À J-4 du second tour de la présidentielle française, Emmanuel Macron répond à Paris Match

Emmanuel Macron, le 28 avril 2017. | © BELGA/AFP PHOTO/Eric FEFERBERG
À J-4, Paris Match a rencontré les deux finalistes de la présidentielle française. Deux personnalités, deux projets, deux visions de l’avenir. Voici des premiers extraits de l’entretien avec Emmanuel Macron.
Paris Match : Votre livre s’intitule “Révolution”. À priori, vous n’avez ni les traits ni le parcours d’un révolutionnaire. Pouvez-vous qualifier ce que sera la révolution Macron ?
Emmanuel Macron : J’ai appelé mon livre “Révolution” parce que nous vivons une révolution civilisationnelle et je pense que l’on peut conduire une révolution démocratique. C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’on a une mondialisation instantanée, grâce au numérique, et que les imaginaires s’interpénètrent. Je peux à Montmorillon, où j’étais récemment, suivre un cours de Harvard comme je peux, toujours à Montmorillon, recevoir un message djihadiste. Nous assistons à un éclatement de nos repères, lié à la fragilité des démocraties et particulièrement au terrorisme. Face à cet état du monde, notre système politique, lui, n’a pas évolué depuis trente ans. Il est en train d’exploser : c’est ce qu’a démontré le premier tour de la présidentielle. La révolution que je veux conduire, c’est celle d’une société qui soit à la fois efficace et juste. Elle consiste à refonder notre système démocratique pour le rendre solide dans ce monde ouvert.
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Selon vos adversaires, la situation de la France aujourd’hui nécessite un choc pour la réveiller. Sans ce choc, faudra-t-il des années avant que les choses bougent ?
Une part importante de notre pays est en colère, profondément divisée. Mais il existe aussi une France optimiste qui croit dans l’avenir. Il y a enfin une France qui doute. Face à cela, le “choc”, cette obsession de la vie politico-médiatique, est une mauvaise idée parce que, contrairement à beaucoup de pays, le peuple français n’est pas un peuple qui se réforme petit à petit, insidieusement. C’est notre ADN gaulois. En revanche, quand le précipice est là, les Français sont capables des révolutions les plus profondes. J’entends la colère, mais je veux la cristalliser dans quelque chose de positif. Je ferai des réformes en profondeur, mais qui ne seront pas des chocs.
De Gaulle et Mitterrand incarnent pour vous deux moments de rupture très forts. C’est ce genre de rupture historique que vous voulez incarner ?
Oui et je pense que nous y sommes, quelle que soit l’issue du 7 mai. La France a tourné le dos aux deux grands partis politiques qui la gouvernent depuis trente ans. Nous sommes à un moment de notre Histoire où nous devons choisir entre le repli, la réaction et la haine de l’autre, et une ouverture exigeante : il ne s’agit pas de prôner une mondialisation béate, nous avons besoin d’un patriotisme exigeant qui est celui que je porte.
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Vous avez honoré la figure de Jeanne d’Arc, ferez-vous de même avec Napoléon dont personne n’a voulu commémorer l’action à part de Gaulle peut-être à un certain moment ?
Oui, parce que Napoléon, dans des moments de grand fracas, a eu, au-delà du génie militaire, un vrai génie politique, et d’ailleurs le moment que nous vivons a quelque chose de napoléonien aussi. Il a construit un Etat, une administration. Il a su justement porter quelque chose que j’ai regardé de près et que nous essayons très modestement de faire : c’est l’alliage de l’ancien et du nouveau. Pour changer le système, il faut des gens neufs. Et il faut aussi savoir appeler ceux de l’ancien système, avec leur expérience et leur vision, qui sont les plus aptes à se remettre en cause pour justement réconcilier ces Français. Le génie napoléonien s’incarne dans le Code civil. Il est fait par des hommes d’Ancien Régime, mais la Révolution française est passée par là.
(…)
Êtes-vous un homme en colère?
Non. Mais je porte avec moi une part irréductible de la colère du peuple français. Je suis plus en colère qu’au début de cette campagne parce que j’ai pris en charge une part de l’indignation des Français.