Syrie, Notre-Dame des Landes, système de santé : ce qu’il faut retenir de l’interview d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron lors de l'interview accordée dimanche soir. | © FRANCOIS GUILLOT / AFP
Le président de la République Emmanuel Macron a donné une longue interview dimanche soir, au Palais de Chaillot à Paris, comme un bilan de sa première année à l’Élysée.
D’abord un mot sur la forme. Interviewé par Jean-Jacques Bourdin (BFMTV et RMC) et Edwy Plenel (Mediapart), deux contradicteurs réputés pour leur pugnacité, le président de la République Emmanuel Macron a parfois répliqué sèchement, contestant même l’honnêteté intellectuelle du second sur certaines questions qu’il a jugées orientées. « Je conteste l’orientation de votre question qui viserait à voir une logique ou à vouloir créer une coagulation dans ces mécontentements. Il n’y en a pas tant que cela. Le mécontentement des cheminots a peu à voir avec le mal-être profondément légitime à l’hôpital qui dure depuis des années… », a répondu le chef de l’État français sur BFMTV/RMC/Mediapart.
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« J’entends toutes les colères », a-t-il ajouté, citant celle des cheminots, en grève en pointillés depuis début avril. « C’est une colère que je comprends, que je respecte mais qui est liée à une décision que nous prenons, que j’assume, une réforme que nous mènerons jusqu’au bout », a-t-il développé. Il a rappelé que s’il avait « dès le jour de (son) investiture » évoqué le besoin de « réconcilier le pays », ça ne se ferait « pas du jour au lendemain ». En revanche « la ‘colère » des opposants à l’évacuation de la Zad de Notre-Dame-des-Landes n’était « pas légitime ». « Il y a une décision qui a été prise (…), vous me parlez d’une colère aujourd’hui mais la colère de qui ? Des gens, qui depuis des années bloquaient un endroit où on faisait construire un aéroport qu’on ne construit pas et qui aujourd’hui viennent continuer à protester ? Je considère qu'(…) elle n’est pas légitime, elle n’a rien à voir avec celle des cheminots », a souligné le chef de l’État français.
Sur la Syrie
« Trois sites de production et de traitement d’armes chimiques ont été visés par ces attaques (…) Nous avons réussi cette opération sur le plan militaire », a expliqué Emmanuel Macron. Il a ajouté que la décision a été prise « sur le principe dès dimanche dernier », suite à l’utilisation d’armes chimiques dans la Ghouta orientale. « Nous avons obtenu des preuves que du chlore, des armes chimiques ont été utilisées », a-t-il ajouté. « Nous avons frappé de manière extrêmement précise des sites d’utilisation d’armes chimiques contraires à tout le droit international » et « nous n’avons eu aucun dommages collatéraux à l’égard des Russes », a poursuivi le chef de l’État, pour qui la France n’a pas déclaré la guerre au régime de Bachar Al-Assad.

Sur le système de santé
Emmanuel Macron a considéré dimanche qu’une deuxième journée travaillée non-payée pour financer la dépendance était « une piste intéressante » et qu’il n’était « pas contre » cette idée déjà évoquée jeudi par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.
« C’est une piste », a indiqué le président de la République. « Est-ce que ça a bien marché la dernière fois ? Je ne suis pas contre, je pense que c’est une piste intéressante, il faut le regarder », a-t-il ajouté, en estimant que « ça (pouvait) être une option ». La première journée avait été instaurée après la canicule de 2003. Il a également indiqué dimanche qu’il n’y aurait « pas d’économies sur l’hôpital dans ce quinquennat » alors que les hôpitaux français, particulièrement les services d’urgence, sont en crise.
Le chef de l’État français a par ailleurs dit qu’il annoncerait des décisions « fin mai » sur les hôpitaux.
Sur la SNCF et la grève des cheminots
Emmanuel Macron a confirmé dimanche que l’État reprendrait progressivement une partie de la dette de la SNCF quand le groupe serait réformé, sans toutefois avancer de montant. « Oui, à partir du 1er janvier 2020, l’État reprendra progressivement de la dette » de SNCF Réseau, qui devrait alors atteindre une cinquantaine de milliards d’euros, a déclaré le président de la République.
Sur la fiscalité
Auparavant, il avait expliqué qu' »il n’y aura pas de création d’un nouvel impôt local, ni d’un impôt national, il n’y aura pas d’augmentation de la pression » fiscale d’ici à 2022. Il a ajouté qu’il y aurait « une baisse même en proportion de cette suppression de la taxe d’habitation », qui doit se faire progressivement. Le chef de l’État français a souligné qu’il fallait désormais « refondre en profondeur la fiscalité locale », indiquant que cela se ferait « dans le cadre d’un dialogue » avec les collectivités locales, pour pouvoir la répartir « entre les communes, les départements et les régions ».
La suppression de la taxe d’habitation est faite « pour les villes moyennes », a argué M. Macron, soulignant que cet impôt était moins élevé dans les grandes villes et qu’il touchait surtout les classes moyennes.
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Interrogé sur la possibilité que l’impôt sur la fortune immobilière, qui a remplacé l’impôt sur la fortune, puisse aller aux collectivités locales, M. Macron a répondu que cela faisait « partie des hypothèses qui sont sur la table ».
Sur Notre-Dame des Landes et mouvements étudiants
Emmanuel Macron a affirmé dimanche que « tout ce qui devra être évacué le sera » sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, à l’issue du nouveau délai de régularisation (23 avril) laissé par le gouvernement aux occupants illégaux.
« Il y a plus d’une soixantaine de gendarmes blessés, c’est inadmissible. Je crois en l’ordre républicain. Il y a une phase de négociation dans le cadre républicain mais, pour le reste, l’ordre sera fait parce que la République a besoin d’ordre », a-t-il ajouté. Asticoté par Edwy Plenel, le chef de l’État s’est emporté : « Je vais aller m’installer dans votre salon et je vais dire que c’est un projet agricole alternatif ».

Emmanuel Macron a estimé dimanche que les étudiants étaient « souvent minoritaires » parmi ceux qui bloquent les universités, dénonçant des violences « inadmissibles » émaillant le mouvement de contestation de la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur.
« Ce que je constate, c’est que dans toutes les universités aujourd’hui où il y a des amphis paralysés, des violences parfois au demeurant inadmissibles, les étudiants sont bien souvent minoritaires, ce sont des groupes qui ne sont pas des groupes étudiants qui viennent et ce sont ceux dont j’ai dit » qu’ils étaient « des professionnels du désordre ».
Sur l’accusation de duplicité de François Hollande
Sur cette critique d’une « duplicité », M. Macron a répondu que « ces cinq années, j’ai toujours dit ce que je faisais et ce que je pensais, y compris quand il fallait assumer des désaccords ». « Si c’est ça qu’on appelle la duplicité ! », a-t-il lancé. « Simplement, il y a un malentendu: je ne considère pas qu’être ministre, c’est être un obligé », a ajouté le président. Dans son gouvernement, il y a « des femmes et des hommes libres », qui sont aussi « dans un collectif auquel (il) croi(t) ».
M. Macron lira « sans doute » le livre de François Hollande, qui a « sa part de vérité » et pour lequel il a « du respect ».