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Aux Tonga, les filles ont interdiction de pratiquer la boxe et le rugby

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Valerie Adams, championne olympique du lancer de poids, a vivement réagi à la polémique. | © IMAGO

Sport

Une lettre écrite par le ministère de l’Education des Tonga interdit aux jeunes filles de pratiquer la boxe et le rugby à l’école pour « préserver leur dignité ».

Il a suffi d’une lettre pour provoquer l’indignation. Alors qu’à travers la planète, les femmes se battent pour promouvoir le sport, les îles Tonga ont décidé de prendre un contre-pied total. Dans un document signé par le ministre de l’Education, Penisimani Fifita, et envoyé à un lycée de la capitale Nukualofa, il est expliqué que les filles n’ont pas le droit de jouer au rugby ou de pratiquer la boxe. Cette décision est expliquée par le fait qu’il faille « préserver la dignité des femmes tongiennes et les cultures du pays », rapporte le site Matangi Tonga. Ce document a été envoyé après qu’une équipe d’élèves d’un lycée a été interdite de participer à un tournoi de « touch rugby », version sans plaquage du sport, en raison de leur sexe.

Ces propos ont évidemment lancé une polémique que le gouvernement a tenté d’éteindre en expliquant quelques jours plus tard que l’interdiction de pratiquer ces deux sports n’était pas motivée par des questions culturelles mais faisaient suite au cyclone Gita, qui est récemment passé au-dessus des Tonga et a fait prendre un grand retard aux élèves à l’école. « Cela n’a rien à voir avec le fait de ne pas soutenir le sport, il s’agit juste de rattraper le temps perdu à cause du cyclone », a expliqué le ministère cité par AP. Mais le mal était déjà fait et plusieurs personnalités ont pris la parole pour dénoncer ce sexisme.

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« Nous ne sommes pas uniquement là pour faire la cuisine »

Valerie Adams, double championne olympique du lancer du poids avec la Nouvelle-Zélande mais née d’un père tongien a partagé sa colère sur Facebook. « Si j’avais suivi cette façon de penser, une tongienne fière comme moi n’aurait pas pu atteindre le rang que j’ai désormais dans le monde. Les femmes des Tonga doivent être libres de choisir leur destin et ne pas être laissées sur le côté à cause de fausses interprétations. Honorer la tradition et suivre sa passion ne devrait jamais entrer en conflit. Le rugby, comme n’importe quel autre sport, doit être adopté par nos femmes tongiennes – parce que nous sommes douées – ne nous enlevez pas cela », a-t-elle lancé. Sur Newstalk ZB, elle a ajouté : « J’ai grandi dans la communauté tongienne et j’ai vécu là-bas et tout ça, selon moi, n’est qu’une énorme connerie. C’est n’importe quoi à tous les niveaux. Pourquoi voudriez-vous tuer le rêve de quelqu’un alors que cette personne veut faire de grandes choses au nom de votre pays. Les femmes devraient avoir les mêmes droits que les hommes à faire ce qu’elles veulent et plus particulièrement lorsque cela concerne le sport. Nous ne sommes pas uniquement là pour faire la cuisine et faire le ménage en passant derrière nos maris et nos enfants », a-t-elle lancé, un brin agacée.

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Interrogé par TV New Zealand, Fehoko Tu’ivai, président de la Fédération féminine de rugby des Tonga a de son côté expliqué : « Comment pouvons-nous dire à nos filles d’être indépendantes si nous continuons à faire des choix en leurs noms ». La Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a elle aussi réagi. Très impliquée dans la cause des femmes dans un pays qui compte une très grande communauté venue des Tonga, elle s’est dite en désaccord avec cette décision, déclarant : « Quand j’étais élève, j’ai joué au touch rugby et j’encouragerais toutes les jeunes femmes à se lancer dans les sports qui les intéressent ». Elle a cependant relevé que l’interdiction ne concernait que les élèves et qu’en conséquence, les jeunes filles souhaitant jouer au rugby pourraient la contourner. « Une jeune fille pourra toujours faire du sport de façon indépendante, de ce que j’ai compris, même si les écoles refusent », a-t-elle indiqué.

‘Ofa Guttenbeil-Likiliki, avocate pour les droits des femmes aux Tonga, a de son côté dénoncé le fait que l’Histoire et les traditions du pays soient utilisées contre les femmes et leurs droits. « Cela nous fait croire à l’idée que l’éducation ne peut être qu’académique et que les filles ne doivent suivre que celle-ci. Alors que pour les garçons, le sport offre une autre alternative », a-t-elle déploré. Elle a aussi pris en exemple deux sportives émérites, Valerie Adams mais aussi Teuila Fotu-Moala, qui a participé à la Coupe du Monde féminine de rugby avec la Nouvelle-Zélande : « L’an passé, l’histoire de Teuila Fotu-Moala a rendu tant de gens fiers. Voir ces femmes exceller dans le sport… regardez Valerie Adams. Et cette lettre du ministère de l’Education nous replonge 100 ans en arrière ».

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