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Le gouffre entre politiques et citoyens se creuse

Le Premier ministre campe sur ses positions tout en cherchant minimalement un compromis. | © BELGA PHOTO DIRK WAEM

Politique

Une manif réussie pour le climat, des manifs ratées pour les gilets jaunes. Le gouvernement fédéral en crise d’apoplexie. Personne ne voit donc l’urgence ?


On vous avait prévenu la semaine passée : en totale rupture avec le minimum de rationalité requise pour gérer un Etat, le gouvernement belge est en pleine crise de nerfs. Voire en crise tout court. La N-VA ne veut toujours pas entendre parler du Pacte de la migration version ONU. Des solutions alambiquées sont recherchées.

Mais quelque chose a changé : l’état d’esprit. Le Premier ministre campe sur ses positions tout en cherchant minimalement un compromis. Pourquoi si peu de verve cette fois ? Charles Michel déteste prodigieusement s’enflammer et décider sur coup de tête. Diamétralement l’inverse de son papa Louis. Alors, suivons sa logique.

Il bénéficie du soutien total de deux partenaires loyaux pour l’occasion : le CD&V et l’Open VLD. L’air de rien, cela fait trois contre un. La N-VA est donc isolée. Ceci n’est vraiment pas anodin. Le Premier ministre a dû souvent jouer l’arbitre entre les « alliés » flamands de sa majorité. C’est un faiseur de compromis pour le nord du pays. Aujourd’hui, le cas de figure est tout autre. Les nationalistes sont seuls dans leur bourbier.

Et si la N-VA provoquait la chute de l’exécutif ?

Reporters / Abaca

Les cinq années de législature qui devaient illustrer le bonheur économique retrouvé, la bonne gouvernance et la Flandre majoritaire triomphante au sommet de l’Etat seraient réduites à quasi rien. La réforme fiscale et la création d’emplois seraient invendables avec un tel fiasco politique dans la dernière ligne droite.

Alors ? Si la N-VA reste à bord, elle accepte un compromis sur le texte de l’ONU, style une déclaration interprétative du texte. Problème : ce compromis pourrait très vite apparaître comme une compromission. L’extrême droite sifflera, huera, pourfendra la tromperie de l’électeur N-VA pour quelques sièges de ministres rue de la Loi. Bref, la N-VA se fera encore dépasser sur sa droite. Le Vlaams Belang colonisera définitivement le terrain identitaire. Dans ce cadre, il est peu surprenant que les nationalistes refusent de manière épidermique une majorité alternative au Parlement. Un genou à terre, ils seraient ridiculisés par leur concurrent direct.

Coup dur pour la stratégie de Bart De Wever. Pour la première fois, peut-être, avec une force autant contre-productive, le président de la N-VA s’est enfermé – ou s’est laissé enfermer – dans un scénario alambiqué dont il ne voit pas la sortie avec lucidité. Surtout, pour la première fois, il n’y a aucune solution dont il sortira vainqueur.

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La N-VA semble désormais traversée par deux courants, les radicaux et les pragmatiques. Les combattants d’une ligne dure aiguisée et les militants d’une ligne souple et ronde. Les indépendantistes de demain et les confédéralistes du surlendemain. Avec, en ligne de mire, la succession à la présidence du parti. Bart De Wever vit (normalement) son dernier scrutin. Il devait déjà s’en aller auparavant.

Charles Michel fait donc de la résistance. Comme jamais. Il a répété à la Chambre vouloir se rendre à Marrakech la semaine prochaine pour lancer symboliquement ce pacte non contraignant. Il démentirait ainsi de la manière la plus forte le soupçon qu’il soit à la solde d’Anvers. Il n’accepterait jamais que sa parole à la tribune de l’ONU, où il a soutenu officiellement le Pacte de la migration, soit remise en cause. Une honte nationale et internationale. Insupportable pour quelqu’un qui a l’honnêteté pour lui dans ce dossier. De surcroît, il déteste qu’on se moque de lui. Cela illustre l’état d’esprit du locataire du 16 rue de la Loi.

75 000 personnes ont marché dimanche pour sauver la planète. Et changer les mentalités

Pendant que le pays est secoué par une crise absurde, les crises bien réelles du climat et des gilets jaunes secouent significativement la Belgique. 75 000 personnes ont marché pour sauver la planète et changer les mentalités. Les manifestants ont raison : aucune politique digne de l’enjeu n’est réellement menée dans la plupart des quatre coins de la planète et chez nous.

Les gilets jaunes ont bien du mal à trouver leur sillon pour faire bouger les lignes politiques. Ce qui a valu une sortie absurde d’un député MR quant au fait que Charles Michel puissent recevoir des représentants du mouvement : « Le Premier ministre a d’autres chats à fouetter. » Monologues de sourds. Restent les violences des casseurs. A condamner de la plus sévère des façons.

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