Pékin a une méthode bien arbitraire pour interner les Ouïghours

Comme Shir Muhammad Hasan, les réfugiés ouïghours qui ont quitté la Chine vivent toujours dans la peur. | © William WEST / AFP
Une nouvelle fuite de documents met en lumière les mécanismes de fichage de Ouïghours par les autorités chinoises.
Près de trois mois après les « China Cables », qui ont révélé le fonctionnement des camps de détention des Ouïghours de Chine, une nouvelle fuite de documents officiels expose le terrible sort de cette minorité musulmane. Baptisées « Karakax List », ces données permettent pour la première fois d’observer « les ressorts déroutants de la mécanique de l’internement et son effroyable degré d’arbitraire », indique Le Monde qui est l’un des médias à les avoir rendues publiques.
Issus de de l’administration du Karakash, un district situé dans le sud du Xinjiang, où se trouvent actuellement plusieurs camps de détention, ces fichiers dévoilent les informations personnelles de plusieurs centaines d’individus internés, dont leurs noms et les raisons de leur mise au ban.
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De vagues raisons
Selon le quotidien français, les motifs invoqués se rapportent fréquemment à la démonstration de comportements religieux, au fait d’avoir des « liens avec l’étranger » ainsi qu’au non-respect de la politique de contrôle des naissances qui se limite à trois enfants en zone rurale et deux en zone urbaine. Les données recueillies, présentées sous forme de colonnes, portent souvent sur des actes qui n’ont rien d’illégal. Il suffit par exemple d’avoir demandé un passeport sans avoir jamais voyagé ensuite, d’être en contact avec des personnes vivant à l’étranger ou de ne pas inspirer confiance aux autorités pour être mis sous les verrous. Le fait de porter le voile ou la barbe peut également avoir le même effet. Les autorités peuvent simplement aussi considérer que l’intéressé avait une « une pensée difficile à saisir » ou un « réseau compliqué de relations ». Soit des raisons assez vagues.
Chaque geste, parole et passé est noté. Rédigés dans la colonne finale, les verdicts décident si les personnes déjà internées doivent rester ou être libérées, et si certaines des personnes précédemment libérées doivent à nouveau être internées.
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Les preuves les plus solides contre Pékin
Pour le chercheur allemand Adrian Zenz, à qui cette liste de 311 profils avait été confiée, « ce document remarquable présente les preuves les plus solides que j’ai vues à ce jour que Pékin persécute et punit activement les pratiques normales des croyances religieuses traditionnelles ». « Les camps d’internement sont avant tout des lieux de sanction et de torture, pas d’apprentissage. Des informations persistantes font état de coups, de privation de nourriture et de détention à l’isolement », affirmait déjà l’ONG Amnesty International dans un rapport publié en octobre 2018, alors que Pékin campe toujours sur sa version des « centres de formation professionnelle » destinés à lutter contre la radicalisation islamiste. D’après des organisations de défense des droits humains, plus d’un million de musulmans, principalement des Ouïghours, sont détenus au Xinjiang.