Violences sur un manifestant : Un collaborateur de l’Elysée dans la tourmente

Alexandre Benalla, en mars 2017. | © Lionel BONAVENTURE / AFP
Selon les informations du Monde, Alexandre Benalla, un collaborateur de la présidence de la République, s’est livré à des violences contre un manifestant, le 1er mai.
Habillé en civil mais casque d’intervention sur la tête, l’homme se mêle aux policiers qui interviennent, ce 1er mai, place de la Contrescarpe à Paris, contre des manifestants. Sur une vidéo tournée à l’époque, on le voit empoigner sans ménagement une jeune femme puis, quelques secondes plus tard, s’en prendre à un jeune homme, que des policiers maintenaient à terre. Les images ont été publiées sur YouTube avec pour description « VIOLENCES POLICIÈRES TABASSAGE GAZAGE ». Mais l’homme au casque n’est pas un policier : selon des révélations du Monde, il s’agit d’Alexandre Benalla, un collaborateur de l’Elysée.
Le quotidien du soir a publié mercredi la vidéo du 1er mai, illustration de son enquête attestant que c’est bien Alexandre Benalla qui est filmé. Libération a interrogé l’auteur de la vidéo, Taha Bouhafs, qui pensait sur le moment qu’il s’agissait d’un policier. Avec le recul, il raconte : « Celui qui est identifié comme Alexandre Benalla arrive en courant, il attrape par le cou le gars qui est déjà à terre entouré de CRS. Il l’étrangle et lui met plusieurs coups de poing par derrière, c’est un tabassage en règle. La victime a du mal à respirer, se touche le ventre. On crie tous plusieurs fois d’arrêter, c’est hyper violent. Je m’approche d’Alexandre Benalla, je filme son visage et je dis : ‘Regardez son visage, il est en train de le tabasser par terre.’ Il me regarde et il se barre de peur d’être reconnu. »
ALERTA VIOLENCES POLICIÈRES
DES POLICIERS TABASSENT ET GAZENT TOUT LE MONDE PLACE CONTREESCARPE !!
FAITES TOURNER IL FAUT QUE TOUT LE MONDE VOIT !!#ViolencesPolicieres #1erMai pic.twitter.com/Dabr6HHwyJ— Taha Bouhafs (@T_Bouhafs) 1 mai 2018
Le Monde indique que le directeur de cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, a confirmé son identité. Chargé de mission et adjoint du chef de cabinet François-Xavier Lauch, Alexandre Benalla n’apparaît pas dans l’organigramme du cabinet du chef de l’État. Selon les explications fournies au journal par Patrick Strzoda, le collaborateur « souhaitait participer à une intervention auprès de la préfecture de police pour voir comment se gérait une grande manifestation, à l’occasion du 1er Mai ». Lorsqu’il est apparu qu’il avait été face aux manifestants plus qu’un simple observateur, il a été sanctionné par une suspension de 15 jours.
Le nom d’Alexandre Benalla figure dans la masse d’emails piratés pendant la campagne présidentielle et diffusés par Wikileaks. Il était à l’époque chargé de la sécurité du candidat. Dans un de ces échanges, cité par Le Monde, des collaborateurs de la campagne s’étonnent des demandes d’Alexandre Benalla, qui a passé commande de pistolets à balle caoutchouc, d’un flashball et de boucliers de maintien de l’ordre.
« Il avait provoqué un accident et voulait prendre la fuite »
Le quotidien a également interrogé Arnaud Montebourg, pour lequel il a travaillé brièvement. « Le SPHP [le service de protection des hautes personnalités] me l’avait proposé comme chauffeur en 2012. Je m’en suis séparé au bout d’une semaine après une faute professionnelle d’une première gravité : il avait provoqué un accident de voiture en ma présence et voulait prendre la fuite », déclare au Monde l’ancien ministre.

Les révélations du Monde ont suscité de nombreuses réactions politiques. Jeudi matin sur France 2, le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, a estimé qu’il s’agit « d’une affaire très grave ». « On ne peut pas vouloir une République exemplaire et considérer que quand c’est un collaborateur du président de la République, il n’a pas lui à répondre des mêmes règles que n’importe quel Français », a-t-il déclaré. « Questions : pourquoi les policiers ont laissé faire Alexandre Benalla ? Pourquoi la justice n’a pas été saisie ? Pourquoi Emmanuel Macron s’est contenté d’une mise à pied ? Que fait ce nervi dans la sécurité à l’Elysée ? » a interrogé le député Eric Coquerel sur Twitter. « On attend des réponses de Gérard Collomb et Emmanuel Macron », a-t-il ajouté, demandant que « la justice soit saisie pour coups et violences et usurpation de fonction de policier ». Générations, le parti fondé par l’ancien candidat PS à la présidentielle Benoit Hamon a dénoncé, toujours sur Twitter, « l’impunité au sommet », tandis que le fondateur des Patriotes Florian Philippot jugeait « incroyable que ce type soit encore au service du président de la République ! Macron tolère donc cela ? ». Sur Europe 1, Laurent Wauquiez a sommé Emmanuel Macron de « s’exprimer » à propos de l’affaire.
L’Elysée a fourni des justifications dans la matinée à propos du cas Benalla, indiquant par ailleurs qu’un deuxième « collaborateur » avait été sanctionné. Julien Denormandie, secrétaire d’Etat à la Cohésion des Territoires et proche d’Emmanuel Macron, avait auparavant affirmé sur France Inter« qu’une personne a eu un comportement inacceptable des sanctions ont été prises. Elles ont été prises immédiatement, (…) à savoir une mise à pied et un changement de fonctions ». Selon Le Monde, Alexandre Benalla est en effet désormais en charge d’un poste administratif, où il supervise la sécurité d’événements organisé à l’intérieur du palais de l’Elysée.