Patrice Leconte : « Pour les Bijoux de la Castafiore, j’ai déjà tout mon casting sauf Tintin ! »

Fan de Tintin, le réalisateur français Patrice Leconte espère toujours pouvoir réaliser une adaptation d'un Tintin. "Cela avance", nous a-t-il dit ! | © JEAN-PIERRE CLATOT / AFP
Le réalisateur français Patrice Leconte nous revient avec un abécédaire sur… Tintin, le plus belge des héros de bandes dessinées. En quelques 80 mots, il arpente avec beaucoup d’humour et de décalage l’univers du célèbre reporter en pantalon de golf. Il était de passage à Bruxelles. Rencontre !
Ce n’est pas un nouveau film que Patrice Leconte est venu présenter en Belgique en ce début de semaine. Non, il est venu déclamer, en quelque sorte, son amour pour la ligne claire et le dessin d’Hergé. Le virus l’a contaminé il y a bien longtemps lorsqu’il était encore en culotte courte. Il ne l’a plus quitté et visiblement le réalisateur était très heureux d’être chez nous pour en parler.
Parismatch.be. Patrice Leconte, à qui s’adresse au final votre recueil Tintin de A à Z ?
Patrice Leconte. « Ce n’est certainement pas pour les tintinophiles avérés ou les experts du monde d’Hergé. Il faut bien entendu en avoir lu quelques-uns pour comprendre de quoi je parle ou à quoi je fais allusion. C’est un ouvrage d’un vrai amoureux de Tintin. Je me suis tellement amusé à écrire ces textes ! »
En lisant votre recueil, on a eu effectivement envie de se replonger dans les albums de Tintin… C’est l’effet voulu ?
« Je n’ai en tout cas pas été commandité par Moulinsart et les éditions Casterman pour relancer les ventes d’albums (rires). Mais si c’est l’effet produit, tant mieux ! »
À la lettre C, il y a le mot Cinéma et le rêve que vous caressez de réaliser Les Bijoux de la Castafiore. Avez-vous pu avancer dernièrement sur ce grand projet ?
« Je devrais en savoir plus dans les jours à venir… Le projet coince uniquement au niveau de la Paramount qui détient les droits sur le catalogue entier de Tintin. On doit parvenir à sortir Les bijoux de la Castafiore de ce contrat. J’ai déjà contacté des comédiens, j’ai mon casting en tête, j’ai vraiment fort avancé… »
Vous avez déjà votre Tintin en chair et en os ?
« C’est le seul que je n’ai pas encore ! Il sera le seul comédien inconnu, tous les autres personnages seront campés par des acteurs connus du public. En réalité, ils sont très excités à l’idée de faire ce Tintin avec moi ».
Comment expliquez-vous que seuls trois films, dont un en ‘motion capture’, aient été réalisés sur Tintin jusqu’à aujourd’hui ? Les deux premiers films datant des années 1960…
« Je ne garde pas un souvenir bouleversé des deux premiers films. Alors que celui de Spielberg est plus captivant et répond bien mieux à l’univers d’Hergé. Sa solution technique utilisée, qui n’est pas de l’animation ni des prises de vues réelles mais une sorte d’entre-deux, était habile pour adapter un Tintin. Mon film sera par contre composé de prises réelles avec un respect absolu du travail graphique d’Hergé sur les aplats, les tissus, les cadres, la lumière, les décors… «
Revenons à votre livre. Dans les plus ou moins 80 mots que vous proposez, il y a finalement peu de référence à la Belgique ou à Bruxelles. Parce que la ‘Belgitude’ de Tintin n’est pas évidente au travers des albums ou parce qu’il est devenu un personnage de BD international ? C’est un fleuron national !
« La Belgique est bien présente dans les albums de Tintin. Mais avouons qu’il est constamment en train de la quitter pour vivre ses aventures à gauche et à droite sur le globe terrestre. Et que la géolocalisation de ses lieux de vie laisse à désirer. Donc, ce n’est pas si belge que cela. Ce qui est très belge, par contre, c’est le traitement graphique et cette fameuse ligne claire que j’adore. Je vous avoue que si j’avais choisi Belgique à la lettre B, je ne sais pas trop ce que j’aurais pu raconter d’intéressant ou d’amusant… »
Est-ce que Hergé peut encore parler à la génération Z ou Alpha ?
« Pour moi, il y a quelque chose qui ne s’éteindra jamais avec Tintin. Il est inusable et universel quand même. N’oublions pas la volonté d’Hergé de voir les aventures de Tintin stoppées net au moment de sa mort. C’est assez rare, les héros de BD qui meurent avec leur créateur ! Lucky Luke, Astérix et Obélix ou encore Buck Danny poursuivent les leurs. C’était un risque terrible de faire vivre ce personnage avec les minces réserves qui existaient. Mais comme cela le travail d’Hergé est resté intact et n’a jamais été galvaudé. »
Vous choisissez à la lettre E : Eternité… Vous prenez le pari qu’on lira encore les aventures de Tintin dans 150 ans.
« J’espère qu’existeront encore le format papier et des cases de BD à se mettre sous l’oeil. Pour certain albums de Tintin, nous ne sommes pas loin d’un siècle de création. En 2023, vous vous rendez dans les librairies et elles sont toujours présentes et vendues. Récemment, je suis rentré d’un voyage en avion. Un petit garçon de 7 ans occupait le siège à côté du mien. Il lisait L’Île Noire… Formidable ! »
On a reproché des choses à l’œuvre d’Hergé, notamment Tintin au Congo et une certaine image des Africains. On lui a aussi reproché l’absence de femme dans ses tomes ou une représentation caricaturale de ces dernières. Craignez-vous que le wokisme s’empare du célèbre reporter à la houppette ?
« Si cela devait arriver ce serait malheureux…On va enlever tous les Tintin dans lesquels le capitaine Haddock boit du whiskey parce que ce n’est pas politiquement correct ? Est-ce encore un Tintin si le capitaine Haddock ne boit plus du whiskey ? Bien sûr dans Tintin au Congo, il y a une forme d’inconscience d’Hergé de traiter comme cela les Africains. Je trouve qu’il faut faire très attention à tout débordement de cette forme de censure. Le pire schéma étant l’auto-censure : si on commence à faire attention à tout, on ne fait plus rien. Bien évidemment, il n’est pas question de se comporter comme un citoyen dégueulasse et navrant envers les femmes, les étrangers, etc… «
Alibi.com 2 versus Astérix et Obélix: L’Empire du Milieu, Patrice Leconte refait le match !
Ce n’est pas un tabou, ces deux films français se battent actuellement en tête du box-office. Ils imprimeront certainement les futures années de leur empreinte. Qu’en pense le réalisateur aux dizaines de millions d’entrées dans les cinémas en France et ailleurs ? L’occasion était trop belle de lui en parler !
« Si je pense que c’est plus facile d’adapter Astérix que Tintin ? Je vous le dirai une fois mon film achevé ! En même temps, je n’ai jamais réalisé une adaptation d’Astérix et je ne suis pas certain que j’aurais accepté si on me l’avait proposé. J’avoue être moins sensible à l’univers d’Uderzo que celui d’Hergé. »
Patrice Leconte est-il fan des films de Philippe Lacheau qui excelle dans la comédie, comme son aîné, depuis quelques années notamment avec les Alibi.com et Babysitting ? « Ecoutez, j’ai été voir Alibi.com 2. Avec un tel succès en salle, il serait idiot de ne pas aller s’en rendre compte par soi-même. Ce n’est pas la forme d’humour que j’apprécie le plus, le quiproquo et les incompréhensions multiples, mais le film est réussi et je comprends son succès auprès du public. C’est bien réalisé et les acteurs sont bons ! »