La Roumanie, eldorado ou enfer pour les étudiants belges en médecine ?

L'université de Cluj est une des plus réputées d'Europe de l'Est | © Facebook @ UMF Cluj
Chaque rentrée, face au maelström des places en médecine, entre numerus clausus et examen d’entrée, le sujet est à nouveau abordé. Et 2017 ne fait pas exception : la Roumanie serait désormais même un « eldorado » pour les étudiants en médecine. Et si certains font le choix d’y étudier, la réalité n’y est pas toujours rose.
Après avoir approfondi quelques années et douté du bien fondé de son orientation, Robin entame cette rentrée sa 7e médecine. Une étape mêlée de soulagement et d’inquiétude : si Robin est un étudiant aux résultats moyens, qui n’a jamais dépassé le grade de la Satisfaction, au prix d’inévitables secondes sessions, il ne se voit toutefois pas exercer la médecine générale. Son rêve : la chirurgie, spécialisation auquel il sait avoir peu de chances d’accès en Belgique en raison de ses notes passables. La solution ? Faire le choix d’une spécialisation en Roumanie.
Avenir assuré
« Quand d’autres étudiants m’en ont parlé, j’ai d’abord cru qu’ils se moquaient de moi, jusqu’à ce que je me penche un peu sur le sujet, raconte Robin. C’est dingue : les cours sont donnés en français, et en plus, une fois qu’on a fini, on a la certitude d’avoir un numéro Inami en Belgique ». De quoi motiver certains à faire l’entièreté de leurs études de médecine dans l’ancienne république communiste, où elles ne sont pas conditionnées par un examen d’entrée.
Etudiants minoritaires
Quentin Lamelyn, le président du Comité inter-universitaire des étudiants en médecine, a ainsi confié à la RTBF recevoir « de très nombreuses questions à ce propos » de la part des étudiants. Qui restent toutefois minoritaires à sauter le pas : actuellement, on ne recense que 15 belges sur les 1 500 étudiants en médecine dans la principale université roumaine. En cause, notamment, le prix prohibitif du minerval : 6 000 euros en Roumanie, contre un peu plus de 800 euros en Belgique.
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Mais il ne s’agit pas que de cela. Car bien que le cursus soit en français, les étudiants se retrouvent confrontés à un univers complètement différent et, outre les demandes d’études prenantes, doivent également apprendre à gérer l’isolement. Un malaise qui a fait la une au printemps 2015, quand deux étudiants en médecine français en se sont suicidés à quelques semaines d’affilée en Roumanie. A l’époque, Dimitri Moulu, président de la Corporation de médecine de Cluj, s’était confié au Monde : « On est loin de chez nous, on est dans un autre système et dans un pays sorti du communisme récemment… Il y a X raisons ».
Entre choix et contrainte
Dans une carte blanche rédigée peu après les suicides, Daniel, étudiant français à Cluj, soulignait un élément de contrainte. « Je n’ai pas fait ce choix pas plaisir : quitter sa ville, sa famille et ses amis pour un pays inconnu lorsqu’on a la vingtaine n’est jamais facile. En plus, on sait que l’on part pour six ans. C’est long et les étudiants les plus vulnérables peuvent souffrir de cet isolement ».
Tous gagnants
Reste que pour certains, la Roumanie a été la voie vers un épanouissement scolaire et personnel, et la promesse d’exercer le métier de leur rêve. En septembre dernier, Médor consacrait un dossier à ces Belges qui vont faire leurs classes chez nos voisins roumains. Parmi eux, Florent, étudiant en fin de cursus qui ne regrette pas son choix : « mon pays n’a rien payé et gagne un médecin. 5000 euros, ce n’est pas beaucoup si on regarde le coût total d’une année d’études. En Belgique, avec un kot, c’est environ 10 000 euros. Ici, c’est à peu près la même chose, parce que rien n’est cher. Le loyer est diminué de moitié, pour un kot bien plus agréable ».
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D’autant que les futurs diplômés sont attendus de pied ferme en Belgique, où certaines régions et/ou spécialisations font face à une pénurie de sang neuf. Interrogé par Médor, le Dr Christian Guyot, président d’une asbl qui lutte contre la pénurie en province du Luxembourg, a ainsi affirmé « qu’ils soient formés en Roumanie ou en Belgique, nous accueillerons à bras ouverts tous les médecins ou les étudiants qui réclameront un stage chez nous, en espérant qu’ils seront bons et s’installeront durablement ».