Les policiers belges accusés de profilage ethnique

Image d'illustration. | © BELGA PHOTO THIERRY ROGE
Dans un rapport, Amesty dénonce qu’un profilage basé sur l’origine nationale ou ethnique s’opère quotidiennement en Belgique. Un constat auquel s’opposent les syndicalistes et Jan Jambon : le profilage ethnique ne ferait pas partie de la politique de la police.
« Je fais du profilage ethnique, c’est vrai, mais je ne vois pas comment je pourrais faire mon travail autrement. Sans discriminer, nous ne pourrions jamais arrêter personne ». Ces derniers mois, Amnesty International a interrogé 48 fonctionnaires de police du pays sur les pratiques discriminatoires lors des contrôles d’identité. Les agents manquent d’outils pour éviter le profilage ethnique, déplore l’ONG de défense des droits humains dans un rapport publié mercredi. Ce recours à des critères tels que la race ou l’origine nationale ou ethnique pour justifier des contrôles en l’absence de motifs objectifs ou raisonnables est une forme de discrimination interdite par le droit international et belge.
Peut-être qu’il a rendez-vous avec sa copine et que ça le stresse, ou alors il se prépare à braquer le magasin.
En Belgique, il n’existe pas de statistiques sur les contrôles d’identité. En vue d’objectiver le recours au profilage ethnique, Amnesty International a interrogé entre juin et janvier dernier 48 policiers (hauts responsables et agents de terrain) de neuf zones différentes. L’organisation s’est également entretenue avec 20 personnes issues d’une minorité ethnique. Résultat : la moitié des policiers a admis un problème de profilage ethnique et la même proportion a décrit des pratiques douteuses. Si les agents savent que tout contrôle doit reposer sur un motif légitime, ils manquent de directives claires si bien qu’ils interprètent la loi de manière très large et se fient surtout à leur intuition. Mais ces intuitions sont souvent liées à des stéréotypes, que les agents contribuent consciemment ou non à perpétuer, regrettent les auteurs de l’étude.
Lire aussi > Mère Nature nous a fait différents pour éviter qu’on se tape dessus par accident

« Si on passe dans une rue commerciale et qu’on voit une vieille dame de 80 ans faire du lèche-vitrine, on ne va pas y prêter attention. Si c’est un Marocain de 17 ans qui porte une casquette et qui a l’air nerveux, on va le contrôler. Peut-être qu’il a rendez-vous avec sa copine et que ça le stresse, ou alors il se prépare à braquer le magasin » ,a par exemple confié un inspecteur. Amnesty International demande que l’ampleur du problème soit reconnue et que des directives claires soient élaborées.
Les syndicalistes s’opposent à ce rapport
Pour Stéphane Deldicque, vice-président de la CSC Services publics, « on ne peut nier qu’une telle problématique existe » mais il faut la remettre dans un contexte plus général. Un profilage ethnique peut être constaté « mais cela reste marginal », souligne-t-il. « Je ne veux pas minimiser le phénomène mais il ne faut pas prêter une intention malveillante à tous les policiers qui, en toute con science, contrôleraient en fonction de l’origine ethnique », insiste le syndicaliste.
Pour Vincent Gilles, président national du SLFP Police, le profilage ethnique par les policiers n’existe pas. « L’agent analyse la situation et les individus auxquels il est confronté et ne se base pas sur des éléments subjectifs et orientés », souligne le président. « Tout contrôle doit pouvoir être justifié donc contrôler une personne juste parce qu’elle est d’origine marocaine, ce n’est pas possible« . Pour le syndicaliste, « il faut garder les pieds sur terre » et les « propos d’Amnesty International sont exagérés ». D’autant plus que le résultat de 48 interviews ne peut être considéré comme scientifique, estime-t-il.
Lire aussi > L’histoire de Rekha Mishra, policière à Bombay, qui sauve les enfants des rues
« Nous dénonçons tout abus de pouvoir et la multiculturalité est un des éléments essentiels de la formation des policiers mais en ces temps de terrorisme islamiste, il est normal qu’on ne se dirige pas vers des Suédois », s’exclame-t-il. « Il existe des règles mais il est vrai que la réalité du terrain » peut être différente, nuance le vice-président de la CSC Services publics. Pour Stéphane Deldicque, les policiers sont bien formés pour éviter cet écueil mais « il faut rester vigilant et attentif ».

Il lance un appel au ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, pour qu’il rencontre le Comité permanent de police locale afin d’examiner « s’il serait intéressant d’établir un plan d’action » pour lutter contre ce phénomène, par le biais de sensibilisation ou de campagnes internes par exemple. « Il faut garantir l’image d’impartialité de la police », conclut-il.
La réaction de Jan Jambon
Le profilage ethnique ne fait pas partie de la politique de la police, assure le ministre de l’Intérieur Jan Jambon. Par la voix de son porte-parole cité par nos confrères de La Libre, le ministre N-VA indique ne pas partager le constat selon lequel la police et les autorités politiques n’accorderaient pas suffisamment d’attention à la récurrence de contrôles d’identité discriminatoires. « Jamais un ministre de l’Intérieur n’a fait autant d’effort pour lutter contre le profilage ethnique », estime le porte-parole de Jan Jambon, Olivier Van Raemdonck. Les dangers de ce type d’intervention sont abordés lors des formations et plusieurs initiatives ont été prises ces dernières années. Ainsi, les agents de l’aéroport de Zaventem sont formés depuis 2014 au profilage prédictif (ou « behaviour detection »), une technique qui vise à détecter des situations suspectes sur la base d’indicateurs objectifs, souligne M. Van Raemdonck.
Jan Jambon considère qu’il faut maintenir une relation de confiance avec les policiers. « Si des fautes sont commises, nous comptons sur le contrôle social interne pour corriger la situation et alerter si nécessaire. Un enregistrement des données pourrait avoir comme effet pervers d’entraver le travail des policiers parce qu’ils se méfieraient de l’administration », d’après son porte-parole.
Avec Belga