Eddy de Pretto: « Plus jeune, le modèle viril me pesait »

« J’ai toujours joué le jeu. Adolescent, chez moi, je dansais sur les Spice Girls. Mais une fois dans la rue, je brûlais des poubelles ». | © Robin
Avec Cure, son premier album qui casse les codes virils du genre, il s’est installé en tête des meilleures ventes de disques. Rencontre avec un garçon qui révolutionne le genre.
Sa prestation ratée aux « Victoires de la musique » aurait pu foutre en l’air, dès le début, une carrière lancée sur les chapeaux de roue. Mais non, Eddy de Pretto n’est pas du genre à se laisser démonter par les épreuves de la vie. Lui, le banlieusard coquet, qui refuse de dire son âge, a réussi un tour de force en racontant sa vie intime, ses tourments amoureux et ses pulsions sexuelles dans un disque qui n’en finit plus d’impressionner. Eddy rentre dans ses errances, ses erreurs, dénonce la virilité dégueulasse, évoque en creux son homosexualité bouillonnante. Mais se refuse à être le porte-drapeau d’une quelconque génération. Il veut juste être entendu. En cela, c’est un pari plus que réussi.
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Paris Match. Tu as grandi à Créteil dans les années 2000. Quels ont été tes premiers émois musicaux ?
Eddy de Pretto. Ils sont liés à ma mère, qui écoutait Barbara, Brel, Brassens et surtout Aznavour, à fond les ballons. Mais, évidemment, je détestais, car il y avait un vrai conflit générationnel entre nous. En grandissant, je me suis rendu compte que, malgré moi, beaucoup de ces chansons étaient restées. Elles étaient tellement présentes qu’elles ont fini par infuser ! Mais moi, je suis un enfant typique des années 2000, qui écoutait beaucoup de musiques urbaines : Diam’s, d’abord, Booba ensuite, puis Rohff, Sinik au foyer en bas de chez moi. (…)
Tu as souffert du modèle viril dans ton adolescence ?
Souffert non, parce que, dans la vie, j’aime jouer le jeu et je l’ai toujours fait. Quand j’étais chez moi, je dansais sur les Spice Girls. Mais quand j’étais en bas, avec les gars, j’allais brûler des poubelles et je galbais les épaules en faisant le coq. Tout cela m’allait très bien. Mais j’avais bien conscience qu’à un moment il allait falloir assumer totalement qui j’étais. Cela s’est fait en grandissant, en assumant ma part de féminité. Plus jeune, le modèle viril me pesait, mais je n’avais pas de porte de sortie, je n’avais pas d’autres exemples. Dans la cour de l’école, c’était un peu la risée d’être efféminé, il ne fallait faire preuve d’aucune sensibilité. J’étais sous contrôle, car je ne voulais pas montrer qui j’étais vraiment. Heureusement, j’ai toujours bien géré cela, la preuve, aujourd’hui certains se posent encore des questions ! [Il rit.] (…)
Tu fais de la chanson ? Du rap ?
Je ne sais pas, c’est à vous de le dire… Je me fous complètement de l’étiquette. Sur Spotify ou sur Deezer, on ne consomme pas la musique par genre. Personne, dans ma génération, ne se dit : “Allez, aujourd’hui, je vais écouter un bon morceau de jazz” On écoute en mode fourre-tout, en mode Shazam, et c’est ce qui est intéressant. On est allé au bout du style “classique”, “pop”, “chanson”, “metal”, “jazz”. Tout le monde essaie de créer des choses inédites en mélangeant tout ça.
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On te compare beaucoup à Stromae…
Parce qu’il y a un fort lyrisme dans nos chansons, des voix très présentes aussi, où l’on comprend les mots. Et cette collision avec une musique plus moderne, plus d’aujourd’hui. Et c’est là où nos univers se lient. Ça me flatte, car il a fait bouger les lignes…
Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans Paris Match dans tous les kiosques le jeudi 5 avril