Philip Anschutz, la face obscure de Coachella

250 000 tickets ont été vendus en 2017 à Coachella, pour près de 115 millions de dollars. | © AFP PHOTO / Kyle Grillot
Ce week-end, de nombreux festivaliers ont pu fouler le sol poussiéreux de Coachella. Vendredi prochain, c’est reparti pour un tour. Pourtant, aussi incontournable soit-il, le festival – et plus particulièrement son propriétaire – cache une facette bien plus sombre.
Des scènes gigantesques, des décors d’un autre monde et un line-up incroyable : le prestigieux Coachella accueille chaque année des dizaines de milliers de festivaliers. Oasis au milieu du désert du Colorado (Californie), en 19 ans d’existence, le festival démesuré est devenu le repère des célébrités, ravies de fanfaronner dans leurs plus bel apparat boho-hippie sous les palmiers d’Indio. Parce que c’est ça l’état d’esprit de Coachella : tout le monde est beau, tout le monde est gentil, tout le monde s’aime.
Pourtant, au-delà du rêve, le festival cache une face bien plus sombre. Loin de l’effervescence des concerts, à l’abri des caméras, Philip Anschutz opère. À la tête d’AEG (pour Anschutz Entertainment Group), l’entreprise de divertissements sportifs et culturels qui possède Coachella, le milliardaire emploie sa fortune à d’obscurs desseins.

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Il y a deux ans, Freedom for all Americans, un groupe de défense des droits LGBT, dénonçait déjà qu’entre 2010 et 2013, la fondation Anschutz avait donné 190 000$ à des groupuscules ultra-conservateurs. Parmi les organisations financées, l’Alliance Defending Freedom qui milite pour des lois anti-sodomie, la National Christian Foundation qui est accusée de sponsoriser des associations anti-LGBT, le Family Research Council qui dit du « mode de vie LGBT » qu’il est « malsain et destructeur » ou le Center for Urban Renewal and Education qui se présente ouvertement contre l’avortement. Et il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg ultra-conservateur.
Climato-sceptique et soutien à la droite conservatrice
Car en 2016, Greenpeace révélait que Phil Anschutz était proche des frères Koch, magnats du pétrole, conservateurs et climato-sceptiques aguerris. Pas étonnant donc qu’Anschutz ait fait un don à leur groupe politique Americans for Prosperity, qui s’oppose à la recherche sur le changement climatique et aux réglementations sur le climat. En janvier dernier, le magazine américain Fader dénonçait également les dons du milliardaire à des candidats républicains pro-arme, pro-vie, contre le mariage gay et autres comités d’action politique conservateurs.
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Face à ces nombreuses accusations, Philip Anschutz s’est déjà défendu à plusieurs reprises : « Les récentes déclarations publiées dans les médias qui disent que je suis anti-LGBT ne sont rien de plus que des fake news », écrit-il. « Je regrette que l’argent versé à un organisme de bienfaisance ait indirectement pu être utilisé à de telles fins, ce n’était pas mon intention, cela ne reflète pas mes convictions et je m’engage à faire en sorte que nos processus internes soient renforcés, ça ne se reproduira plus ». Il assure ensuite qu’il a cessé toute donation à ce genre de groupe dès qu’il a eu vent de leur idéologie.
Donner pour se faire pardonner
Il y a quelques semaines, Anschutz a ainsi décidé de faire un don d’un million de dollars à la fondation d’Elton John qui œuvre pour la recherche sur le Sida/VIH, ainsi qu’à d’autres associations de défense des droits LGBT. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir l’organisation Freedom for all : « C’est encourageant de voir que même ceux qui ont financé des groupes opposés à l’égalité des LGBT dans le passé sont prêts à changer leurs points de vue (…) nous apprécions la volonté de Philip Anschutz et de la Fondation Anschutz de prendre des mesures pour s’assurer que leurs ressources ne sont plus utilisées pour saper les protections des Américains LGBT ».
En ce qui concerne les dons possibles à des groupes climato-sceptiques, AEG a pour toute réponse fait remarquer qu’elle avait investi dans l’énergie renouvelable sur certains de ses sites (salle de concert, stade etc.). Avec ce genre de dons et d’investissements, le propriétaire de Coachella espère donc faire amende honorable et redorer son blason… tout en nourissant le paradoxe. Comment se positionner en tant que festivalier quand Coachella se targue d’être écolo à coup de stands de recyclage, de panneaux solaires et de balançoires qui chargent les batteries, mais que son patron est accusé de fricoter avec des dénégateurs du changement climatique ? Et comment prendre conscience, son drapeau multicolores sur les épaules, qu’on contribue à financer le lobby anti-LGBT ?
La vérité pourrait éventuellement venir des artistes eux-mêmes, à condition de garder le même cap : la top Cara Delevingne s’est publiquement insurgée des placements douteux du patron du Coachella avec le hashtag #NoChella… avant d’y saluer la performance de Beyoncé sur la scène du festival.