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Comment l’Auto-tune a révolutionné l’histoire de la musique

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La voix est un peu trop naturelle à votre goût ? Un bon petit coup d'auto-tune fera l'affaire. | © Unsplash / Denisse Leon.

Musique

Ou quand R2-D2 et C-3PO se mettent à faire du son.

On le surnomme parfois le « Photoshop » des chanteurs ou encore le « Cher Effect » (vous allez comprendre pourquoi). Tantôt décrié tantôt adoré, l’effet vocal le plus controversé de l’histoire de la musique fait toujours débat. Introduit dans le milieu musical à la fin des années 90, le phénomène devenu incontournable a attteint son apogée et envahi tous les genres musicaux, comme nous le rappelle Pitchfork dans un long papier publié ce lundi 17 septembre.

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Petit retour en 1998, lorsque l’Auto-tune est utilisée « ouvertement » pour la première fois. La cultissime Cher sort le mondialement connu « Believe » (10 millions d’exemplaires vendus sur le globe) au mois d’octobre et fait l’histoire avec une petite phrase qu’elle chantonne tel un androïde : « And I can’t break through ». Une mode est née. Et elle va contaminer nombre d’artistes, même ceux qui la conspuaient au début.

En 2009, le rappeur Jay-Z réclamait ainsi sa mort dans son titre « D.O.A. (Death Of Auto-tune) », dénonçant les rappeurs aux voix de robots. Neuf ans plus tard, la star a visiblement changé d’avis, en témoigne le dernier né du duo qu’il forme avec sa chérie Queen B. « Apeshit », sorti cet été, est en effet bourré d’Auto-tune et d’effets vocaux.

Les Inrockuptibles nous rappelle qu’on peut même remonter encore plus loin dans le temps, jusqu’en l’année 1940, pour trouver trace de l’ancêtre de l’Auto-tune. Le Sonovox faisait son apparition comme précurseur d’une révolution musicale qui allait tout changer. L’objet, un dérivé de la Talk box, se plaçait contre la gorge, modifiant ainsi les cordes vocales du chanteur et lui donnant une texture robotique. L’un des premiers exemples se trouve dans le film You’ll Find Out, avec Kay Kyser.

Initialement, l’Auto-tune est un programme informatique qui permet de corriger les défauts de la voix, et plus particulièrement les fausses notes. Le résultat est tel que même un piètre interprète peut chanter juste grâce à ce correcteur de fausses notes en temps réel. Quand on pousse les réglages à l’extrême, le traitement jusqu’ici transparent et naturel prend un caractère artificiel. L’Auto-tune est à ne pas confondre avec le Vocoder, qui permet lui de produire un son modulable métallique en copiant le spectre de la voix.

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vocoder
Le Vocoder Korg VC-10, lancé en 1978. © Wikimedia Commons / Michael Calore.

La création d’un ingénieur en génie électrique

Le créateur de l’Auto-tune n’est autre qu’Andy Hildebrand, ingénieur en génie électrique et excellent joueur de flûte, fondateur d’Antares Audio Technologies. L’histoire raconte qu’en 1989, lors d’un dîner, Andy interroge des amis sur la prochaine technologie à inventer. En plaisantant, une femme réclame un moyen de chanter juste. Notre brillant ingénieur fait mûrir son idée et parvient à créer un algorithme capable de parfaire la voix humaine.

© Antares Audio Technologies.

Stop ou encore ?

Rapidement, le logiciel est utilisé dans l’industrie musicale mais uniquement en post-production, afin de corriger les fausses notes et donner un maximum d’émotions, de rendre la musique encore plus expressive. Il séduit de plus en plus et finit par s’incruster dans les processus de production des rappeurs et autres popstars. Snoop Dogg, Britney Spears, Rihanna, Kanye West : tous les poids-lourds de l’industrie finissent par y succomber.


Le débat autour de son utilisation reste tout de même bien ouvert, certains prônant un juste milieu quant à son emploi. Dans une interview accordée à NME en 2013, Thomas Bangalter (la moitié de Daft Punk, le monsieur sait donc de quoi il parle) exprimait les raisons d’un trop-plein qui rend parfois des titres trop artificiels : « En tant qu’effet, l’Auto-Tune est très amusant. Nous l’avons mis dans la même catégorie que la pédale wah-wah. Il est agréable à l’oreille et crée des objets sonores funky, un peu comme dans ‘Superstition’ de Stevie Wonder. Mais l’autre utilisation de l’Auto-Tune est invisible. Quand vous définissez les seuils de sorte qu’on ne puisse pas entendre l’Auto-Tune, cela rend la voix ‘parfaite’. Si vous l’utilisez pour corriger les petites imperfections, vous créez quelque chose qui n’est pas humain. »

En mai 2010, le magazine Time clouait au pilori le procédé en l’incluant dans sa liste des cinquante pires inventions modernes avec les Crocs et les fenêtres Pop-Up.

« Quand nos arrangements émotionnels et sociaux sont de plus en plus mécanisés (FaceTime, Snapchat, Tinder, Instagram et Youtube) et quand nous sommes habitués à éditer et modifier la moindre image de nous que nous présentons au monde, il est facile de comprendre pourquoi nous nous sommes habitués aux voix artificielles des stars de la pop », justifie Simon Reynolds, critique musical pour Pitchfork.

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Quand on sait que Madonna, Britney ou Beyoncé s’offrent les services de l’Auto-tune en live pour être garanties de n’avoir aucune fausse note, le procédé reste certes très discutable, mais il a de beaux jours devant lui. Pour encore plus dominer l’industrie musicale à l’avenir ? Stay tuned !

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