Golf : Thomas Pieters, déserteur ou visionnaire ?

Un choix qui génère de la polémique. | © Idris Erba/LIV Golf
Le Belge n’a pas résisté à l’appel du LIV, le circuit des pétrodollars. Flingué par ses fans sur les réseaux sociaux, il assume son choix.
Par Miguel Tasso
Les mauvaises langues disent qu’il a cédé à l’argent facile et troqué une vie de sportif de haut niveau contre une préretraite dorée. En décidant de répondre aux sirènes du LIV, ce circuit dissident financé par un fonds souverain saoudien, Thomas Pieters a effectivement attisé les feux de la polémique. Ses fans, qui rêvaient de le voir défier les meilleurs joueurs du monde sur le PGA Tour américain, ne masquent pas une certaine déception. C’est un peu, disent-ils, comme si un footballeur très talentueux partait, dès son plus jeune âge, s’exiler dans un club des Émirats arabes unis juste pour recevoir de beaux chèques.
L’Anversois de 31 ans assume pourtant pleinement son choix. Et il met en avant des arguments. « Les paramètres économiques ont, bien sûr, joué un rôle important dans ma décision. Mais, parallèlement, il y a d’autres raisons, plus personnelles et familiales. Je n’étais pas prêt à m’installer aux États-Unis pour évoluer à plein temps sur le circuit US. J’ai une femme et deux enfants et je suis attaché à mes racines belges. Quelque part, avec son calendrier raisonnable, le LIV répondait pleinement à mes attentes, tant au niveau sportif que financier. J’avais déjà été tenté l’an passé. Cette fois, lorsque l’opportunité s’est représentée, je n’ai plus hésité. »
Créé l’été dernier, le LIV a mis, en quelques mois, la planète golf sens dessus dessous. Piloté par les pétrodollars, il a attiré d’emblée quelques-uns des meilleurs joueurs du monde, venus des deux côtés de l’Atlantique. Phil Mickelson et Dustin Johnson ont été les premiers à craquer contre des primes de bienvenue de plus de 150 millions de dollars. Du jamais vu dans l’histoire du sport !
Bryson DeChambeau, Brooks Koepka, Patrick Reed, Bubba Watson, Sergio García, Martin Kaymer, Paul Casey, Lee Westwood et Ian Poulter ont suivi. Rien que des stars ! Même l’Australien Cameron Smith, lauréat de l’Open britannique, est tombé sous le charme des cheiks, un peu comme s’il était impossible de résister à de telles propositions indécentes.
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compétition de l’année au Mexique. ©Montana Pritchard/LIV Golf
Voilà donc Thomas Pieters, enfant anversois de la balle, parachuté dans ce même camp des rebelles. Car les circuits classiques (PGA Tour, DP World Tour…) voient évidemment d’un très mauvais œil l’arrivée sur les greens de cette ligue qui distribue l’argent à la pelle sans véritable business model et veut révolutionner les us et coutumes du swing de grand-papa.
Sur le LIV, tout est en effet différent. Les tournois, chaque fois dotés de 40 millions de dollars, se jouent sur trois tours (54 trous au lieu de 72), en shotgun (tous les joueurs partent en même temps de trous différents) et sans cut (ce couperet qui élimine traditionnellement la moitié des participants). Même le dress code est différent : les champions peuvent – ô sacrilège ! – jouer en bermuda. Et une ambiance musicale branchée sert de fond de sonore aux compétitions.
En lançant ce concept innovant, l’ancien champion australien Greg Norman, élevé au rang de big boss, souhaitait faire souffler un vent nouveau sur le golf. Il ne s’attendait sans doute pas à soulever une telle tempête. Se sentant trahi, le PGA Tour américain a très mal vécu cette tentative de coup d’État. Les joueurs dissidents, considérés comme des déserteurs, ont d’ailleurs été immédiatement exclus des tournois dans une ambiance délétère. D’un côté, il y a les bons élèves, fidèles et obéissants, genre Rory McIlroy, Jon Rahm ou Tiger Woods, qui ont tous résisté. De l’autre, les méchants, partis chercher fortune chez l’ennemi.
Bref, c’est une vraie guerre du golf qui a été réinventée sur les greens. Aujourd’hui, dans les coulisses, l’atmosphère est nauséabonde. Les joueurs des deux circuits s’envoient des missiles via les réseaux sociaux et les conférences de presse. Il y a, en filigrane, des procès à tous les étages. Et de la tension. En s’exilant chez les frondeurs, Pieters en a accepté les conséquences. Sauf renversement de situation, il ne pourra pas disputer la prochaine Ryder Cup, le Graal absolu. Et son image en a pris un coup auprès des sponsors. Mais, là encore, il assume. « La Ryder, c’est une semaine tous les deux ans. Ce n’est pas la fin du monde. »
D’autant que même les pires conflits se terminent généralement par un armistice. Déserteur ou visionnaire ? L’avenir nous le dira.