The Blaze : « On s’inspire de l’humain en général »

Guillaume et Jonathan Alric, les deux cousins derrière The Blaze. | © Paul Rousteau
Leur musique transporte. Chaque sortie de clip est un événement. Rencontre avec le duo électro The Blaze qui ne laisse personne indifférent.
Que ce soit avec leur musique ou avec leurs clips, les deux cousins de The Blaze, Jonathan et Guillaume Alric, nous procurent tout un tas d’émotions. Lors de leurs concerts aussi, comme ce fut le cas lundi soir à l’Ancienne Belgique où le duo électro français jouait à guichets fermés. Impossible de ne pas sortir de la salle sans un sourire aux lèvres, la rencontre fut intense – manquant un peu de spontanéité peut-être. Le temps est passé à une vitesse folle, sous l’enchaînement des tubes de leur album Dancehall face à un public hypnotisé et n’ayant pas beaucoup de place pour danser.
Tout commence derrière des impressionnants écrans. Le ton est donné. Même en concert, les deux artistes veulent mettre leur accent sur la musique, et non sur eux. Lorsque la structure s’ouvre pour les entourer, d’autres mécanismes viennent prendre le relai : les effets sur leurs voix et les jeux de lumière pour ne plonger leurs corps dans la pénombre. Dans les médias aussi, The Blaze se fait plutôt rare. « Sans vouloir du tout être prétentieux, c’est une pudeur, une timidité », explique Jonathan Alric, moitié du duo électro qui nous aura tout de même accordé une interview. « On s’exprime beaucoup mieux en faisant des images et de la musique, que dans les médias ». Face au succès aussi, les deux musiciens-vidéastes tentent de rester dans leur bulle. « On essaie de se concentrer sur notre travail et de ne pas trop penser à tout ça. Si t’y penses, ça peut peut-être parasiter ton inspiration », confie Guillaume.
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Les chiffres ont pourtant de quoi donner le vertige. Trois ans après sa sortie, « Virile » dépasse les 7 millions de vues et leur a voulu une reconnaissance internationale. « Territory », diffusé un an plus tard, frôle quant à lui les 25 millions. Récompensé aux Victoires de la Musique dans la catégorie du Meilleur Album de Musiques Électroniques pour Dancehall, The Blaze a rapidement présenté son spectacle s’apparentant à un long clip sur les plus grands festivals, dont Coachella aux États-Unis.
Des clips qui cassent les clichés
Ce succès, le groupe le doit aussi à ses clips, qu’ils réalisent eux-mêmes. C’est d’ailleurs grâce à clip vidéo que le projet The Blaze est né. En fin d’études à l’INRACI à Bruxelles, Jonathan devait en réaliser un, mais « pour le faire, j’avais besoin d’une musique », précise-t-il. Il fait donc appel à son cousin musicien. « C’était le premier projet non-officiel de The Blaze en quelque sorte », conclut Guillaume. Quelques années plus tard, leurs clips, poétiques et magistraux, sont saisissants de réalisme. Tantôt avec des gens du voyage en deuil, tantôt avec des mecs de banlieue « virils » qui dansent et se prennent dans les bras, leurs œuvres d’art nous renvoient à nos croyances sur ces communautés, pour nous montrer au final que l’humain et de l’amour. C’est là que puise le duo pour son inspiration. « C’est une réponse assez vaste, mais on s’inspire de l’humain en général, des émotions, des sentiments. Dans les clips qu’on a sortis jusqu’à présent, on a exploré des thématiques qui sont assez récurrentes. C’est toujours la jeunesse, l’énergie, l’amour. Des thèmes comme l’amitié, la famille », énumère Jonathan avant d’être épaulé par Guillaume. « La folie de la jeunesse aussi. C’est ce qu’on vit en fait. On a besoin de s’inspirer de ce que l’on connait, de ce dont on peut parler (…) On cherche l’humain là où certaines personnes peuvent penser qu’il n’y en a pas forcément ».
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Les deux artistes vont donc casser les clichés. « On tente de les briser, de mettre en lumière ces gens victimes de clichés avec émotion parce qu’on ne les voit pas souvent. Leurs meilleurs côtés ne sont pas forcément mis en avant dans les médias et ailleurs », dénonce Guillaume, âgé de 29 ans. « Pour pouvoir casser les clichés, il faut d’abord les montrer. Pour ça que les débuts de nos clips peuvent les véhiculer », poursuit Jonathan, 35 ans. Naît alors une certaine poésie, propre à The Blaze.
Autre ingrédient important pour le duo : la subtilité. « Il y a plusieurs lectures pour chaque clip. Les images sont réfléchies pour que le spectateur puisse s’imaginer sa propre histoire », explique Jonathan. Résultat : certains penseront que dans « Virile » les deux hommes sont en réalité homosexuels, et d’autres juste potes. « Tu crois ce que tu veux en fait », ajoute l’artiste.
Dans « Territory », les deux vidéastes tentent également de briser la masculinité toxique, via ce Français d’origine algérienne retourné au bled et bouleversé par les retrouvailles. « Cela s’est fait inconsciemment », précise d’abord Jonathan qui a voulu tout d’abord montrer l’humain, comme dans toutes les autres vidéos. « Dans notre société actuelle, le cliché de l’homme, ça doit être la virilité, la force, la performance, l’homme ne doit pas pleurer », analyse Guillaume, tandis que son cousin décrit cette image comme « un homme des cavernes ». « On a voulu casser ce cliché de la masculinité toxique. Selon nous, un homme c’est quelqu’un qui est à l’aise avec ses émotions », reprend le premier. Ce clip leur a d’ailleurs valu l’admiration du réalisateur américain Barry Jenkins, qui a reçu notamment l’Oscar du meilleur film pour Moonlight en 2017.
Une musique positive et inspirante
On pourrait croire que leurs clips (et leur succès) pourraient étouffer l’aspect musical du projet. Il n’en est rien. Si les cousins sont conscients que l’image a pris le pas parfois sur la musique, ils considèrent que certains de leurs morceaux peuvent vivre sans clip et parler d’eux-mêmes. Leur album Dancehall, sorti en septembre dernier, n’est d’ailleurs pas entièrement clipé.
Pour la composition, il n’y a pas de règles, explique Guillaume. « On peut partir d’une image comme on peut partir d’une musique. On essaie au maximum que les deux paraissent indissociable, que les images collent à la musique, aussi bien dans le rythme que dans l’émotion ». Sur scène, cette absence de séparation entre la musique et l’image est également omniprésente. Très peu porté sur l’egotrip, le duo mise tout sur l’esthétisme et l’émotion. Après une heure et demi de concert, les écrans se referment tout doucement sur eux sur les notes (sans voix) de « Faces ». Un générique de fin, avec la setlist complète et les réalisateurs d’images, apparait. Les lumières s’allument. « Quoi déjà ? » On en redemande encore et encore.
The Blaze sera en concert à Rock Werchter, le samedi 29 juin, aux côtés de Florence + The Machine, Miles Kane, Angèle ou encore The Good, the Bad and the Queen.