Cette chercheuse espagnole a reçu 1,5 million d’euros pour sauver les écrits des femmes

Font, professeur de littérature anglaise, porte une attention particulière au travail de femmes qui n’ont pas reçu d’éducation formelle. | © Alvaro Serrano
La chercheuse veut rendre hommage aux femmes des temps modernes, et révolutionner la façon dont nous évaluons ce qui constitue et ne constitue pas une contribution littéraire précieuse.
1,5 million d’euros. C’est la bourse que l’Union européenne a accordée à Carme Font Paz, de l’Universitat Autonoma de Barcelone. Avec cette somme, cette professeure de littérature anglaise montera une petite équipe qui aura pour les cinq prochaines années la mission de rendre leur place aux écrits et réflexions de femmes. Elle se concentrera sur la période 1500-1780. Le projet s’intitule « L’encre invisible des femmes : l’écriture transgenre et la mixité de la valeur intellectuelle lors des temps modernes ». Prometteur.
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Ces femmes oubliées
L’équipe parcourra donc des bibliothèques, des archives et des collections privées européennes, à la recherche de recueils de lettres, de poèmes, des réflexions et pensées philosophiques de femmes de l’époque. Selon The Guardian, le but n’est pas tant de trouver de nouvelles auteures que de mettre en lumière celles qui ont été ignorées ou dénigrées comme diaristes, rédactrices de lettres ou écrits divers.
« Nous devons changer la façon dont nous lisons ces textes et les reconnaître à leur juste valeur ».
Font a toujours, dans son travail, porté une attention particulière au travail des femmes qui n’ont pas reçu une éducation formelle. Elle estime que ce dernier offre aux lecteurs modernes un aperçu précieux de la vie de ces femmes, les problèmes familiaux, conjugaux et sexuels qu’elles rencontraient, ainsi que leurs frustrations personnelles. Cela l’a déjà menée sur les pas de Margaret Cavendish (1623-1673), une contemporaine de Thomas Hobbes, de René Descartes et de Robert Boyle. En 1666, elle écrit un des plus anciens exemples connus de science-fiction, intitulé The Blazing World.

Le point crucial, a-t-elle confié au média britannique, sera donc de rendre hommage à ces femmes, et de changer la façon dont nous évaluons ce qui constitue et ne constitue pas une contribution littéraire précieuse. « Il s’agit d’analyser nos perceptions et de reconnaître que même si les femmes écrivent différemment, leurs idées ont une valeur intellectuelle », a-t-elle déclaré. « Nous devons changer la façon dont nous lisons ces textes et les reconnaître à leur juste valeur ». Elle a souligné avoir été frappée par la profondeur des réflexions de plusieurs dizaines de femmes écrivant sur la nature même de l’âme humaine. Celles-ci ont été discréditées en raison du ton informel de leurs textes, alors qu’elles expriment des idées religieuses de façon « aussi impressionnante que le travail de leurs théologiens masculins contemporains », a-t-elle expliqué.