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En Afrique du Sud, les attaques contre les fermiers blancs ravivent les tensions raciales

86 attaques et 19 meurtres ont déjà été recensés en 2017. | © ©Terry Carrew

Société

Phénomène peu connu en Europe, les attaques contre des fermiers blancs en Afrique du Sud ne cessent pourtant d’augmenter. Rien qu’en février 2017, onze personnes ont perdu la vie dans ces « Farm attacks » qui se déroulent dans un climat de tensions raciales de plus en plus fortes.

Le 19 février, Sue Howarth et son époux Robert Lynn ont été attaqués dans leur ferme, située dans la province de Mpualanga. En plein milieu de la nuit, un groupe de trois hommes armés est entré par effraction dans leur propriété. Le couple est ligoté et torturé pendant des heures et brûlé à vif. Sue Howarth succombera à ses blessures.

Cette histoire n’est pas un cas isolé. Chaque année, une centaine de fermes sont assallies entraînant parfois la mort de leurs propriétaires et de leurs familles. Plusieurs sources estiment que plus de 3 000 fermiers ont été assassinés depuis 1994. Pour l’année 2016, l’organisation de défense des droits, Afriforum, faisait état de 345 attaques de fermes, les « plaasaanvalle », et de 70 fermiers assassinés, « plaasmoorde ».

Une augmentation dramatique

Depuis le début de cette année, ce sont 86 attaques et 19 meurtres qui ont été enregistrés. Le parti politique Freedom Front Plus, parti des blancs afrikaners fort à droite,  affirme qu’en Afrique du Sud, une ferme est attaquée tous les jours et qu’un fermier est assassiné environ tous les quatre jours. Difficile à vérifier puisque le parti au pouvoir, l’ANC, refuse de communiquer sur les statistiques de criminalité de peur d’effrayer le touriste. La Fédération des Syndicats d’Afrique du Sud indique pourtant que le nombre d’attaques depuis 2010 a triplé. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette augmentation constante :
  • La mort de Nelson Mandela en 2013, le père rassembleur de la nation Arc-en-ciel
  • La stagnation de l’économie a engendré une frustration qui ne cesse d’aggraver la pauvreté et le chômage.
  • La création du parti Economic Freedom Fighters avec pour chef de file Julius Malema, connu pour ses propos en faveur de l’expropriation des propriétaires blancs. La semaine dernière, il s’en prenait encore à l’héritage de Mandela en déclarant: « Peuple d’Afrique du Sud, si vous voyez une belle terre, prenez-la, elle vous appartient ».
©Afriforum

Des motivations raciales et le partage des terres

Tout commence en 1994 à la fin de l’Apartheid lorsque la répartition des terres entre Blancs et Noirs fut réalisée avec un certain déséquilibre. Pourtant, lors de l’arrivée de Mandela au pouvoir, l’Afrique du Sud s’est lancée dans une réforme agraire qui devait restituer les terres à ceux qui en avaient été dépossédés et redistribuer des terres agricoles à ceux qui n’en ont jamais possédé. Le résultat est tout autre: les Afrikaners possèdent encore l’immense majorité des terres qu’ils se sont appropriés. Seul 9,8 % des terres cultivables appartiennent à des Noirs. Les tensions raciales (les fermiers blancs sont les principales cibles), l’isolement géographique des fermes et l’âge relativement élevé de ses propriétaires ont créé les conditions d’un chaos que la police n’arrive pas à gérer.

Mais le motif racial n’est pas le seul à prendre en compte. 40% de la population sud-africaine et plus de la moitié des provinces dépendent principalement de l’agriculture. Et les conséquences de ces « farms attacks » se  font déjà sentir. Le nombre d’agriculteurs ayant diminué en 15 ans de près de 50 %, c’est la sécurité alimentaire de la nation arc-en-ciel qui est mise en danger.

La semaine dernière, le président sud-africain, Jacob Zuma, a annoncé réfléchir à des mesures pour confisquer les terres détenues par les Blancs – sans aucune compensation financière. Si le président sud-africain présente l’expropriation des Blancs comme un pas vers la réconciliation raciale, la menace plane que l’Afrique du Sud connaisse le même sort que le Zimbabwe.

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