The Dog and the Future : Agar Agar délivre un premier album magnétique et audacieux

La pochette de l'album, sujette à vos interprétations les plus diverses. | © « The Dog and the Future », Keith Rankin.
Un voyage futuriste qui vous enverra direct dans le cosmos.
Jeudi 27 septembre, à quelques heures de la sortie d’un premier long format très attendu, le duo électro-pop Agar Agar livre un showcase improvisé à la Maison du Peuple saint-gilloise, pour le plus grand bonheur de ses fans bruxellois. Une prestation tout en maîtrise, jouissive et planante au commencement, survoltée voire punk sur la fin, qui voit le tandem formé par Clara et Armand enchaîner les titres de son précédent EP, Cardan, et certains morceaux de The Dog and the Future, album particulièrement rafraîchissant. L’ensorcelante voix de Clara vient se poser sur des sons disco-électrisants, signature propre à la paire française, et la magie du concert inattendu fait le reste.
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Deux années de tour très intenses
(Armand et Clara)
Il y a deux expressions que j’aime beaucoup [en Belgique], c’est « tu veux une bière ? » et « à ton aise », qui définissent bien l’état d’esprit qui règne ici. (Armand)
Actif depuis 2015 et devenu un nom de plus en plus familier dans le paysage de la musique électronique hexagonale, Agar Agar éclate au grand jour en 2016 avec son tube « Prettiest Virgin », une des plus belles sensations musicales de ces dernières années. Depuis, les dates se sont multipliées et la formation a écumé les salles et festivals européens, mais aussi nord-américains. « On est détendus et joyeux, certes un peu fatigués par ces deux années très denses, mais pas trop stressés par la sortie de l’album », confient à l’unisson Clara et Armand, qui se réjouissent d’être à Bruxelles, « ville apaisante » où « c’est chaque fois un plaisir de venir jouer ». « Il y a toujours une chaleur réconfortante en Belgique par rapport aux autres pays où on joue. J’ai l’impression que les Belges se prennent moins au sérieux qu’ailleurs. Il y a deux expressions que j’aime beaucoup chez vous, c’est ‘tu veux une bière ?’ et ‘à ton aise’, qui définissent bien l’état d’esprit qui règne ici », plaisante Armand, qui avoue même avoir déjà pensé à s’installer dans notre capitale.
Un univers enchanteur
The Dog and the Future, c’est un album en deux temps. Un pour la scène, The Dog, et l’autre pour l’expérimentation, The Future. « On voulait jouir de certaines libertés techniques et créer des titres ‘décorporalisés’, qui ne sont pas forcément faits pour le live. C’est pour ça qu’on a décidé de scinder l’album », clarifient-ils. Comme pour les précédents morceaux issus de Cardan, le duo fonctionne beaucoup à l’impro, au freestyle, « sans textes préétablis » lorsqu’il commence à composer. Ce procédé lui permet de créer des titres très différents mais qui résonnent entre eux. De l’ambitieux « Shivers », où la voix de Clara s’élève pour nous emmener loin, très loin, à l’entêtant « Sorry About the Carpet », habillé de synthés eighties et sur lequel notre corps ne peut que se décoincer, les Français réussissent à garder l’essence des débuts pour également aller plus en profondeur et proposer plusieurs lectures à leur oeuvre. D’emblée, les sonorités grésillantes, la voix envoûtante de Clara et les pointes de mélancolie charment nos oreilles. Mais lorsqu’on creuse et qu’on s’autorise à réécouter cet objet musical d’une sincérité assez frappante, un univers fascinant et débordant d’imagination nous apparaît.
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L’amour, la réalité virtuelle [comment ne pas penser au dépaysant ouvrage de FM Santucci, Ton monde vaut mieux que le mien, auquel The Dog and the Future se grefferait à merveille], les chiens, les loups [et leurs crocs !], l’univers : les thématiques abordées fusent et une cohérence se dégage assez naturellement [on sent cette attention particulière accordée à la postproduction, très soignée]. Surtout, le plaisir de jouer et de chanter s’écoute et se ressent. « Notre curiosité nous enchante et nous pousse à nous faire plaisir. Créer, pour nous c’est un jeu. Dés qu’on naît, qu’on apprend à parler lorsqu’on est enfant, on se met à jouer. L’être humain est fait pour jouer », nous raconte Armand.
Le duo avait déjà laissé filtrer, à travers des clips savoureux lâchés au cours de 2018, les titres « Fangs Out » et « Sorry About the Carpet ». Le premier, écrit et réalisé par William Laboury, voit Garance Marillier [l’heroïne de Grave] déambuler à travers un monde où la réalité et le virtuel se téléscopent, dans lequel l’homme et l’animal ne font plus qu’un. Tandis que le second, réalisé par Antonin Peretjatko [La Fille du 14 juillet, La Loi de la jungle], fait la part belle à l’absurde et au loufoque. Deux collaborations qui représentent bien l’univers fabriqué par la formation, fait de complexité mais aussi d’inspirations plus légères.
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(…) On veut rester libres et pas être « auto-portés » vers des choses qu’on ne maîtrise plus.
Ce qu’on perçoit également dans ce voyage bien barré, c’est le goût de l’insouciance, revendiqué par Armand et Clara. « Ah oui, l’insouciance dans notre musique est primordiale, même si elle a aussi ses limites et ses dangers, car on veut rester libres et pas être ‘auto-portés’ vers des choses qu’on ne maîtrise plus », précisent-ils d’un air réfléchi. Garder cette légèreté de l’être chérie, présente depuis le début, tout en offrant à son public des expérimentations nouvelles truffées de références dissimulées : le duo s’amuse avec les codes (qu’ils viennent de la pop culture, du punk ou même du burlesque). “Dans l’album il y a un secret à trouver”, préviennent-ils sans en dire plus, laissant planer un doux mystère et offrant à celui ou celle qui l’écoute une liberté d’interprétation qui leur semble précieuse. The Dog and the Future a ce quelque chose d’un film à tiroirs, tel Mulholland Drive, qu’on pourrait le réécouter pour la dixième fois et toujours en tirer des sens cachés dans les limbes, parfois obscures, de sonorités toujours aussi appétissantes.