a des mots et des déclarations qu’on ne pourra jamais effacer et qui sont indéfendables.
Comment expliquez-vous que, dans un pays aussi puritain que l’Amérique, Donald Trump, malgré son comportement minable avec les femmes, ait été élu ?
C’est une star, c’est pour ça qu’on lui pardonne tout !
Mais, depuis qu’il a été élu, il ne cesse de fustiger Hollywood…
Il ne l’a pas toujours fait ! Savez-vous que son nom figure sur 22 génériques comme comédien et qu’il touche 120 000 dollars de retraite du syndicat des acteurs ? Il ne dit pas : “Quand vous êtes un grand promoteur immobilier, vous pouvez attraper une femme par la chatte !” Il dit : “Quand vous êtes une star, vous pouvez…” Trump aurait adoré être une star de cinéma. Quant à son conseiller, Steve Bannon, c’est un scénariste et un metteur en scène raté qui aurait rêvé d’engager Mel Gibson, mais qui n’y est pas arrivé. Si un de ses spectacles musicaux ou un de ses films avait marché, on n’aurait jamais vu Bannon à la Maison-Blanche !
Trump aurait adoré être une star de cinéma.
Y a-t-il des choses que vous regrettez d’avoir dites ?
Un jour, dans un show, j’ai fait une très mauvaise plaisanterie sur Charlton Heston et la maladie d’Alzheimer. Il était alors président de l’association en faveur des armes. Sa famille l’a très mal pris, ce que je comprends. Pour m’excuser, j’ai versé 50 000 dollars à une association de lutte contre cette maladie.
Êtes-vous inquiet pour l’Amérique ?
C’est un vrai problème : quand le président des États-Unis échoue, le monde est en danger. Mais je reste optimiste. On a eu de grands présidents comme Washington, Jefferson, Lincoln, Roosevelt, Kennedy. L’Amérique a fait des erreurs et en fera sûrement encore, mais elle a toujours su les réparer ! Il faut que le monde entier se réveille. Les démocrates doivent trouver, d’ici à deux ans, un candidat brillant qui galvanise les électeurs.
Vous ?
Ce n’est pas à l’ordre du jour.