« Alien : Covenant », du thriller horrifique spatial à la saga philosophique
Alien : Covenant est-il le pire épisode de la saga ou son renouveau ? Son dérapage philosophique ou sa vraie morale cachée ? Son début ou sa fin ?
« Je déteste l’espace ! », lâche dans un rire nerveux l’un des membres de l’équipage du vaisseau Covenant, dans une scène classique de turbulences. Rares sont les épisodes de la série en six films qui n’en comportent pas : elles font partie de l’imaginaire collectif indisociable de l’univers « Alien », avec les courses-poursuites dans des couloirs de métal, les créatures baveuses au sang acide et une héroïne au caractère bien trempé – dans le sang de ses congénères. Celui d’une véritable saga qui a évolué sous l’œil un brin sadique de Ridley Scott, qui en a partagé la paternité avec James Cameron, David Fincher et même l’improbable Jean-Pierre Jeunet.
En 2012, contre toute attente – ou au contraire, avec un peu trop d’attentes de la part des fans invétérés -, Scott a repris du service avec Prometheus, un prologue au premier et légendaire film Le huitième passager. Et voici venu Alien : Covenant. La suite du prequel. Une performance galactique aux relants de Star Wars – les éviscérations en plus, les sabres laser en moins.
L’œuf, la poule et l’alien
Mais alors que le réalisateur semble renouer avec les racines d’Alien, il s’en éloigne à la fois. En lieu et place de la traditionnelle rencontre d’un équipage semi-alcoolique, dangereusement naïf et accro à la gachette, on retrouve un visage familier : celui de Michael Fassbender, androïde docile aux yeux irréels et aux goûts prétentieux. En une scène, tout est dit : finie l’insolence du soldat qui ne tardera pas à mourir, adieu la carrure de l’officier Ripley ou d’une autre comparse, bye bye la sueur, l’artillerie crasseuse et les bip-bip incontrôlés. Bonjour le décor éthéré, les questions sur la mort qui prend son temps et la philosophie de blockbuster.

La première scène du film singe la réalité dans un futur pourtant encore lointain : Ridley Scott y pose concrètement le paradoxe de l’œuf et de la poule ; qui de l’homme ou de l’alien est apparu en premier ? Une question coriace, qui s’accompagne du risque de se perdre dans la contemplation d’une œuvre qui ne semblait exister, à la grande époque – en 1979 -, que pour le plaisir de voir Sigourney Weaver dézinguer des xénomorphes en sous-vêtements seventies.
Voilà pour le camp des puristes. La plupart d’entre eux, cependant, devront l’admettre : qu’il est bon de lever le voile sur des mystères parsemés ici et là au gré des épisodes et des jeux vidéo, comme il est excitant de voir se profiler une presque-nouvelle franchise, en parallèle de l’initial Alien et du testostéroné Alien vs. Predator.
L’impossible colonisation
C’est peut-être aussi oublier que Scott poursuit une autre quête, depuis l’apparition d’un huitième passager dans le vaisseau Nostromo : celle d’une colonisation impossible sur une planète vers laquelle sont irrésistiblement attirés les humains ; LV-426. C’est l’histoire dans l’histoire, peut-être la vraie morale du conte spatial. Dans une galaxie où tous les voyages semblent aujourd’hui – en 2104 en l’occurence – possibles, pourquoi les hommes se jettent-ils fatalement dans la gueule du loup, particulièrement monstrueux ? La réponse se situe dans l’une des scènes finales, presqu’entre les lignes d’un droïde aux yeux bleus, mais aussi dans la description de la terre promise elle-même : des cultures de froment, des cascades islandaises, des montagnes luxuriantes et une météo belge. Un monde qui ressemble au nôtre. Mais qui n’en est pas un.

Enfin, pour ceux qui n’idolâtrent pas le génie novateur de Hans Ruedi Giger – le créateur originel des Aliens -, n’en ont que faire des tourments d’un réalisateur octogénaire et veulent simplement se taper une bonne toile, ce sixième épisode reste un choix tout indiqué, puisque stupeur, tremblements et sursauts incontrôlés restent au rendez-vous. On s’accroche à ses popcorns : le départ vers la galaxie Alien est programmé dès le 17 mai 2017 dans les salles.