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En Belgique (francophone), un adulte sur dix est analphabète

En Belgique francophone, une personne sur dix ne sait ni lire ni écrire. | © © PHOTO LA VOIX DU NORD / BONNIERE PASCAL

Société

En Fédération Wallonie-Bruxelles, on estime que l’illettrisme touche une personne sur dix, soit à peu près 300.000 personnes. Et encore, c’est sans compter les élèves dont le niveau de lecture est insuffisant, les sans-papiers, les personnes étrangères n’ayant pas la nationalité belge…

Ce jeudi, la Foire du Livre ouvre ses portes à Bruxelles. Si ce rendez-vous est incontournable pour les férus de lecture, il est toutefois inaccessible à une partie de la population, dont le niveau de lecture est insuffisant. En Belgique francophone, environ 10 % de la population adulte est en difficulté face à la lecture et l’écriture.

Les premières initiatives d’alphabétisation datent des années 60 et se sont d’abord développées dans les grandes villes. À l’époque, elles étaient principalement destinées aux migrants. Ce n’est que dans les années 80 que plusieurs associations ont remarqué que l’analphabétisme persistait au sein de la population belge.

Et aujourd’hui ? Sur son site Internet, Lire et Écrire explique que non, les analphabètes ne sont pas tous des immigrés, répondant ainsi à un cliché encore trop largement répandu. Selon une enquête menée par l’association en 2016, au sein de ses propres lieux de formation, les personnes d’origine étrangère représentent, au total, 71 % des analphabètes (59 % en Wallonie et 70 % à Bruxelles). Les cours donnés par Lire et Écrire comptent plus de femmes (56%) que d’hommes et la grande majorité du public a entre 25 et 44 ans. Quant aux moins de 25 ans, ils représentent 10 % des élèves de Lire et Écrire.

L’association donne également un aperçu de la situation socioprofessionnelle de ses membres : 33 % dépendent du CPAS, 22 % sont demandeurs d’emploi indemnisés et 6% ont un emploi. Reste que 28 % sont sans revenus : les détenus, les demandeurs d’asile, les étudiants, les demandeurs d’emploi non-indemnisés, les femmes et les hommes au foyer.

Encore trop d’enfants ne comprennent pas ce qu’ils lisent

L’illetrisme touche toutefois un public bien plus large. Selon les dernières statistiques Pisa (2015), le taux d’élèves de 15 ans n’ayant pas acquis le niveau de base en lecture s’élevait à… 22,6 %. Un chiffre pour le moins interpellant, alors que l’enseignement est obligatoire. L’ASBL Lire et Écrire, créée en 1983, note par ailleurs qu’en 2017, près de 15 % d’enfants ont quitté l’enseignement primaire sans le Certificat d’études de base (CEB). Beaucoup d’entre eux ne parviendront pas à rattraper leurs lacunes dans l’enseignement secondaire. Les raisons de leur échec ? Ruptures familiale, scolaire, sociale, identitaire, culturelle… Mais aussi le système scolaire lui-même, décrit comme « particulièrement discriminant et inéquitable ».

 

L’illettrisme ou le fait d’être analphabète entraîne des conséquences dans tous les aspects de la vie quotidienne. © PHOTO LA VOIX DU NORD / BONNIERE PASCAL

L’offre ne répond pas à la demande

L’analphabétisme reste encore un sujet tabou et peut être très mal vécu par les premiers concernés. D’ailleurs, la première difficulté à laquelle ils se heurtent est la gêne et la peur. Peur d’avouer, peur de demander de l’aide. En d’autres mots : admettre qu’on est analphabète n’est pas si simple. Deuxième obstacle : l’accessibilité des formations d’alphabétisation. Le secteur dénonce depuis plusieurs années le manque de moyens. L’offre ne parvient pas à suivre la demande. Selon une étude menée par la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2012, alors que le nombre de personnes en difficulté de lecture et d’écriture gravitait autour de 400.000 personnes, seules 20.000 ont pu suivre une formation. Qu’est-ce qui les pousse à faire un pas en avant ? La rentrée des enfants à l’école, la perte d’un emploi, d’un proche… Bref, toute situation qui entraîne des besoins nouveaux.

Cela dit, « l’alphabétisation n’est pas une fin en soi », souligne Lire et Écrire. Apprendre à lire et à écrire ne sert pas qu’à s’acheter un bouquin à la Foire du Livre. C’est aussi aider son enfant à l’école, répondre aux questions d’un examen pour le permis de conduire, écrire correctement une lettre de motivation, remplir un formulaire pour obtenir un rendez-vous. C’est savoir se débrouiller seul, savoir se défendre, être inclus dans la société.

 

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