Jean-Michel Jarre : « Gong Li incarne l’indépendance de la femme moderne chinoise »

Jean-Michel Jarre et Gong Li, au dernier festival de Cannes. | © LOIC VENANCE / AFP
Michel Drucker, qui a élevé Stéfanie, la demi-soeur de Jean-Michel Jarre, a savouré Mélancolique rodéo, les Mémoires du compositeur. Premiers extraits d’une interview fleuve dans laquelle il évoque son coup de foudre pour l’actrice chinoise Gong Li.
Michel Drucker. J’avais l’impression de tout connaître de toi : le musicien, le pionnier de la musique électronique, l’inventeur des concerts-spectacles géants. Et maintenant, je découvre l’écrivain… Quel livre !
Jean-Michel Jarre. J’ai toujours pensé que mon premier livre, s’il y en avait un, serait un roman. J’ai toujours aimé les mots, aimé lire, aimé écrire. Mais si j’ai signé de nombreuses chansons –“Les mots bleus” ou “Les paradis perdus” pour Christophe, “Où sont les femmes ?” pour Patrick Juvet, et bien d’autres –, le manque de temps, la timidité aussi m’ont longtemps retenu de me lancer dans un long récit. Jusqu’au jour où l’envie de raconter avec sincérité, de comprendre honnêtement et peut-être de transmettre a été la plus forte. Je m’y suis enfin mis !
Le rythme du livre est étonnant, très émouvant, construit autour d’objets.
Depuis le départ, j’avais l’idée du titre “Mélancolique rodéo”, un oxymore comme je les aime, et aussi d’aborder le récit à travers des objets. Ces témoins et reflets involontaires de mon existence m’ont permis de sauter du passé au présent, de rompre avec la chronologie classique. Les objets sont pour moi source d’inspiration, moteur créatif, présence rassurante, madeleine proustienne, figure affective, romanesque… je suis un chineur invétéré.
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Les femmes, ce sont aussi celles de ta vie, des actrices aussi, de Charlotte Rampling jusqu’à, aujourd’hui, Gong Li.
Charlotte reste le pivot de mon existence, la mère de mes enfants, et ma meilleure amie. Elle est aussi, bien sûr, une très grande comédienne, tout comme Gong Li. Peut-être que ce lien avec les actrices, pour un musicien, tient à nos modes de vie assez similaires. Nous sommes des nomades, souvent sur la route, souvent de passage. Nous comprenons tacitement qu’une relation repose sur des moments intenses plutôt que sur un quotidien en partage.
Entre nous, le Lyonnais et la Chinoise, la route, celle de la soie, était de toute façon tracée.
Parle-moi un peu de Gong Li, justement.
Gong Li est une légende en Chine, c’est à travers elle que le monde a pris conscience de l’importance du cinéma chinois. L’hôtel Carlton, à Cannes, ne s’y est pas trompé. Dans le hall, il y a trois photos d’actrice : Greta Garbo, Marlene Dietrich et Gong Li. Elle incarne aussi l’indépendance et la liberté de la femme moderne chinoise. J’ai beaucoup de chance de partager ma vie avec une femme dont j’admire la bonté, qui est capable de s’intégrer partout en dépit des barrières linguistiques, sociales, culturelles. C’est très rare, une telle ouverture d’esprit, une telle sérénité. Je comprends encore plus ce qui me rattache à la Chine. Là-bas, notre couple symbolise le lien entre nos deux pays, et nous en sommes fiers.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
À Paris, chez un ami commun. Nous avons immédiatement eu le sentiment de nous trouver, ou plutôt de nous retrouver, l’étrange impression de nous connaître depuis très longtemps. J’étais en pleine tournée « Electronica », de passage en France entre les concerts de Londres et de Stockholm. Li est repartie avec moi, tout naturellement, s’intégrant à l’équipe comme si elle en faisait partie depuis toujours. J’aime aussi l’idée qu’entre nous, le Lyonnais et la Chinoise, la route, celle de la soie, était de toute façon tracée…
