Paris Match Belgique

Exclues de stades, les Iraniennes luttent pour pouvoir assister aux matchs de foot

Les Iraniennes ne peuvent pas assister aux matchs de foot masculins, officiellement pour les protéger des injures et du comportement vulgaire des supporteurs. | © AFP PHOTO/KHALIL MAZRAAWI / AFP PHOTO / KHALIL MAZRAAWI

Société

En Iran, les femmes n’ont pas l’autorisation d’assister aux matchs de football masculins. Depuis plusieurs années, elles tentent de faire entendre leur voix jusque dans les tribunes des stades.

La lutte dure depuis des années. Et elle commence enfin à prendre de l’ampleur. « Laissez les femmes accéder à leurs stades », pouvait-on lire encore ce mercredi 6 septembre sur le site du Stade Azadi de Téhéran, piraté par l’agence Isna à l’heure d’un match crucial qui opposait l’Iran à la Syrie.

L’annonce fait écho à de nombreuses autres qui, depuis plusieurs années déjà, revendiquent le droit des Iraniennes à pouvoir assister aux matchs de football. Un appel qui résonne de plus en plus dans les gradins desquels les femmes du pays sont bannies depuis 35 ans.

Gente recalée

Depuis la révolution islamique de 1979, les Iraniennes n’ont d’autre choix que de suivre les matchs de foot masculins… à la télévision. Pas d’interdiction légale. Juste l’argument selon lequel la femme doit être « protégée » (estime-t-on) des comportements bourrus de certains supporters du sexe opposé. « L’ambiance dans les stades, les propos vulgaires et les injures notamment » n’est donc pas « propice à une présence féminine », selon les autorités iraniennes.

Lire aussi > En Iran, enseigner la zumba est un délit

Cette année pourtant, on a cru que ça pouvait changer. D’abord autorisées à se procurer un ticket via la page internet du stade, les Iraniennes n’avaient qu’à cocher l’option « femme » avant de se parer des couleurs patriotiques et de filer vers les tribunes du stade pour supporter leur joueurs face à la Syrie. Faux espoir. Car non, les tickets en question n’étaient pas disponibles, la Fédération iranienne de football ayant rapidement annoncé qu’il s’agissait d’une « erreur technique ». Une fois encore, c’est le coup de gueule du côté des Iraniennes qui, contrairement à leurs supporters rivales syriennes, ont été recalées à l’entrée du stadium.

Dans la rues, des Iraniennes célèbrent la victoire de l’Iran contre l’Ouzbékistan lors du match de qualification à la coupe du Monde 2018, le 13 juin 2017. © AFP PHOTO

Soutien sur le terrain

La gueulante est néanmoins parvenue à pénétrer jusque sur dans l’enceinte du terrain de foot, où plusieurs supporters de la gente masculine se sont indignés de l’absence de leurs compatriotes. Les médias iraniens n’ont quant à eux pas hésité à filmer les supportrices syriennes qui assistaient au match. En plein direct, un présentateur de la télévision d’État a même déploré l’absence de supportrices iraniennes, en estimant qu’elles « pourraient aussi être présentes avec certains arrangements », rapporte-t-on dans l’Obs.

Lire aussi > Enfants et femmes : De l’Afghanistan aux États-Unis, le calvaire du mariage forcé

Bien que l’ancienne vice-ministre iranienne Shahindokht Molaverdi – chargée des questions relatives aux femmes – avait annoncé que le gouvernement d’Hassan Rohani n’était pas contre la présence des femmes aux stades, mais l’interdiction « officieuse » n’a pourtant jamais été levée.

Des supporters iraniens brandissent une bannière lors d’un match Iraq-Iran pendant la coupe d’Asie, le 23 janvier 2015. © AFP PHOTO / MARK GRAHAM — IMAGE RESTRICTED TO EDITORIAL USE – STRICTLY NO COMMERICAL USE — / AFP PHOTO / MARK GRAHAM

Autorisation spéciale

Malgré les résistances, une exception a été accordée à deux députées par le ministre des Sports. « C’était la première fois que je venais au stade Azadi pour regarder un match et (…) les femmes peuvent revendiquer ce droit », a commenté la députée Tayebeh Siavoshi qui avait elle-même réclamé l’autorisation de participer au match. « Je pense que nous devrions faire entendre nos revendications via les canaux appropriés. J’ai été au stade justement pour cela », a-t-elle plaidé auprès du journal Etahmad.

Lire aussi > Okinoshima : l’île japonaise classée au patrimoine mondial interdite aux femmes

Une invitation spéciale adressée aux femmes parlementaires que certaines ont refusé, jugeant l’offre insuffisante. « Les femmes dans ce pays n’ont d’autre choix que de se déguiser en homme pour pouvoir accéder au stade », a déploré une autre députée. « Je n’irais que lorsqu’elles aussi pourront (toutes) y aller ».

Le droit des femmes en milieu de terrain

Bien plus qu’une simple qualification pour la Coupe du Monde 2018, le match de ce mardi 5 septembre qui opposait l’Iran contre la Syrie (clôturé ex æquo) a remis la question du droit des femmes au centre du terrain. Le ministre des Sports, Masoud Soltanifar, a ainsi évoqué le nouvelles initiatives possibles. « Nous allons essayer de préparer le terrain pour la présence de familles dans les stades, par la voie de la consultation et de la coordination », a-t-il affirmé selon l’agence Tasnim.

CIM Internet