Pourquoi il vaut mieux signer son livre d’un nom d’homme (même en 2018)

Une étude vient de prouver l'existence de discriminations de genre effectives entre hommes et femmes dans l'industrie du livre. | © Pexels
Et pourquoi il vaut mieux acheter ceux des femmes, selon la même logique.
On n’a supposément que ce qu’on mérite… Vraiment ? Dans l’industrie du livre, il semblerait qu’à l’heure actuelle, d’invraisemblables inégalités persistent entre les auteurs de genre masculin et féminin. Des disparités de prix, notamment, qui griment jusqu’à 45% : un livre signé d’un nom clairement identifié comme celui d’une femme se vendrait près de deux fois moins cher, selon une étude publiée en avril et relayée par Slate.
Les chercheurs Dana B. Weinberg et Adam Kapelner, respectivement sociologue et mathématicien, se sont plongés dans les comptes de l’industrie traditionnelle et indépendante du livre américain, et leurs conclusions sont sans appel : les autrices souffrent d’un important manque de reconnaissance, qui se traduit notamment par une différence de prix genrée au sein d’un même style littéraire. Mais l’argent n’est pas le seul nerf de la guerre de l’écriture : les femmes ont également tendance à être moins publiées que leurs collègues masculins, tandis que les littératures historiquement dites « féminines » sont systématiquement dévaluées.
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L’étude, qui a duré dix ans et a été publiée dans PLOS One, dévoile ainsi les « mécanismes derrière la dévaluation systématique du travail des femmes par rapport à celui des hommes ». Si ces mécanismes sont principalement induits par la « demande » des consommateurs, l’enquête révèle que les maisons d’édition exercent elles-mêmes, en connaissance de cause ou nom, une discrimination entre les écrivains et les autrices de 9% dans l’industrie traditionnelle du livre et de 4% dans l’édition indépendante. Car cette dernière, malgré une influence plus importante des auteurs dans le processus de décision, se fait le miroir de cette stigmatisation – même si elle le fait dans une moindre mesure.

Alors, pour écrire heureux, faut-il écrire masculin ? Rien n’est moins sûr. Dans un premier temps, il serait en effet intéressant de voir les lecteurs conscientiser davantage leurs choix et les discriminations qu’ils portent : un ouvrage politique écrit par une femme sera-t-il moins sérieux que celui signé Robert ou Maxime ? Les hommes sont-ils vraiment les maitres du polar ? Et cette autrice ne vaut-elle pas la peine qu’on se déplace pour une dédicace, afin de prouver que son travail a de la valeur, devant les libraires et les maisons d’édition ? Car au même instant, il semble essentiel que ces derniers s’engagent afin de soutenir, publier et célébrer le travail des écrivaines, et mettre, enfin, l’égalité à la page.