Le goût d’un fromage peut-il être protégé par le droit d’auteur ?

Peut-on considérer le fromage comme une "oeuvre agroalimentaire" ? | © Pexels
Une entreprise néerlandaise a réclamé à l’Union Européenne de protéger son fromage, le « Heksenkaas », en le soumettant au droit d’auteur.
L’affaire est très sérieuse. Un fromager néerlandais a réclamé à la plus haute instance de l’Union Européenne de protéger son fromage en faisant de son goût une marque déposée.
Créé en 2007, le « Heksenkaas », un fromage à tartiner à la crème fraîche et aux fines herbes, aurait récemment été « copié » par un concurrent. S’en est suivie une bataille juridique entre la société Levola, qui détient les droits de propriété intellectuelle du fabricant de « Heksenkaas » et Smilde, la compagnie concurrente qui produit le ‘Witte Wievenkaas » pour une chaîne de supermarchés aux Pays-Bas. Pour le premier, le goût de son fromage (que l’on pourrait comparer au « Philadelphia » ou au « Boursin » saveur ail et fines herbes) constitue une « oeuvre agroalimentaire » censée être protégée par le droit d’auteur car vulgairement et illicitement reproduite par son jeune concurrent.

Chacun ses goûts
Malheureusement, la justice a fini par trancher et elle n’est pas tout à fait du même avis que le fromager. Dans un arrêt publié le 13 novembre, la Cour de justice européenne (CJUE) a estimé que protéger la saveur d’un fromage par le droit d’auteur, au même titre qu’une oeuvre littéraire ou musicale, n’était juridiquement (et tout simplement) pas possible. Dans la législation européenne, une oeuvre doit être « identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité ». Ce qui semble difficile quand il s’agit de la saveur d’un produit alimentaire, poursuit la CJUE.
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En effet, explique-t-on, contrairement à un livre ou à un film, une saveur « repose essentiellement sur des sensations et des expériences gustatives qui sont subjectives et variables ». Celles-ci « dépendent, notamment, de facteurs liés à la personne qui goûte le produit concerné, tels que son âge, ses préférences alimentaires et ses habitudes de consommation, ainsi que de l’environnement ou du contexte dans lequel ce produit est goûté. » Or, distinguer l’infinité des saveurs possibles nécessiterait « un soutien objectif de la science ». Qui manifestement semble avoir d’autres chats à fouetter.