Procès des attentats de Bruxelles : Les fouilles à nu des accusés sont illégales, l’État belge condamné

Salah Abdeslam lors d'une séance du procès le 9 mars dernier. | © BELGA PHOTO / ERIC LALMAND.
La cour d’appel de Bruxelles a confirmé, lundi, la décision rendue en première instance au sujet des fouilles à nu avec génuflexions, imposées aux accusés détenus au procès des attentats du 22 mars 2016. Celles-ci sont illégales.
L’État belge est enjoint à faire cesser cette pratique, jugée contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. La pose de lunettes aveuglantes n’est, elle, plus permise que de manière limitée.
La cour s’est prononcée en référé, comme le premier juge, et a déclaré l’appel de l’État belge contre l’ordonnance rendue par ce premier juge non fondé. Ce dernier avait établi que les fouilles à nu avec génuflexion auxquelles sont soumises les accusés avant leur transfert de la prison vers le Justitia, où a lieu le procès, ne pouvaient pas leur être imposées systématiquement sans raison valable. Elles devaient être justifiées par des indices sérieux d’un danger d’évasion ou d’attaque. La cour est allée plus loin. Elle estime que la pratique est totalement illégale.
Une astreinte de maximum 25 000 euros par accusé
« Elle décide que les génuflexions qui sont imposées [aux accusés] pendant les fouilles corporelles pratiquées par les officiers de la police judiciaire lors de leur transfèrement vers le Justitia ne sont pas prévues par la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, invoquée par l’État belge », a expliqué dans un communiqué la juge Anne Leclercq, porte-parole de la cour d’appel. « La cour ordonne dès lors à l’État belge de mettre fin à cette pratique qui est contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme », a-t-elle poursuivi.
« Ni l’article 28, paragraphe 3, de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992, ni les travaux préparatoires relatifs à cette disposition, n’autorisent qu’à l’occasion de la fouille à corps la personne soit invitée, et a fortiori puisse y être contrainte par les officiers de police, à effectuer des génuflexions, ou ‘squats’, pour permettre l’examen visuel de ses cavités et orifices, et en particulier l’orifice anal », expose l’arrêt dont Belga a pris connaissance. « Résulte uniquement de la disposition légale et des travaux préparatoires la possibilité qu’elle soit invitée, voire contrainte, à se déshabiller complètement ‘pour que ses vêtements soient examinés complètement’ « .
La cour a ainsi conclu que « les fouilles corporelles litigieuses avec génuflexions ne trouvent pas appui dans l’article 28, paragraphe 3, de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992 ». Elle ajoute: « de même, la directive adoptée par le ministre de la Justice le 3 janvier 2023, plusieurs mois après le début des fouilles à corps avec génuflexions litigieuses, ne dit mot des génuflexions imposées [aux accusés]. Enfin […] une pratique policière, fût-elle admise par des juridictions ou encore d’usage courant, ne répond pas aux exigences de l’article 8, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme ». Sans base légale, la pratique est donc contraire à cette convention et elle doit dès lors cesser immédiatement, a conclu la cour.
Celle-ci a par ailleurs considéré que la pose de lunettes aveuglantes n’est manifestement pas raisonnablement justifiée en dehors des transfèrements des accusés vers le Justitia et au retour vers la prison, dans les véhicules de police. Elle interdit dès lors à l’État belge d’imposer la pose de ces lunettes à d’autres moments. Une astreinte de 1 000 euros sera due par l’État pour toute violation de l’arrêt, à partir du neuvième jour qui en suivra la signification par huissier, avec un maximum de 25 000 euros par accusé, là où le plafond en première instance avait été fixé à 50.000 euros.
Avec Belga