Millenium : Nos 10 coups de cœur de la programmation documentaire

Le documentaire Ouaga girls. | © Ouaga girls
Des histoires à s’en brûler la rétine, c’est ce que propose Millenium à travers onze jours de programmation documentaire à Bruxelles. Capitalisme, migrations, punk-rock et féminisme africain : Paris Match a sélectionné les indispensables du festival
Rêver sous le capitalisme
Les témoignages se suivent sur des images sans visages. Le ton est brut, le message anonyme. Ils sont douze à raconter, puis interpréter « le souvenir d’un rêve de travail ». Des rêves dans lesquels les collègues se transforment en zombies, où les nuits sont ponctuées par les « tic tic » de la caisse et bercées par la sensation d’être un fantôme à la tâche. « De faire son boulot, mais sans exister », comme dirait l’autre. Dans Rêver sous le capitalisme, l’anthropologue et cinéaste Sophie Bruneau nous emmène dans les pérégrinations oniriques de ces rêveurs/travailleurs afin de dresser le portrait d’un monde dominé par le capitalisme néolibéral et l’aliénation qu’il engendre.
Mercredi 28 mars au Palace.
Children Online
On ne cesse plus de mettre en garde contre le jeu dangereux entre enfants et écrans. Dépendance, isolement, intoxication… Les risques sont bien là. Mais plutôt que de les pointer du doigt, la réalisatrice tchèque Kateřina Hager préfère nous plonger dans l’univers parallèle de ces gamins qui ne savent plus déconnecter. Lukas, Oskar, Nikola ont entre 12 et 15 ans. L’un est Youtubeur, l’autre est fanatique de jeux vidéo et le troisième espère encore trouver l’amour sur Facebook. « Espace de rencontre et de division, d’amitié et de solitude, de confort et de danger, d’amour et de harcèlement », les écrans animent leur quotidien autant que leurs sentiments. Pour le meilleur comme pour le pire.
Vendredi 23 mars au Cinéma Galeries.
Ouaga Girls
« Il n’y a pas de métier qu’une femme ne peut pas faire. » Et ça, même si certains travaux sont « un peu physiques » et « demandent de la force ». Parce que oui, la force elles l’ont aussi. À Ouagadougou, au Burkina Faso, la réalisatrice Theresa Traore Dahlberg suit une bande de jeunes filles qui étudient la mécanique. « Alors que le peuple burkinabé appelle à un changement politique, ces jeunes femmes qui se construisent un avenir qui n’appartiendra qu’à elles seules portent un message pour tout un pays. » S’affranchir du modèle patriarcal, découvrir l’autonomie et apprendre la confiance en soi. Drôle, rythmé et touchant, Ouaga Girls promet une jolie palette d’émotions.
Mercredi 28 mars au Cinéma Galeries.
The Work
La bande annonce en dit déjà long et nous a donné des frissons. Les images sont tournées dans la Folsom State Prison de Californie. Et c’est d’ailleurs la première fois que des caméras parviennent à pénétrer l’une des prisons les plus sécurisées des États-Unis. Derrière les barreaux, trois hommes libres assistent bouleversés à une thérapie de groupe entre prisonniers. Criminels ou ex-membres de gangs, ils se confient, se souviennent et fondent en larmes. « À l’intérieur des murs d’acier et des barbelés, la rédemption a lieu, sous nos yeux ébahis. » Fascinant, captivant, émotionnellement intense… Maintes fois primé et salué par la critique, The Work fait très certainement partie des incontournables de cette nouvelle édition du festival Millenium.
Samedi 24 mars au Cinéma Galeries.
Taste of Cement
« À Beyrouth, des ouvriers du bâtiment syriens construisent un gratte-ciel alors que chez eux, leurs maisons sont bombardées. » Ce paradoxe, Ziad Khaltoum le montre bien. Dans une alternance d’images montrant tantôt les bombardements en Syrie, tantôt le quotidien de ces ouvriers du bâtiment exilés à Beyrouth, au Liban, le réalisateur syrien veut montrer ce que signifie une vie en exil dans un monde en guerre. En 2 minutes 47, on savoure déjà l’amour d’une image bien filmée, tout en simplicité et en humanité.
Jeudi 29 mars à l’Aventure.
Je n’aime plus la mer
Dans les rues et les reportages, on les voit plus rarement. Et pourtant, chaque année, ils sont 6 000 à demander l’asile en Belgique : des enfants, même pas encore rentrés dans l’adolescence, qui ont rencontré trop tôt – s’il y a un âge pour le faire – les horreurs de la guerre. En éternel transit, ils attendent avec la patience des grands au « Relais du monde » d eNatoye, entre Namur et Ciney, un centre d’accueil qui est le théâtre, durant une année entière, du documentaire belge Je n’aime plus la mer. Le réalisateur y saute d’une histoire à une autre, de l’Afghanistan à l’Érythrée, de la mort à la vie, si présente qu’elle en devient brûlante.
Samedi 24 mars au Cinéma Galeries.
Bunch of kunst
Une folle insolence, typiquement anglaise : c’est tout Sleaford Mods. Ça, et un débit-mitraillette, des guitares crasseuses et la Grande-Bretagne du pauvre. Bunch of kunst suit joyeusement les deux gus de Sleaford Mods, punks à succès et « le meilleur concert depuis les Sex Pistols » à la belle époque. De festivals en salles de concert suantes, découvrez le duo de misfits le plus populaire de ces dernières années.
Samedi 24 mars à l’Aventure.
Displaced
Ils sont jeunes, Belges ou Hollandais, et ont choisi d’aller vivre à Istanbul – une autre terre promise. « Ni européenne ni turque », la ville a l’attrait des cités exotiques et des éternels nouveaux départs, mais une fois sur place, ces déplacés volontaires y trouveront-ils la vie dont ils rêvaient chez eux ? « Chez eux », où est-ce désormais, d’ailleurs ? En compétition belge, Displaced raconte l’exode forcément imparfait d’une génération qui fait volte-face.
Dimanche 25 mars au Cinéma Galeries.
Brexitannia
« Should I stay or should I go ? » La réponse semble se répéter en un écho infini, qui aurait pourtant dû se taire avec un référendum historique. Et si chiasme il y a désormais, c’est surtout entre les Britanniques qui continuent à s’opposer sur la questions du Brexit. Sans jugement, simplement, en quelques plans fixes qui n’ont de monochromatiques que la couleur, au sens le plus strict du terme, Brexitannia les oppose. Chacun avec leurs raisons singulières, qui vont puiser dans leur histoire de la Grande-Bretagne à eux, des petites bourgades anglaises aux capitales du Royaume éternel.
Mardi 27 mars à l’Actor’s studio.
Quartier libre
Le village dans la ville surplombe l’Esplanade, le centre commercial controversé dont le quartier de La Baraque s’oppose à l’expansion, à Louvain-la-Neuve. Depuis 1984, on y construit comme on l’entend, et c’est ainsi qu’on y croise des roulottes, des géodes, des herbes folles et l’utopie initiale d’une cité qui devait initialement tourner autour de l’idéalisme et du savoir, pas de la guindaille sans fin. Mais là-bas, les habitants continuent de se donner « quartier libre » et l’autorisation de s’opposer, encore et encore.
Samedi 24 mars au Cinéma Galeries.
