Pourquoi une poupée atteinte de la rougeole irrite l’Italie

La poupée peut être guérie à l'aide de serviettes magiques | © Amazon
Il s’appelle Cicciobello, et avec ses yeux bleus recouverts d’une sage frange blonde, rien ne le distingue a priori des autres poupées. Si ce n’est les taches rouges sur sa peau, car le poupon de celluloïd est atteint de la rougeole. Un jeu dangereux selon le corps médical, à l’heure où la rougeole tue encore chaque année.
Jingle désuet, enfants rieurs et poupée aux vêtements bariolés. En fond sonore, le pitch : « Cicciobello a des petits points rouges. Utilise la serviette magique, la crème ou les petits pansements, et il guérira tout de suite ! ». Lancé par la marque italienne Giochi Preziosi, Cicciobello Morbillino (« rougeole » en français) fait suite à Cicciobello Première Dent ou Cicciobello Bobo. Sauf qu’ici, plutôt qu’une égratignure, c’est de la rougeole que souffre la pauvre poupée. Une maladie que ses propriétaires peuvent faire disparaître en un coup de serviette magique, ce qui envoie un message dangereux selon les professionnels de la santé du pays, où 411 cas de rougeoles dont 2 décès ont été enregistrés depuis début 2018.
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Sur Twitter, le virologue Roberto Burioni n’a ainsi pas hésité à faire part de son mécontentement. « On attend Cicciobello Lymphome et aussi Cicciobello Méningite. Je me demande qui sont ces génies qui banalisent des maladies graves sans respect pour les malades et leurs proches ». Le médecin Salvo Di Grazia a quant à lui choisi l’humour noir, soulignant que chez certaines poupées, la serviette ne fonctionne pas, « et Cicciobello finit intubé en service de réanimation, atteint d’une encéphalite virale« . Car la rougeole est tout sauf une maladie bénigne.
Recul de la vaccination
Cette infection virale éruptive aiguë, qui se manifeste par un corps recouvert de petites taches rouges dont elle tire son nom, peut en effet donner lieu à des complications qui vont des diarrhées sévères aux encéphalites, ces dernières étant parfois mortelles pour le patient. Et si la vaccination permet d’éviter les complications autour de l’infection, elle est toutefois en baisse, mouvement anti-vaccination oblige. Un recul particulièrement visible en Italie, où en 2017, la couverture vaccinale contre la rougeole n’était plus que de 85%, alors même que l’OMS préconise un taux de 95% pour que cela soit efficace. Résultat : 4 000 cas de rougeole relevés durant les 8 premiers mois de l’année.
De quoi mieux comprendre pourquoi la poupée aux taches rouges dérange. Ainsi, selon la Stampa, « il y a encore trop de désinformation autour de la nécessité des vaccins pour qu’on se permette, même dans un jeu, de faire passer l’idée que les vaccins sont superflus puisqu’une petite crème suffit pour guérir ».