De Téhéran à Bruxelles, l’incroyable histoire d’Omid Akbari

Omid Akbari. | © Jehanne Bergé
Omid Akbari, un jeune Iranien d’origine afghane a tout quitté pour construire un nouveau futur à Bruxelles. Comme pour des centaines de milliers d’autres réfugiés, son parcours pour obtenir des papiers en règle s’est apparenté à un véritable combat. Rencontre.
Nous retrouvons Omid chez lui à Laeken. Installé confortablement dans son canapé, il nous raconte son histoire mouvementée. Ses parents ont quitté l’Afghanistan alors qu’ils n’étaient encore qu’adolescents. Ils se sont rencontrés en Iran et y ont eu leurs enfants. Une famille depuis toujours apatride puisqu’il est quasiment impossible pour des Afghans d’obtenir des papiers iraniens. Ils vivaient tous ensemble à Mashhad, la deuxième plus grande ville du pays, mais un soir, le danger est venu frapper à leur porte. Le père a disparu, personne ne l’a jamais revu. « Ma mère a eu peur, elle m’a demandé de quitter le pays pour une vie meilleure. J’avais 23 ans à l’époque », confie le jeune homme.
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Quitter les siens
Omid qui n’avait jamais imaginé partir, se voit contraint de prendre la route du jour au lendemain. Mois d’août 2010, une voiture l’attend à Téhéran, le périple commence. En Turquie, pour la première fois, il observe des femmes marcher dans la rue sans voile. « Je sentais que je me rapprochais de la liberté ». Pour rejoindre la Grèce, il doit embarquer dans un petit bateau en plastique. La capacité maximum est de six personnes, ils sont douze. « La traversée a duré une petite demi-heure mais j’ai cru mourir 1000 fois ». À l’arrivée, une grande forêt pour seul paysage, quelques Grecs ici et là, et des réfugiés qui comme lui avancent hagards sans savoir où aller. Ils se font arrêter par la police. On les emmène dans une ancienne prison, transformée en camp de l’ONU. Il explique: « Devant moi, un vieillard ne comprenait pas les ordres, un gardien l’a giflé. Je me suis dit : ‘Eh bien, c’est ça l’Europe ? La terre des droits de l’homme ? Bienvenue à nous….’ »
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Premiers pas à Bruxelles
Il reste coincé en Grèce pendant trois mois. Finalement, un passeur lui confie un passeport pakistanais et un billet pour Bruxelles. Arrivé à Zaventem, il n’a aucune idée d’où aller, il n’a presque plus d’argent. En quatre mois et demi de voyage, il a déjà dépensé 6 000 euros. Il ne connaît personne, il ne lui reste que son sac à dos. Nous sommes fin décembre, un dimanche, il neige, il fait froid. On lui indique le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides. « J’avais peur de me perdre et de ne plus retrouver l’endroit, alors j’ai marché autour du bâtiment toute la nuit ». Le lendemain, il est envoyé près de Liège, dans un centre de transit. Il est installé dans une chambre qu’il partage avec sept autre personnes. Pour la première fois depuis plus de quatre mois, il s’endort sans peur. « Petit à petit, je me suis construit des repères. J’ai rencontré des gens du monde entier, j’ai découvert de nouvelles habitudes ».

Dernière chance
On le délocalise à Dinant. Il faut tout recommencer à zéro. Il s’inscrit aux cours de français. Quelques mois plus tard, on le délocalise encore. La grande valse des centres d’accueil. Un jour, il reçoit un recommandé. Refus de demande d’asile. C’est la claque. Avec son avocate, ils entament un recours. Après quelques mois, nouveau refus. Il est au Samusocial. Il entame un recours de la dernière chance, après, il n’aura plus droit aux aides et devra quitter le territoire. Troisième refus. Omid s’effondre et se retrouve à la rue. Entre temps, son avocate dépose un dossier au Conseil du Contentieux des Étrangers. De bon plan en bon plan, il survit tant qu’il peut pendant plusieurs mois. L’avocate est efficace, son cas avance. « J’ai eu le droit de refaire une nouvelle demande d’asile. J’ai été placé au Petit-Château. J’y suis resté plus d’un an. J’ai commencé les cours de néerlandais et j’ai travaillé comme bénévole dans plusieurs organisations ».
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Une nouvelle vie commence
Enfin, il finit par recevoir un permis de séjour. Il accède au CPAS et entame une nouvelle vie. Il est parfait bilingue néerlandais, français en plus de l’anglais et du farsi. On lui propose un travail comme assistant social pour accueillir et encadrer des réfugiés. Depuis, il aide ceux qui comme lui, débarquent dans notre pays sans avoir la moindre idée du combat qui les attend. Ancien réfugié, Omid n’oublie pas d’où il vient. « J’adore mon travail, je sais par quoi les gens sont passés, je peux les aider. Malheureusement, je trouve que la politique d’asile devient de plus en plus dure et injuste, ça devient difficile à accepter, c’est complètement déshumanisé ».
Selon les statistiques du Commissariat général aux réfugiés et apatrides, en 2016, 18 710 personnes ont introduit une demande d’asile auprès des services de l’Office des étrangers, soit plus de deux fois moins qu’en 2015, année durant laquelle 44 760 demandes d’asile avaient été enregistrées. L’Afghanistan, la Syrie et l’Irak étaient les trois premiers pays d’origine des demandeurs d’asile en 2016.