Mobilisation pour aider Rahaf, Saoudienne de 18 ans, à fuir sa famille

Rahaf Mohammed al-Qunun, une Saoudienne de 18 ans qui doit être expulsée de Thaïlande pour retourner dans son pays natal, a refusé de monter à bord de l'avion qui devait la conduire au Koweït, puis à Ryad. | © Twitter / Rahaf Mohammed رهف محمد القنون
Sur Twitter, une mobilisation a lieu pour aider Rahaf Mohammed al-Qunun, une jeune Saoudienne qui risque d’être expulsée de Thaïlande. Elle craint pour sa vie si elle retourne dans son pays natal.
D’après un article Paris Match France de Kahina Sekkai
Situation d’urgence depuis l’aéroport de Bangkok. Rahaf Mohammed al-Qunun, une Saoudienne de 18 ans qui doit être expulsée de Thaïlande pour retourner dans son pays natal, a refusé de monter à bord de l’avion qui devait la conduire au Koweït, puis à Ryad. La jeune femme craint les représailles de sa famille, comme elle l’a longuement expliqué sur Twitter. « J’appelle toutes les personnes se trouvant en zone de transit à Bangkok à manifester contre mon expulsion. Je ne quitterai pas ma chambre tant que je n’aurai pas rencontré le Haut-Commissariat aux réfugiés », a-t-elle annoncé. Son passeport avait été confisqué de force par des responsables saoudiens à son arrivée à Bangkok le 5 janvier, précise Human Rights Watch. « Je suis la fille qui a fui le Koweït pour la Thaïlande. Je cours un vrai danger car l’ambassade saoudienne essaie de me forcer à retourner en Arabie saoudite alors que je suis à l’aéroport en attendant mon deuxième vol », a-t-elle écrit sur Twitter dimanche, premier message d’une série qui a lancé une vague de mobilisation.
انا حقيقية وموجودة ولسى أتنفس، ولكن لستُ واثقة تماماً من استمرارية وجودي أو حتى من استمرارية بقائي على قيد الحياة مالم تكف السفارة السعودية عن ملاحقتي. #فتاه_تايلند pic.twitter.com/TLma8tmWIl
— Rahaf Mohammed رهف محمد القنون (@rahaf84427714) January 5, 2019
Depuis, elle s’est enfermée dans une chambre d’hôtel. « La confiscation arbitraire de son passeport est une violation de son droit à la liberté de mouvement, a rappelé Amnesty International. Elle a clairement fait part de craintes pour sa sécurité si elle revenait au sein de sa famille et risque des charges criminelles en Arabie saoudite pour avoir désobéi aux lois sur le tutorat masculin. […] Les autorités thaïlandaises ne doivent pas expulser toute personne vers un lieu où elle encourt un véritable danger pour ses droits humains. » Le HCR a de son côté tenté de la joindre mais sans succès à cause des autorités thaïlandaises – ces dernières disent l’avoir interpellée car elle ne disposait pas d’un visa pour entrer sur le territoire. « On dirait que le gouvernement thaïlandais crée une histoire selon laquelle elle a demandé un visa qui lui a été refusé. En vérité, elle a un billet pour aller en Australie, elle ne voulait pas aller en Thaïlande », a déclaré à la BBC Phil Robertson, directeur adjoint de Human Rights Watch en Asie. L’avocate thaïlandaise Nadthasiri Bergman, spécialisée dans les droits de l’Homme, a annoncé à l’AFP avoir déposé un recours devant le tribunal pénal de Bangkok.
« Je ne peux pas étudier ni travailler dans mon pays »
Rahaf Mohammed al-Qunun craint la prison voire pire pour avoir fui sa famille il y a deux jours, profitant d’un voyage au Koweït -où les femmes n’ont pas besoin de l’autorisation d’un tuteur pour voyager contrairement à l’Arabie saoudite, où le tutorat masculin est encore en vigueur. La jeune femme, qui dit avoir « renoncé à l’islam », a assuré que sa famille l’avait enfermée dans sa chambre pendant six mois pour s’être coupé les cheveux. L’immigration thaïlandaise a de son côté fait savoir que la jeune femme fuyait un mariage arrangé. « Je suis sûre à 100% qu’ils me tueront dès ma sortie d’une prison saoudienne », a-t-elle déclaré à l’AFP. « J’ai partagé mon histoire et mes photos sur les réseaux sociaux et mon père est en colère à cause de ça… Je ne peux pas étudier ni travailler dans mon pays, donc je veux être libre de pouvoir étudier et travailler comme je le veux », a-t-elle expliqué à la BBC. Selon l’activiste égyptienne Mona Eltahawy, le père de Rahaf Mohammed al-Qunun est gouverneur : « Cela veut dire qu’il a du renfort derrière la tentative de sa famille de la rapatrier de force. ELLE EST EN DANGER », a-t-elle écrit sur Twitter.
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Les craintes de la jeune femme sont particulièrement entendues, trois mois après le meurtre de l’éditorialiste Jamal Khashoggi, tué dans le consulat saoudien d’Istanbul, où il venait récupérer un document. En avril 2017, une histoire semblable était arrivée aux Philippines à Dina Ali Lasloom, 24 ans. La jeune femme, qui comptait rejoindre l’Australie en passant par le Koweït et les Philippines, avait été arrêtée à Manille et ramenée en Arabie saoudite après avoir expliqué sur Twitter craindre pour sa vie. On ignore ce qu’elle est devenue. «Les Saoudiennes fuyant leurs familles risquent de graves violences de la part de leurs proches, la privation de liberté et autre si elles sont expulsées contre leur volonté. Les autorités thaïlandaises doivent immédiatement mettre fin à toute expulsion, soit en la laissant voyager vers l’Australie ou en l’autorisant à rester en Thaïlande pour qu’elle devienne réfugiée», a demandé Michael Page, directeur à Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord.