La Belgique pointée du doigt par le New York Times suite à l’affaire des Soudanais torturés

Image d'illustration. | © AFP PHOTO / KHALED DESOUKI
Alors que la polémique semblait éteinte, le journal new-yorkais a retrouvé la trace de plusieurs demandeurs d’asile soudanais renvoyés par la Belgique qui témoignent de la torture dont ils ont été victimes à leur retour dans leur pays d’origine.
L’affaire avait déjà fait couler beaucoup d’encre en septembre 2017. Dans une enquête publiée dimanche sur son site, le New York Times explique que la Belgique n’est pas le seul pays européen à avoir autorisé des policiers soudanais à pénétrer dans leurs centres de rétention pour identifier les demandeurs d’asile soudanais et « accélerer leur déportation » : la France et l’Italie sont également visées. Le quotidien américain ajoute que ces officiers ont été autorisés à « interroger certains candidats sans être surveillés par des fonctionnaires européens capables de comprendre les propos échangés ».
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Électrocuté et battu
Au cours de ces 18 derniers mois, plus de 50 demandeurs d’asile soudanais ont été expulsés par les gouvernements belges, français et italien. Le New York Times a pu en rencontrer sept d’entre eux, dont quatre disent avoir été arrêté dès leur retour dans leur pays d’origine puis torturés. Des informations démenties par le régime du général Omar el-Béchir. L’un des réfugiés, un dissident politique du Darfour expulsé par la France, affirme avoir été électrocuté, battu et frappé avec des tuyaux en métal pendant dix jours. À un moment donné, le dissident dont le nom ne sera pas divulgué pour sa sécurité, a perdu connaissance et a dû être emmené à l’hôpital. Il a ensuite été libéré sous une forme de libération conditionnelle, ajoute le New York Times. Outre la Belgique, la France et l’Italie, le Royaume-Uni et la Norvège pourraient avoir également collaboré avec la dictature soudanaise.
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Selon le New York Times, l’Union Européenne se salit tranquillement les mains, étouffant le flux humain, en donnant la gestion des frontières à des pays douteux en matière de droits de l’homme. Si cette approche paie – le nombre de migrants arrivant en Europe a diminué de plus de moitié depuis 2016 -, de nombreux défenseurs des migrations affirment que le coût moral est élevé.

Relation délicate entre le Soudan et l’Europe
« Nous n’encourageons pas le Soudan à freiner la migration, mais à la gérer de manière sûre et digne », explique Catherine Ray, une porte-parole de l’UE au quotidien américain. Si elle affirme qu’ils s’engagent « dans certaines régions pour le bien du peuple soudanais », malgré l’embargo sur les armes contre le pays, le New York Times révèle que l’Union Européenne a injecté 106 millions d’euros dans le pays par l’intermédiaire d’organisations caritatives et d’organismes d’aide indépendants, principalement pour des programmes d’alimentation et de santé destinés aux migrants.
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Ahmed Salim, le directeur de l’une de ces associations bénéficiaires, explique que l’Union Européenne est à la fois motivée par son propre intérêt, mais aussi un réel désir d’améliorer la situation au Soudan. « Ils ne veulent pas que les migrants traversent la Méditerranée vers l’Europe », explique-t-il avant d’ajouter que l’argent que son organisation a reçu permet d’améliorer réellement les services pour les demandeurs d’asile au Soudan. « Vous devez admettre que les pays européens veulent faire quelque chose pour protéger les migrants ici », déclare-t-il. S’il n’y a pas d’échange d’argent direct, de mains en mains, Suliman Baldo, l’auteur d’une enquête à propos du partenariat entre l’Europe et le Soudan concernant la migration, explique tout de même que d’une certaine façon, « l’Union Européenne légitime une force abusive ».