Avec La Grande Sophie pour vivre l’instant

Plutôt discrète, La Grande Sophie répond toujours avec sincérité et parle de sa rentrée. | © DR
Un album du présent qui se retourne volontiers sur le chemin parcouru et les marques du temps, tel est l’esprit du 8e album d’une chanteuse aux mélodies et aux textes raffinés. La Grande Sophie se livre, comme à son habitude, en toute sincérité.
Par Gilda Benjamin
Paris Match. Vous avez composé cet album au piano, qui n’est pourtant pas votre instrument. Correspondait-il à un état d’esprit particulier ?
La Grande Sophie. Je n’aime pas les situations figées et je désire évoluer avant chaque nouvel album. Le piano est l’instrument que j’avais choisi étant enfant mais on m’a dit que j’étais trop âgée alors que je n’avais que 9 ans. Je me suis donc orientée vers la guitare, un instrument que je pouvais emmener partout. Pourtant, l’envie est restée dans un coin de ma tête. J’avais chez moi un synthétiseur sur lequel j’avais un peu composé mais j’ai fini par craquer et j’ai acheté un piano. Cet instrument imposant m’appelait tous les jours. Je n’ai pris aucun cours, j’ai posé mes doigts sur le clavier et la magie a opéré. Quand on appuie sur une touche, il se passe forcément quelque chose, contrairement à la guitare où il faut aller chercher l’accord et la note. Le piano m’a entraînée et a été le moteur de cet album. Et j’aime cette idée que l’on peut commencer et assouvir une passion à n’importe quel âge. On peut s’y adonner avec toute la fraîcheur et la naïveté propices à la création. On ose plus et j’ai voulu pousser le défi jusqu’à composer un instrumental qui figure sur l’album.
Pourquoi avoir intitulé l’album « Cet instant » ?
J’ai une obsession du temps qui passe, de l’instant, du présent. Et le présent c’est là où je vis, les sons, les sensations… La raison pour laquelle j’ai demandé à travailler avec des producteurs pour recréer des sonorités très actuelles mais qui me sont propres. Mon piano m’a permis de gérer l’attente, mes émotions, mes angoisses… Dans cet album, je dresse une sorte de constat sur le chemin parcouru mais dans une démarche porteuse de vie. Si j’assume une certaine nostalgie, je n’ai pas de regrets mais au contraire une force pour envisager l’avenir.
« J’ai une obsession du temps qui passe »
La chanson « Nous étions » est-elle une ode aux liens qui durent ?
Il est bon de pouvoir se poser, d’analyser ses angoisses comme ses joies. Je vis avec la même personne depuis 30 ans, il était important que je lui écrive une chanson ! Pourquoi écrirait-on toujours des chansons de rupture ? C’est beau la longévité. Je voulais rendre hommage à cette histoire essentielle de ma vie. Il s’agit d’une chanson d’amour, elle pourrait être d’amitié. La fidélité est une constante chez moi. Si j’aperçois un couple âgé qui se tient par la main, je suis touchée aux larmes.
Quelle est votre idée de la délicatesse ?
Nous vivons dans un monde souvent extrêmement violent, il suffit d’un mot, d’une image, d’un regard. J’ai toujours peur de blesser les gens, une mauvaise parole peut déstabiliser ou mettre en danger. Il faut un regard bienveillant posé sur vous pour être en mesure d’affronter la vie. La délicatesse se niche dans la bienveillance que l’on porte aux autres.
Avez-vous commencé la musique pour retrouver confiance en vous ?
J’ai une famille très aimante mais je suis quelqu’un de discret, qui ne prend pas la parole facilement. Je préfère observer. Le fait d’écrire des chansons et de jouer de la guitare m’a permis de rentrer en contact avec l’autre. C’est par ce biais que j’ai rencontré tout mon entourage. Étudiante, quand je jouais dans ma chambre universitaire, on venait facilement frapper à ma porte. J’ai un besoin vital de créer du lien. Les chansons vous donnent aussi l’occasion de vous montrer plus fous que les histoires que vous racontez et de jouer avec les mots et leur sonorité.
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Quels sont vos mots préférés, vous qui les choisissez avec soin dans vos textes ?
Je me fais des listes ! J’aime le mot « correspondance », « chic » pour sa sonorité qui claque, « ufologue » » désignant celui qui étudie les extra-terrestres, « callipyge », « chance », « friponne » … J’aime le côté désuet du mot « chouette », pas du tout ringard. Mais je n’aime pas le mot « efficace » et son idée de rentabilité, et je déteste l’expression « piqûre de rappel ».
Et le mot « rentrée » ? Qu’évoque-t-il pour vous ?
Celle-ci est des plus chargée avec un 8e album et des concerts. Mais ce mot évoque souvent une pression qui n’est pas nécessaire, même si j’ai des engagements à honorer. Ma rentrée je la veux agréable et elle l’est puisque j’aime ce que je fais.
La Grande Sophie, Cet instant, Universal Music
En concert le 29 novembre à La Madeleine à Bruxelles