#JeNeSuisPasUnVirus : Quand le coronavirus sert de prétexte au racisme anti-asiatique

Un homme portant un masque attend son métro à Kong Kong. | © Anthony WALLACE / AFP
Sur Twitter, des Français d’origine asiatique dénoncent les amalgames et le racisme auxquels ils font face depuis l’apparition du coronavirus.
Alors qu’il a déjà fait plus de 100 morts en Chine, selon un dernier bilan, le coronavirus fait souffler un vent de panique… et de racisme. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes d’origine asiatique dénoncent les discriminations et amalgames qu’ils subissent depuis que trois cas de cette pneumonie virale ont été diagnostiqués en France vendredi 24 janvier. À commencer par cette jeune femme anonyme qui a lancé le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus pour « contrer la puanteur raciste ambiante ». « La crise sanitaire du coronavirus entraîne dans son sillage une libération de la parole raciste dans les médias et sur les réseaux sociaux, regrette-t-elle dans son message, sans dévoiler son identité afin d’éviter tout harcèlement. « Beaucoup de personnes utilisent de manière indifférenciée ‘chinois’ pour ‘asiatiques’, mettant de côté toutes les nationalités et diversités culturelles, ethniques, etc., qui composent ce continent. Faut-il rappeler que l’Asie est un continent et non un pays ? »
Je partage le texte et le hashtag créé par une camarade adoptée qui ne souhaite pas que son nom soit mentionné afin d’éviter le harcèlement et le racisme anti-Asiatiques qu’elle dénonce.
Merci de relayer sa parole.
—-#JeNeSuisPasUnVirus #coronavirus#RacismeAntiAsiatique pic.twitter.com/z2KMx3WZUf— Amandine Gay (@OrpheoNegra) January 27, 2020
Un racisme décomplexé
Son appel, relayé par la réalisatrice Amandine Gay, a rapidement été entendu. Tout comme les marques de soutien, les témoignages se multiplient face au déferlement raciste. « J’ai pu lire des témoignages de personnes asiatiquetées qui par exemple se font insulter et virer du RER par d’autres passagers, ou de personnes qui se prennent des remarques du type ‘t’as pas mis ton masque’, une autre qui se fait montrer du doigt par un père de famille qui dit à son enfant, ‘fais attention au virus chinois’… J’ai pu lire d’autres commentaires décomplexés comme : ‘ça ne m’étonne pas que ce virus vienne de Chine, il n’y a tellement pas d’hygiène là-bas…' », liste la créatrice du hashtag viral, avant de conclure : « Le pire des virus c’est le racisme systémique. »
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Sacha Lin Jung pourrait aussi en raconter des dizaines. Au micro de BFMTV, le responsable du pôle citoyenneté de l’association des Chinois résidant en France dénonce un racisme anti-asiatique qui va bien au-delà de la psychose autour de la propagation du coronavirus. « Il y a une espèce d’ostracisation de toutes les personnes françaises asiatiques. Mais ce qui me fait le plus peur c’est vraiment que des personnes en fasse un prétexte pour déverser leur haine, leur racisme, qui n’est pas lié au coronavirus mais tout simplement à une forme de xénophobie. »
On en parle que je suis FRANCAISE d’origine POLONAISE-VIETNAMIENNE et donc les yeux bridés et que des gens dans le métro me dévisagent et mettent leurs foulards sur leur nez quand je suis près d’eux ?#JeNeSuisPasUnVirus #coronavirus
— Prisca (@Prisca_Adamska) January 28, 2020
Le prochain qui me regarde mal j’lui tousse à la gueule#JeNeSuisPasUnVirus
— audreymanisme (@audreymanisme) January 28, 2020
Oui oui. Des gens se font insulter et expulser des transports parce qu’ils sont Asiatiques. Y a pas que les blagues/ de la haine sur les réseaux sociaux. La discrimination se passe aussi dans la vraie vie #coronavirus #JeNeSuisPasUnVirus https://t.co/lDgKkoGC1m
— Linh-Lan Dao (@ceruleeann) January 28, 2020
Des gens appellent le 15 car ils ont reçu un colis de Chine / ont mangé ds un resto chinois (!) En vrai, on appelle si on arrive de Chine depuis – de 14 jours, qu’on fait de la température, avec une infection respiratoire. @France2tv #JeNeSuisPasUnVirus https://t.co/dqdvKyzSWk
— Linh-Lan Dao (@ceruleeann) January 27, 2020
Métro @Ligne1_RATP ce matin.
La rame arrive à quai. Ma voisine s’apprête à entrer dedans, mais voit 5 chinois face à elle et crie « Oh non! ».
Puis elle couvre sa bouche et son nez avec son écharpe, et ne rentre pas… 🤭#paranoia #coronarvirus— Vincent Guillemin (@vtguillemin) January 27, 2020
La responsabilité de la presse
Pour la créatrice du hashtag, « la presse joue aussi son rôle de relais raciste ». Comme la chronique de Nicolas Canteloup sur Europe 1, pointée du doigt par Grace Ly. Une incitation à la haine anti-asiatique, accuse l’autrice franco-chinoise et co-créatrice du podcast Kitte ta race.
Incitation à la haine antiasiatique de @canteloup_n sur @Europe1 et rires complices. C’est hilarant des villes en quarantaine, des personnes isolées, des morts ?! Banaliser l’exclusion, ça encourage la violence, ça se passe déjà en vrai, regardez Twitter. https://t.co/oCg9nZDtFK
— grace ly (@gracefullyfried) January 25, 2020
Autre exemple : la Une hautement problématique du Courrier Picard. Dimanche, le quotidien français titrait « Coronavirus chinois – Alerte jaune » et publiait un éditorial intitulé « Un nouveau péril jaune ? ». Ce choix éditorial, vivement critiqué, n’est pas anodin. L’expression « péril jaune » remonte à la fin du XIXe siècle définissant la crainte que les peiples asiatiques surpassent les Blancs et dominent le monde. Malgré les explications et les excuses de la rédaction, cette Une ne passe pas. « Imaginons un instant que le virus soit venu d’Afrique, aucun journal n’aurait osé titrer ‘Alerte noire’, s’indigne auprès de L’Express Stéphane Nivet, le directeur général de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). Le fait qu’une rédaction ait publié une telle couverture sans percevoir le problème prouve qu’il y a un problème ! »
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C’est raciste comme titre @CourrierPicard pic.twitter.com/K73qWKs7wv
— Sharnalk (@DalilBoubakeur) January 26, 2020