Linda Brown, l’écolière noire qui a changé les États-Unis, s’est éteinte

Linda Brown s'est éteinte à l'âge de 76 ans. | © AFP PHOTO / -
Linda Brown, figure majeure de la lutte contre la ségrégation aux Etats-Unis, est morte à 76 ans, ont annoncé ses proches lundi.
Il y a eu Rosa Parks, Martin Luther King, Malcolm X et Linda Brown. À 11 ans, cette dernière est devenue presque malgré elle le visage de la lutte contre la ségrégation aux États-Unis. Elle s’est éteinte à 76 ans, chez elle à Topeka, au Kansas, ont annoncé ses proches lundi.
C’est son père qui a fait d’elle un symbole. Alors petite fille, Linda Brown rêve de pouvoir aller dans la même école que les élèves blancs. Pas parce qu’elle est malheureuse au sein de son établissement scolaire, mais parce qu’il est situé très loin de chez elle. Pour s’y rendre, elle doit marcher le long d’une ligne de chemin de fer, puis d’une route très empruntée, et ensuite prendre un bus. Près de son domicile se trouve cependant une école, la Sumner School, mais elle est uniquement autorisée aux blancs, à une époque où le racisme est encore profondément ancré aux Etats-Unis.
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Pourtant, dans le quartier où elle grandit, Linda se sent bien intégrée. « Je jouais avec des enfants latino-américains. Je jouais avec des enfants blancs, des Indiens, des enfants noirs », racontera-t-elle en 1985 dans une interview retrouvée par le New York Times. Son père, le révérend Oliver Brown, décide un jour que les choses doivent changer. Il conduit la petite Linda à la Sumner School un matin de septembre 1950. Mais évidemment, l’école refuse son inscription. Son père, hors de lui, conteste cette décision et avec l’aide de la NAACP (Association nationale pour le progrès des gens de couleur), entame une action en justice. Il n’est pas seul dans ce combat. L’association regroupe plusieurs plaintes et forme un dossier général s’étendant sur la Caroline du Sud, la Virginie, le Deleware et le District de Columbia. Oliver Brown est choisi pour mener ce combat, aidé par Thurgood Marshall, qui deviendra plus tard le premier juge noir nommé à la Cour suprême. L’affaire Brown v. Board of Education est lancée.
Contre la volonté des Etats du sud
Le 17 mai 1954, quatre ans après que la petite Linda s’est vue refuser l’entrée à l’école, la Cour suprême déclare la ségrégation scolaire anticonstitutionnelle, expliquant qu’elle viole le 14ème Amendement qui garantit à chacun une protection égale sur le territoire américain. Dans sa décision, la Cour explique que « séparer les enfants noirs des autres enfants du même âge uniquement à cause de leur couleur de peau provoque un sentiment d’infériorité quant à leur statut dans la communauté, qui peut affecter leurs cœurs et leurs esprits d’une manière définitive ». Pourtant, tout n’était pas gagné pour la famille Brown. En première instance, la cour fédérale, si elle reconnaît que les élèves noirs souffrent de la ségrégation, estime que les deux écoles en question sont égales en terme d’infrastructures et d’enseignement, se pliant à la jurisprudence Plessy v. Ferguson, un cas datant de 1896.

C’est finalement à l’unanimité de 9 juges que l’arrêt Brown v. Board of Education est acceptée en 1954. Un an plus tard, les gouvernements du sud doivent alors – bien souvent contre leur volonté – lancer leurs plans de déségrégation. Jusqu’aux années 60 et même 70, les violences contre certains élèves noirs souhaitant aller dans des écoles mixtes publiques se poursuivent malgré tout. Sur place, les Etats décident de contourner la loi en donnant des fonds à des écoles privées blanches. Peu à peu pourtant, le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, mené notamment par Martin Luther King, permet une réaction nationale.
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Enfant, Linda Brown ne comprend pas l’impact de cette affaire. À l’époque, elle explique simplement être heureuse de pouvoir intégrer l’école de son choix jusqu’à la fin de sa vie. Ce n’est qu’en 1961, interrogée par le New York Times, qu’elle avoue avoir réalisé l’impact de son combat et celui de son père. « En cours d’Histoire, l’an passé, nous avons parlé de la ségrégation et des décisions de la Cour Suprême et je me suis dit, mince, un jour je serai dans les livres d’Histoire ».