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Des photos recolorisées pour mieux comprendre la douleur des camps de concentration

Czesława avait 14 ans au moment de la photo - et de sa mort. | © Marina Amaral

Société

Marina Amaral est coloriste et redonne vie aux images du passé, pour leur rendre leur puissance initiale. Son travail sur le portrait d’une jeune Polonaise juive est saisissant.

« Regardez les yeux de Czesława », ses lèvres éclatées, ses joues pâles foncées par deux larges cernes – trop bleues pour une adolescente de 14 ans. Regardez les couleurs de Czesława, elles sont le vrai souvenir que l’on a de cette jeune Polonaise juive, enfermée à Auschwitz et tuée trois mois après son arrivée : c’est la seule trace de vie qu’on ait d’elle. Et il est le fruit du travail de Marina Amaral, une coloriste basée au Brésil, à des milliers de kilomètres des restes du camp.

« Czesława était considérée comme une prisonnière politique pour avoir vécu à Zamosc. Elle est restée dans le camp seulement trois mois avant d’être assassinée – moins d’un mois après sa mère, Katarzyna Kwoka, qui a succompé au même destin ».

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Le pouvoir des couleurs

La photo de Czesława recolorisée par la jeune femme est devenue virale en prenant la véritable teinte de l’horreur : la fatigue dans les corps, la crasse des vêtements, l’incompréhension peureuse des regards n’étant pas aussi reconnaissable sur les images en noir et blanc peuplant les musées des pays de l’Est, à partir de l’Allemagne. « Regarder des photos comme celle-ci durant tant d’heures et de minutes, en m’assurant que j’ai bien couvert chaque minuscule détail n’est pas une tâche facile (émotionnellemnt) », raconte la jeune femme. « Mais je continue de le faire, car je crois sincèrement au pouvoir de voir des visages comme celui de Czesława ».

Elle n’avait que 14 ans mais était bien plus courageuse que je ne le serai jamais (…) Elle venait juste d’être battue par un kapo et elle a pourtant l’air si forte. Elle m’est devenue d’autant plus réelle et puissante une fois que j’ai colorisé ses bleus et le sang sur son visage.

« C’est bien plus facile de s’identifier à ces personnes une fois qu’on les comprend et voit comme de vrais êtres humains », explique Marina Amaral sur Twitter à propos du pouvoir de la couleur. La coloriste a reçu l’autorisation de réaliser son travail sur cette photo en particulier parce qu’elle était désormais tombée dans le domaine public. « La photo est devenue plusieurs fois virale, mais jamais avec cette intensité », estime-t-elle.

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Du procès de Nuremberg à un portrait de Marie Curie, en passant par le départ du Titanic, Marina Amaral n’en est pas à son coup d’essai en termes de recolorisation photographique. Et le résultat de ses efforts est toujours saisissant, ajoutant un réalisme troublant aux souvenirs de l’inconscient collectif : on n’est pas prêts d’oublier le regard de Czesława.

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