Le groupe pro-life « Les Survivants » achète le nom de domaine SimoneVeil.com et refait l’Histoire

Le visuel du site avait été maintes fois partagé à la mort de Simone Veil, sans que les utilisateurs ne sachent qui en était l'auteur. | © Capture d'écran du site SimoneVeil.com
Alors que la récupération va bon train depuis le décès de Simone Veil, la dernière campagne de propagande des « Survivants » crée la surprise. Une surprise en ligne au goût bien amer, qui fleure le révisionnisme post-mortem.
Depuis septembre 2016, la page SimoneVeil.com abritait une courte biographie de la « femme politique préférée des Français », rescapée de la Shoah et dont l’un des combats les plus marquants avait abouti à la légalisation de l’avortement dans l’Hexagone. Mais depuis peu, le site Internet a subi un léger lifting – de ceux qui font toute la différence.
Au bas de celui-ci, le logo des « Survivants ». Les fameux « un sur cinq », un groupe qui « lutte pour la vie » et estime que « le meilleur IVG est celui qu’on évite », y présentent un court « webdocumentaire » qui retrace la vie de Simone Veil avant de prendre quelques libertés d’interprétation. L’intitulé de la page est univoque et glaçant : « Découvrez la vérité sur Simone Veil, celle d’une femme trahie dans ses intentions puisque sa loi n’existe plus tant elle a été modifiée et parce que la légalisation de l’avortement n’a pas amélioré la santé des femmes bien au contraire ».
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Révisionnisme post-mortem
À la fin de l’exposé biographique, le groupe professe : « Mariée et mère de famille, Simone est loin d’incarner les volontés émancipatrices nées de mai 68, et ne correspond pas exactement à la vision de la femme libérée décrite dans le manifeste des 343 salopes en faveur de l’avortement. Le but de Simone Veil, celui qu’elle ne cessera d’exprimer publiquement, c’est de répondre à un problème de santé publique ». L’utilisateur a ensuite le choix entre deux onglets, deux voies troubles : « Une femme trahie » et « La loi du mensonge ».
Nous souhaitons que les organismes d’aide aux femmes en difficulté les incitent à renoncer à leur projet. – Auteur inconnu, citation extraite du site SimoneVeil.com
La suite n’est qu’une série de citations sans auteur entretenant le flou sur la dépénalisation de l’IVG et le fait qu’il constitue un droit inaliénable pour les femmes françaises. « Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour les situations sans issue (…) personne n’a jamais contesté que l’avortement soit un échec quand il n’est pas un drame » ou « La société tolère l’avortement, mais ne saurait ni le prendre en charge, ni l’encourager », peut-on y lire encore.
Découvrez notre web-documentaire sur Simone Veil
By the way, le visuel, c’était nous 😉 #simoneveil #invalides https://t.co/WxVCx86Hjo https://t.co/P6PjxWRNGb— Les Survivants (@lessurviivants) 5 juillet 2017
Sur leur compte Twitter, les Survivants trollent. « Découvrez notre web-documentaire sur Simone Veil. By the way, le visuel, c’était nous », titille-t-on chez les pro-life, à propos d’une illustration partagée des milliers de fois à la mort de la femme politique, avant de remercier, goguenards, les médias qui dénoncent leurs pratiques.
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Une mémoire détournée
Fort est à parier que la mémoire de Simone Veil ne sortira pas indemne de cette récupération osée. À l’annonce de sa mort, certains citoyens français avaient tenu à rappeler sa présence en 2013 à la « Manif pour tous », évènement militant contre le mariage des personnes homosexuelles.
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D’autres avaient alors tenu à rappeler qu’à 84 ans, Simone Veil était malade, « physiquement et mentalement diminuée », explique Slate, « et que ce n’est pas la première fois que la Manif pour tous retient dans ses filets des personnes âgées et déboussolées ». Force est de constater qu’on a une fois de plus profité de l’image de celle qui, fut un temps, avait livré un discours vibrant en faveur de l’avortement.
«Les survivants» fondé par Émile Duport ont acheté le nom de domaine simoneveil.fr ?
Et bien moi j’ai acheté https://t.co/DnoRtPOEg0
Enjoy!— daryo (@daryo) 5 juillet 2017