Maggie De Block veut-elle la peau des étudiants soignants ?

Les manifestations se suivent au gré des mesures de la ministre | © BELGA PHOTO LAURIE DIEFFEMBACQ
Pour tenter d’offrir des places à tous les étudiants de la double cohorte, Maggie De Block aurait suggéré de doubler les années d’assistanat en médecine, qui seraient effectuées à mi-temps par les étudiants. Une proposition qui enrage ces derniers, et qui fait suite à une série de mesures ayant suscité colère et incompréhension chez les étudiants soignants.
En novembre, Félix, étudiant en dernière année de médecine à l’ULg, effectuera le mois de stage en médecine générale prévu dans son cursus. Un stage qui n’a de « mois » que le nom : contrairement aux étudiants qui l’ont précédé dans le cabinet du médecin qui lui servira de maître de stage, Félix n’effectuera que deux semaines d’observation, les deux autres étant effectuées par une condisciple qui « partage » le stage avec lui. En cause, la fameuse double cohorte, le chevauchement des cursus en 7 et 6 ans qui résulte en une année surchargée et des effectifs insuffisants pour accueillir en stage tous les étudiants.
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Sur la forme, Félix est plutôt content de cet arrangement, qui va lui laisser du temps libre pour préparer son examen de compétence, marathon intellectuel faisant appel aux matières étudiées les sept dernières années. Mais sur le fond, difficile pour lui de ne pas avoir l’impression d’effectuer un stage bradé, où il n’aura finalement pas le temps d’apprendre grand chose. Un avis que partage son père, Victor, lui-même médecin généraliste en région liégeoise et maître de stage. « Un mois, pour les stagiaires, c’est vraiment le minimum. Il leur faut toujours un temps d’adaptation, et quatre semaines, c’est même un peu juste pour qu’ils puissent faire un véritable apprentissage. Si on divise ça par deux, autant ne pas leur imposer de stage en médecine générale, ils n’auront le temps de rien apprendre en deux semaines ». Et si père et fils étaient déjà déçus par les modifications appliquées au stage en médecine générale, aujourd’hui, ils sont livides : selon nos confrères de la DH, l’assistanat en médecine pourrait désormais être effectué à mi-temps, doublant ainsi la durée de formation qui se chiffrent déjà en années et viennent après 7 ans d’études de médecine. Pour Victor, c’est la goutte d’eau : « C’est un projet scandaleux ! Mon fils veut effectuer une spécialisation en psychiatrie, ce qui équivaudrait donc à 12 années supplémentaires au lieu de 6, payées 800€ par mois seulement… Il terminerait donc sa formation à 37 ans ! Si c’est vrai que cette mesure va passer, il s’agit tout bonnement d’un scandale innomable ».
« Maintenant ce sera pire »
Et si le Comité interuniversitaire des étudiants en médecine (CIUM) attend que la mesure ait été annoncée officiellement pour réagir, du côté de ses représentants, on ne cache pas un certain mécontentement. « Nous avons entendu parler de l’assistanat à mi-temps, qui durera deux fois plus longtemps et sera rémunéré deux fois moins. Pour eux, un mi-temps, c’est 40 heures par semaine. Cela dans le cadre de la double cohorte. Il y avait déjà un manque de stages criant observé. Maintenant ce sera pire ». En attendant, le CIUM a lancé une pétition, signée à plus de 2 600 reprises, et dénonçant « une situation surréaliste concernant nos soins de santé« . L’occasion pour le comité de tirer la sonnette d’alarme : « nous rencontrons une pénurie de médecins généralistes et spécialistes. Celle‐ci nourrit progressivement une médecine à deux vitesses où les gens aisés financièrement pourront plus facilement accéder à des soins de santé de qualité dans des délais raisonnables ». Une vision qui ne correspond pas à celle du gouvernement, qui, avançant une éventuelle pléthore médicale, inévitablement liée selon certains politiques à une surconsommation médicale et une augmentation des coûts de santé, continuent de limiter l’accès aux études de médecine.
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Et les futurs médecins ne sont pas les seuls étudiants soignants à avoir pris la ministre de la Santé en grippe. L’hiver dernier, ce sont les étudiants en psychologie qui dénonçaient ses mesures. Maggie De Block avait en effet annoncé qu’il ne serait plus permis aux assistants en psychologie de pratiquer seuls, les obligeant à exercer sous la supervision d’un psychologue diplômé. La ministre avait également ôté la possibilité aux étudiants d’entreprendre une passerelle vers un master en psychothérapie dès la rentrée 2018. Pour Maxime Mori, président de la Fédération des étudiants francophones, il ne s’agissait là que d’un « nouvel exemple que les critères de choix de la ministre sont budgétaires et ne prennent pas en compte la qualité des soins ». Un reproche que lui font également les futurs médecins.
Nulle obligation
Du côté du cabinet de Maggie De Block, on rappelle que l’assistanat à mi-temps n’est « aucune obligation. De plus, il peut s’agir d’un taux de 80 % et la durée du stage passe alors à six ans au lieu de cinq ans. Cela arrange beaucoup de médecins et diminue aussi le nombre de gardes ». Une explication qui peine à convaincre les étudiants en médecine, persuadés que Maggie débloque, et bien décidés à faire bloc.