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Golf belge : « Nicolas Colsaerts a montré la voie »

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Thomas Detry, Thomas Pieters, Michel Vanmeerbeek et Nicolas Colsaerts : l'esprit de famille du golf "made in Belgium". | © D. R.

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Figure emblématique du golf belge, coach attitré de Nicolas Colsaerts et de Thomas Detry, conseiller régulier de Thomas Pieters, Michel Vanmeerbeek participe largement, dans l’ombre, à l’incroyable réussite actuelle du golf belge. Cet ancien joueur de football, diplômé en Éducation Physique, est un vrai passionné de sport et d’enseignement. Fort de plus de 30 ans de vie dans les coulisses du golf de haut niveau, le Bruxellois porte un regard lucide sur l’évolution de la discipline dans notre pays. Dialogue à bâtons rompus.

Paris Match. Depuis une dizaine d’années, le golf belge vit sur un petit nuage grâce aux exploits de Nicolas Colsaerts, d’abord, et de Thomas Pieters et Thomas Detry, ensuite. Comment l’expliquez-vous ?
Michel Vanmeerbeek. Je crois que le rôle de Nicolas Colsaerts a été très important. En se faisant une place parmi l’élite mondiale, en remportant des tournois sur l’European Tour, puis en participant à la Ryder Cup de Medinah en 2012, il a ouvert la voie et a servi d’inspiration, notamment pour Thomas Pieters et Thomas Detry. D’autant qu’en véritable « grand frère », il leur a offert toute son expertise et ses connaissances. À leur arrivée sur le circuit, il leur a refilé tous les bons tuyaux. Il les a conseillés dans leur choix. C’est un acte de générosité rare dans un sport individuel.

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Nicolas Colsaerts, le « grand frère ». © D.R.

Mais derrière, il y a aussi, forcément, du talent et de l’encadrement.
Je n’aime pas trop le mot talent. Je crois qu’aujourd’hui, la plupart des joueurs ont du talent. On parle souvent du talent de Roger Federer. Mais Rafael Nadal en a évidemment aussi. En fait, chaque talent est différent. Colsaerts, Pieters et Detry avaient, au départ, de bonne dispositions et ils ont su, chacun à leur façon, les exploiter pour gravir les échelons. Il n’y a pas de miracle. Ou plutôt, le miracle, c’est eux ! La Belgique n’est pas, historiquement, une grande capitale mondiale du golf. Elle n’a pas une véritable culture de ce sport. Et pourtant, Nicolas Colsaerts et Thomas Pieters ont déjà disputé la Ryder Cup, ils ont participé aux jeux Olympiques et notre pays vient de gagner la Coupe du Monde par équipes grâce aux deux Thomas. C’est la preuve qu’on est, là, face à de vrais champions et que la Belgique a désormais gagné sa place sur la carte du golf mondial.

« Le golf ne fait plus sourire et est désormais considéré comme un sport à part entière »

Malgré tous ces exploits, on a l’impression que le golf souffre toujours d’une image élitiste dans notre pays…
C’est vrai mais les choses évoluent dans le bon sens. Le golf ne fait plus sourire et est désormais considéré comme un sport à part entière. Ce n’est pas un hasard s’il fait partie du programme olympique. Certes, l’effort physique n’est pas le même que pour une course cycliste, un triathlon ou un marathon. Mais, croyez-moi, les champions de golf modernes sont de véritables athlètes, dans le sens plein du terme.

Pouvez-vous développer ce raisonnement ?
Voilà plus de 30 ans que je suis de près le golf de haut niveau. Il fut une époque où la technique des champions faisait, à elle seule, la différence. Aujourd’hui, c’est très différent. Les joueurs professionnels s’entraînent de façon pointue sept jours sur sept. Ils passent des heures dans les salles de fitness ou de musculation. Ils ont une vie d’ascète. Ils surveillent leur alimentation avec des nutritionnistes. Les paramètres techniques sont évidemment toujours essentiels. Mais le toucher de balle ne suffit plus. Je le répète : ce sont des athlètes complets et cela se répercute évidemment dans le jeu.

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C’est-à-dire ?
On assiste depuis quelques années à l’émergence de jeunes champions qui apportent une dimension nouvelle à la discipline. Je pense à des joueurs comme Dustin Johnson, Brooks Koepka ou Jon Rahm qui, non seulement, frappent des drives à plus de 300 mètres mais possèdent, en outre, un excellent petit jeu, tant sur les approches qu’au putting. Le niveau ne cesse de grimper. Les scores sont de plus en plus hallucinants. La plupart des cuts s’établissent en territoire négatif. Les parcours ont de plus en plus de mal à résister. C’est lié, bien sûr, à l’évolution du matériel et des balles. Mais aussi – et surtout – à la qualité des champions. Au départ de chaque tournoi, il y a une centaine de joueurs parfaitement capables de s’imposer. Ce genre d’évolution existe dans la plupart des sports. Il suffit de regarder à la télé les anciens match de tennis ou de football où on a l’impression que la balle ou le ballon n’avancent pas. Mais j’ai le sentiment que l’évolution est encore plus flagrante en golf.

« Avec Nicolas Colsaerts, on a ouvert un livre tout blanc »

Qu’a-t-il manqué à Nicolas Colsaerts, que vous coachez depuis qu’il a 8 ans, pour réellement titiller les meilleurs joueurs du monde et écrire l’histoire ?
C’est difficile à dire. Il n’a peut-être pas écrit l’histoire mais il a écrit son histoire. C’est le plus important. Et en soi, ce qu’il a déjà réussi est déjà incroyable et fabuleux. En 2000, à 18 ans, il a été chercher sa carte sur l’European Tour. Il était le plus jeune de l’histoire du circuit à se lancer dans l’aventure. Seul, guidé par sa passion. À l’époque, il ne pouvait s’appuyer que sur son intuition. On a ouvert un livre tout blanc. Il n’y avait pas de « grand frère » pour nous indiquer le chemin à suivre, pour nous aider à choisir le bon caddie, pour nous dire de jouer tel ou tel tournoi. Alors, forcément, on a commis des erreurs.

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Thomas Detry, du talent, de l’ambition et une grande lucidité. © D.R.

Mais a-t-il en lui la mentalité du véritable winner ?
Il n’a peut-être pas l’instinct de killer de certains de ses adversaires. Pour lui, le golf est d’abord un jeu, une passion, un plaisir. Ces traits de caractère lui ont sans doute coûté l’une ou l’autre victoire. Il a parfois privilégié le panache au calcul. Mais c’est sa vie, c’est son destin. Thomas Pieters et Thomas Detry ont été formés pour devenir champions, notamment à l’Université de l’Illinois. Colsaerts n’a pas eu le même parcours. Mais il a d’autres atouts. Et la carrière d’un sportif c’est aussi – et surtout – une aventure humaine.

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Colsaerts a aujourd’hui 36 ans. Le pensez encore capable de réussir de grandes performances ?
Mais oui, bien sûr. Avec son mariage et la naissance du petit Jackson, sa vie familiale a beaucoup changé ces derniers mois. Du coup, il a connu une année 2018 assez irrégulière au niveau des résultats. Il lui a fallu trouver ses marques dans son nouvel environnement. Mais la passion du golf est toujours en lui. Et l’envie aussi. S’il consent à faire les sacrifices nécessaires pour conserver sa meilleure forme, il peut encore parfaitement réussir de grandes performances. C’est le champion atypique et imprévisible par excellence. Lors d’une bonne semaine, il est capable de tous les exploits.

Parlons de votre autre élève : Thomas Detry. Depuis ses débuts professionnels en 2016, sa progression est linéaire. Et on ne sait pas où elle va s’arrêter…
Honnêtement, lorsqu’il est parti à l’Université de l’Illinois, je ne m’attendais pas à une telle ascension. De son propre aveu, il privilégiait les études. Son objectif était d’abord d’obtenir son diplôme. Dans ma tête, il avait donc le profil du très bon amateur. Mais ses quatre années passées aux States l’ont transformé. Il a bénéficié d’infrastructures exceptionnelles pour s’entraîner et il a appris la discipline et l’exigence. La concurrence lui a, en prime, permis de franchir plusieurs paliers et de devenir un tout autre joueur.

Quelles sont ses limites ?
Je ne les connais pas ! Il continue de progresser à tous les niveaux et a donc encore un grand potentiel. D’autant que c’est un élève très attentif, toujours à l’écoute et qui intègre rapidement les conseils. Il comprend vite et applique aussitôt. C’est un grand atout. Il est jeune, doué, travailleur, ambitieux et lucide. Bref, il a tout pour réussir. Mais attention. Il a changé de statut l’année dernière, en remportant notamment cette Coupe du Monde de Melbourne. Le regard des autres va changer. Il ne déposera plus sa balle sur le tee n°1 dans la peau du simple outsider. Il va devoir assumer son nouveau profil. Mais il a les épaules pour relever le défi.

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Thomas Pieters est l’un des joueurs les plus doués de sa génération. © Getty Images

Au point de gagner un jour un tournoi du Grand Chelem ?
Pourquoi pas ?

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Thomas Pieters a toujours dit qu’il voulait devenir n°1 mondial. S’agit-il d’une forme d’arrogance ?
Non, pas du tout. C’est une façon pour lui d’élever son niveau, de repousser ses limites, d’aller toujours plus haut. Je sais que ses attitudes ou ses déclarations sont parfois mal perçues. Quand on le voit à la télévision, il donne l’impression de ne jamais sourire, de râler au moindre mauvais coup, d’être toujours fermé. Mais c’est un perfectionniste et la communication n’est pas nécessairement son point fort. Et ceux qui le connaissent savent très bien que c’est garçon adorable, plein d’humour.

Il a commencé sa carrière sur les chapeaux de roues en gagnant trois tournois sur l’European Tour, en terminant quatrième du Masters et des Jeux Olympiques et en participant à la Ryder Cup. Mais depuis deux ans, il tarde à réellement confirmer.
Il a 26 ans, il est encore très jeune. Et un sportif de haut niveau apprend aussi de ses défaites. En 2018, il a connu quelques difficultés, c’est vrai. Mais il revient bien. C’est un sacré joueur, un guerrier, un battant. Après une mauvaise journée, il râle, c’est vrai. Mais le lendemain matin, il a déjà les yeux qui brillent au practice. C’est un signe. C’est un passionné. Et la passion, c’est essentiel. Pieters est le vrai joueur moderne, complet, athlétique. Personnellement, je le crois parfaitement capable de devenir un jour n°1 mondial.

« J’aimerais mettre mon expérience et mon expertise au service du golf belge afin de favoriser l’essor de futurs champions »

Vous avez piloté toute la carrière de Nicolas Colsaerts, vous participez à la réussite de Thomas Detry et vous conseillez régulièrement Thomas Pieters. Bref, vous êtes une véritable référence dans le coaching de golf. Quels défis aimeriez-vous encore relever à titre personnel ?
C’est simple. J’aimerais mettre mon expérience et mon expertise au service du golf belge afin de favoriser l’essor de futurs champions. C’est dans ce sens que je travaille sur un projet de collaboration avec la Fédération et la PGA of Belgium visant à renforcer les structures sportives, à former les teaching pros dans les clubs, à repérer les jeunes talents et à leur donner les moyens de progresser. Nicolas Colsaerts, Thomas Pieters et Thomas Detry seront, bien sûr, les ambassadeurs de cette plateforme. La transmission et le partage sont essentiels dans la vie et dans le sport. C’est la clé de toute réussite et je n’ai pas envie de partir à la retraite en gardant des secrets !

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