Poverty Porn : quand la télévision britannique transforme la lutte des classes en spectacle

En Grande-Bretagne, les émissions de télé-réalité suivent de plus en plus la tendance au "porno pauvreté" | © Belga
Mettre les couches les plus précaires de la population en scène, et transformer la lutte des classes en spectacle. Un phénomène qui a pris la télévision britannique d’assaut, et qui porte un nom des plus évocateurs : le « poverty porn », soit « porno pauvreté ».
Depuis ses débuts remarqués sur les écrans au tournant du millénaire, la télé-réalité ne cesse de repousser les limites de ce(ux) que l’on donne en spectacle aux téléspectateurs avides. D’abord centré sur les vies d’une certaine jeunesse oisive au physique calibré, le genre ne se contente plus de montrer un quotidien idéalisé. La dernière tendance en date, venue tout droit de Grande-Bretagne, a pris le contre-pied, en étalant misère humaine et pauvreté sur les écrans.
Portrait peu flatteur
Pionnier de ce revirement voyeuriste, Benefits Street, une série documentaire réalisée par Channel 4 en 2014. Le concept : emmener les téléspectateurs au coeur du quartier de Winson Green, à Birmingham, où près de 90% des habitants subsistent grâce aux allocations de l’état. Le résultat : une caractérisation des participants au documentaire comme étant des profiteurs et des voleurs, démonstration de vol à l’arraché à la clef. Et une volée de menaces de mort sur les réseaux sociaux pour ceux qui avaient accepté d’ouvrir leurs portes à Channel 4.
Afflux de cash
Sur Channel 5, l’expérience va plus loin : et si, au lieu de se contenter de filmer les allocataires sociaux, on voyait comment ils réagissent quand ils reçoivent un an d’allocations en une fois. Le programme, intitulé Great British Benefits Handout, suit trois familles qui se voient remettre 26 000 livres, soit l’équivalent de 30 000 euros environ.
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Menacée d’expulsion
Et de filmer Leanne et Adam, deux trentenaires originaires de Birmingham, dépenser allègrement 2 000 livres en une semaine. Un montant jugé indécent pour les téléspectateurs, et que le couple a pourtant investi dans des biens que beaucoup prennent pour acquis : un lit, un aspirateur, un sèche-linge et une bouilloire. Le « moment émotion » ? Quand Sophie, une mère célibataire de quatre enfants, se voit menacée d’expulsion par son propriétaire car elle ne rentre plus dans les critères de revenu pour bénéficier de son logement.
Le riche et le pauvre
Dernier concept imaginé par Channel 5 : Rich House, Poor House, qui propose à deux familles aux revenus diamétralement opposés d’échanger leur quotidien pendant une semaine. L’occasion pour la famille Bentley, originaire de la région du Lincolnshire, de découvrir comment on vit avec 138 livres sterling de budget hebdomadaire, au lieu des 1 700 qu’ils dépensent ordinairement.
Mine d’or pour les chiffres d’audience
Une somme que Angela, une mère célibataire de quatre enfants, mettrait normalement plus de trois mois à gagner. Installée pour la semaine chez Angela, Kaylee Bentley, 26 ans, se plaint d’avoir du mal à se divertir sans avoir le budget nécessaire pour faire du shopping ou retrouver ses amis au restaurant. Dans la villa cossue des Bentley, Katy, la fille de 14 ans d’Angela, avoue elle n’avoir « jamais réalisé à quel point on était pauvres avant de voir quel effet cela faisait d’être riche ». Si l’argent ne fait pas le bonheur, son absence fait en tout cas des merveilles pour les chiffres d’audience.