Vianney : « Ne sous-estimons pas la détresse folle présente chez les jeunes »

"Au risque de paraître consensuel, je reste persuadé que seul l’amour importe. Quelle que soit l’ambition, l’amour est la solution" nous dit le chanteur français. | © Julien Mignot
Le titre de son dernier album résonne comme une ode à la vie en ces temps d’empêchements successifs. N’attendons pas nous dit Vianney. Lui qui a mis du temps pour reconnaître que la musique était son bien essentiel. Il n’y a pas d’âge pour être vrai.
On l’aurait imaginé garçon sage focalisé sur sa guitare, l’amour au bout des notes. Mais l’homme, tout juste 30 ans, en cache sous la chemise. Vianney, bête de scène, ne tient pas en place, caracole en tête des ventes comme sur son siège de juré à The Voice France, signe des tubes imparables pour Kendji ou Maître Gims, collabore avec Johnny ou Bruel, sans s’oublier au passage. Et à écouter ses textes, on se rend compte qu’il peut aussi piquer voire mordre. Conversation tout en douceur ponctuée de quelques rires sincères. Comme une accalmie dans la tourmente.
Paris Match. Êtes-vous du genre à vous retourner sur le chemin parcouru depuis 6 ans ?
Vianney. Sincèrement, je ne regarde pas trop en arrière. Bien sûr, on apprend de nos expériences mais je pense surtout à aller de l’avant. En cela, ces dernières années ont été riches car je n’arrête pas de me projeter mais je vis surtout l’instant présent. J’ai pu constater que ce qui me rendait vraiment heureux et fier était le degré de passion insufflé en chaque chose. Et la passion est tout simplement un autre mot pour parler du cœur. Si on fait les choses avec cœur, le bonheur est au rendez-vous.
Mettriez-vous passion et désir sur un même plan ?
La passion répond en effet à un désir. Par exemple, je n’étais pas spécialement heureux à l’école car je ne désirais pas ce schéma-là. Pourtant, j’ai réalisé plus tard que j’étais un vrai bosseur mais il fallait juste que je désire ce pour quoi je voulais me battre et la musique en est vraiment l’illustration. Je n’ai jamais fait les choses en dilettante et chacun de mes choix a été un parti-pris. Je n’ai jamais eu peur d’être clivant. J’ai toujours tenu à aller au bout d’un projet car c’est ce qui nous arme et nous construit.
Vous avez grandi avec des parents férus de musique. Quel a été le déclic pour vous ?
Il est venu de façon évidente à mes 12 ans, quand j’ai réalisé mon bonheur d’écrire des chansons, même en tâtonnant. Tout petit, j’aimais chanter et écouter de la musique à longueur de journée mais l’écriture m’a fait franchir une étape. Les mots ont toujours été de pair avec les notes même si, à l’adolescence, l’écriture occupait une place importante dans ma vie. Petit à petit, j’ai pu réunir idéalement ces deux modes d’expression. Si j’avais envie de raconter des histoires, je poursuivais surtout une quête de beauté. Et les mots me permettaient d’imaginer des tournures, des formules qui me plaisaient, comme une sorte d’exercice permettant de s’approcher d’une certaine idée de la beauté. Je m’inspirais toujours du réel mais ne livrait pas que mes histoires personnelles.

Vous avez eu 30 ans. L’avènement d’un homme, un vrai ?
Je trouve ce moment rigolo mais il ne m’a pas changé psychologiquement. Je reconnais qu’il s’agit d’un cap dans l’imaginaire collectif mais j’ai toujours pensé qu’on a l’âge qu’on veut, quitte à oublier le sien. Je ne pense jamais aux années qui défilent, ni pour moi ni pour les autres.
Il suffit de vous voir sauter tel un Marsupilami dans The Voice pour comprendre l’état de fraîcheur dans lequel vous vous trouvez ! Il est vrai que vous semblez savourer chaque minute de cette expérience.
Il y a tout ce que j’aime dans cette émission : de la musique et des gens qui viennent livrer leur peau sur scène. Il faut arriver à cerner, en quelques minutes, des failles, des souffrances, des émotions… On vit des moments fabuleux et des rencontres de folie. Pour ces personnes, The Voice n’est pas une simple virgule mais bien un nouveau paragraphe de leur vie. Je respecte énormément leur démarche. Et le respect passe aussi par l’honnêteté, en leur disant les choses franchement sans les blesser mais en leur donnant des clés supplémentaires.
Et vous, on vous a donné des clés ?
Bien sûr, lors de mes rencontres, en studio, sur scène… Si on décide d’être un récepteur, on capte un maximum. Mon intérêt de départ était de découvrir et d’accepter que je ne savais rien. Et aujourd’hui encore, j’apprends. La curiosité est sans nul doute un des traits de ma personnalité. Tout m’intéresse. J’aime être surpris, me laisser happer, tordre, bousculer. Je ne demande que ça, tous les jours.
« La seule véritable clé, sur le long terme, demeure l’amour, il ouvre toutes les portes. »
Le mot que vous détestez le plus serait-il « immobilité » ?
Oui, dans sa forme péjorative. L’immobilité qui empêche d’avancer, d’expérimenter. Celle qui vous fait croire qu’on est arrivé et vous pousse à vous satisfaire du peu que l’on fait. Mais j’aime aussi la possibilité d’appuyer sur pause et d’observer.
Votre famille vous a permis de grandir dans un certain cadre et avec une grande ouverture à l’art. Le schéma idéal, entre valeurs, limites et liberté d’expression ?
Si aujourd’hui, les mots « règles » et « limites » ont pris une tournure particulière, il est vrai qu’en temps normal, un cadre permet de cerner notre situation et ne nous empêche pas du tout d’aller où bon nous semble, au contraire. On devient un explorateur qui sait où il met les pieds ou du moins en a conscience. Offrir un cadre est une chance. Mais il faut être prêt à en sortir pour mieux appréhender l’existence.

Qu’est-ce qui, selon vous, ne s’apprend pas ?
L’instinct. Il n’existe pas de méthodologie pour le ressentir. Je pense être un instinctif. Je n’ai pas appris la musique, j’étais mauvais à l’école, je n’ai que l’instinct pour me faire avancer et me sauver régulièrement. Et mes proches bien sûr qui me portent et m’entourent.
Comment toucher le cœur des gens avec des chansons donnant l’illusion de la simplicité ? Vous êtes-vous inspiré de certains de vos maîtres tels Brassens ou Le Forestier ?
La simplicité est le truc le plus ambitieux au monde ! Et ce n’est pas l’ambition de tout artiste, ce que je comprends parfaitement. J’aime l’idée que mes chansons puissent être reprises au coin du feu dans un moment de partage et de joie.
On met en avant votre sincérité et votre gentillesse. Des mots qui ont, enfin, retrouvé leurs lettres de noblesse. Le plus important dans une vie est-il d’être quelqu’un de bien ?
Oui, sans hésitation. Ce n’est pas ce qui fait rentrer les gens dans l’Histoire mais cela reste essentiel au quotidien.
Vous avez déjà été désigné Personnalité préférée des jeunes de 7 à 14 ans. Quel est le discours à tenir à un enfant pour lui délivrer des valeurs et un enseignement sans devenir poncif ou moralisateur ?
Au risque de paraître consensuel, je reste persuadé que seul l’amour importe. Quelle que soit l’ambition, l’amour est la solution. Même s’il n’apparaît pas comme la solution dans l’instantané. La seule véritable clé, sur le long terme, demeure l’amour, il ouvre toutes les portes. Pour toutes les générations. J’ai beaucoup d’empathie pour ceux qui ont 20 ans aujourd’hui car je me souviens combien j’étais déjà paumé à l’époque. Alors, se battre dans le vide par les temps qui courent, sans connaître l’issue du combat, sans savoir si des rêves sont possibles, m’apparaît très douloureux. On parle beaucoup de la souffrance, avec raison, des personnes âgées, mais ne sous-estimons pas la détresse folle présente chez les jeunes. Ils vont avoir besoin de nous pour maintenir leur envie d’avancer et d’y croire. Il y a des choses magnifiques à vivre, il faut donc les soutenir et les rassurer.
Une chanson peut-elle rassurer ?
Oh oui, la musique a été un refuge durant mes journées mornes d’écolier. J’oubliais les devoirs qui ne m’intéressaient pas, le désamour de certains profs. Je pense à des albums de Maxime Le Forestier que j’ai saignés et écoutés en long et en large, avec des titres comme « Fontenay », « Saltimbanque », « L’éducation sentimentale » … Ces chansons m’ont autant fasciné que façonné.
Quelle est la plus jolie chose vécue depuis un an ?
Ma chanson « Beau-papa » écrite pour cette petite fille que j’aime de tout mon cœur et qui m’accompagne chaque jour. Le moment où je la lui ai fait découvrir en lui expliquant le texte reste fabuleux.
Album : Vianney, N’attendons pas, PIAS
Vianney sera en concert le 3 mars 2022 à Forest National.
