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À la Mostra de Venise, Jacques Audiard dénonce la faible présence des femmes à la tête des festivals

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Jacques Audiard, à la Mostra de Venise. | © Reporters / Mega

Cinéma et Docu

Le réalisateur français s’est également indigné du fait que « sur 21 films en compétition, un seul a été réalisé par une femme ».

Depuis l’affaire Weinstein, le monde du cinéma est sous le feu des projecteurs sur la question ultrasensible de l’égalité des genres. Et la Mostra de Venise, le festival de cinéma le plus vieux du monde, n’y échappe pas. Dimanche, lors d’une conférence de presse, le réalisateur Jacques Audiard, qui concourt pour le Lion d’or avec son film Les Frères Sisters, a vivement dénoncé la disparité de genre au cinéma : « Cela fait vingt-cinq ans que mes films sont dans les festivals, je n’ai pas vu de femmes à la tête des festivals (…) J’ai envoyé des courriers à mes confrères de la sélection et j’ai senti qu’il n’y avait pas un écho formidable ».

Le cinéaste français dénonce l’attitude de contrition du monde cinéma qui dit ne pas pouvoir faire de sélection en fonction du sexe : « Ne nous posons pas la question du sexe des films, posons-nous la question de savoir si les festivals ont un sexe, si les dirigeants des festivals ont un sexe. Ça, c’est une question simple et la réponse est oui (…) Je pense qu’il y a un problème-là et un autre problème c’est que depuis vingt-cinq ans j’ai souvent vu les mêmes têtes, les mêmes hommes à des postes différents, mais toujours là ».

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Un constat récurrent

Le réalisateur de Dheepan, récompensé d’une Palme d’or à Cannes en 2015, s’est également dit « surpris » par l’affiche où, sur 21 films en compétition, un seul a été réalisé par une femme. Il s’agit en l’occurrence de The Nightingale de la réalisatrice Jennifer Kent. Un constat récurrent puisque depuis 2010, l’édition qui a vu le plus de réalisatrices en compétition en comptait… 4.

Jacques Audiard a donc appelé à dissiper « l’opacité de ce qu’il se passe en dessous » dans les comités de sélection et les sélectionneurs : « L’égalité ça se compte, la justice ça s’applique, c’est très simple. Après on commencera à être un peu sérieux et on évitera ces aberrations comme ce vingt contre un ».

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Accusé d’avoir délaissé les films réalisés par des femmes, le directeur Alberto Barbera pose aux côtés des femmes qui travaille dans l’industrie du cinéma. © AFP PHOTO / Filippo MONTEFORTE

Le directeur artistique de la Mostra, Alberto Barbera, s’était en juillet attiré les foudres du réseau européen des professionnelles de l’audiovisuel EWA lorsqu’il avait déclaré qu’il préférait « changer de métier plutôt que d’être obligé de sélectionner un film parce qu’il a été réalisé par une femme et non parce qu’il est réussi ». EWA avait alors réagi dans une lettre ouverte : « Lorsque Alberto Barbera menace de démissionner, il véhicule l’idée que sélectionner les films de réalisatrices implique de baisser les standards« .

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Faible taux de réalisatrices

Selon les chiffres du directeur artistique, interrogé par le Figaro en juillet, 21% des films soumis au processus de sélection avaient été réalisés par des femmes. De ceux-ci, il n’en a sélectionné qu’un. Mais ce faible pourcentage renvoie également au problème plus global du faible taux de femmes réalisatrices dans le monde.

En effet d’après une enquête publiée en 2016 par le réseau EWA, alors que 44% des diplômés en réalisation sont des femmes, on compte à peine 24% de réalisatrices. Le réseau européen des professionnelles de l’audiovisuel affirme également qu’un film sur cinq est réalisé par une femme et que 84% des ressources sont allouées à des réalisateurs. En outre, ce rapport dénonce le cercle vicieux induit par ce faible financement qui « perpétue la rareté des films dirigés par des femmes en circulation, en affectant la volonté des marchés d’investir ». Toujours selon ce rapport, une proportion impressionnante des bailleurs de fonds (56% dans le privé, et 31% dans le public) estime qu’une femme réalisatrice a un impact négatif sur les décision de financement. Rejoignant l’appel de Jacques Audiard hier, le réseau mettait alors en cause la « faible présence des femmes dans les comités de commission et de financements » ainsi que la « faible conscience par ces comités de l’inégalité ».

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Cependant, les consciences s’éveillent depuis l’affaire Weinstein, et des solutions sont envisagées. En France, un collectif avait appelé en mars dans une tribune au Monde à instaurer des quotas de financements pour les femmes au cinéma, à l’instar de la Suède et de la Norvège qui se sont engagés à ce que d’ici trois ans, 50% des subventions aillent à des projets portés par les femmes.

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