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Le Blues des Lanvin : « Cette vibration m’est inconnue en tant qu’acteur »

Du travail en studio, un album, de la promo et bientôt une tournée pour les Lanvin père et fils ! | © Gel Production

Musique

Gérard Lanvin a accepté le projet un peu fou lancé par son fils musicien Manu: sortir un dix titres bien charpenté. Ici-Bas est le résultat de l’assemblage des textes du père sur la musique du fiston. Rencontre avec deux artistes dont le respect mutuel et l’envie de se retrouver ensemble sur scène est une force.

 

Par Laurent Depré

Rendez-vous était donné au Cirque Royal de Bruxelles pour y rencontrer l’acteur français de 70 balais et son fils Manu dans le cadre de la sortie de ‘leur’ album Ici-Bas. Ils entrent directement par la grande scène et, ouvrant le grand rideau rouge, c’est l’exclamation réciproque… « Ha ouais… C’est impressionnant ! La salle est superbe… Y’a du public jusque tout en haut alors ? » lance Gérard au bord de la scène. « On peut presque déjà ressentir l’énergie du public » renchérit Manu Lanvin. Dans 11 mois, en effet, ils seront sur cette scène pour y défendre Ici-Bas dans la capitale belge. Le 22 avril 2022 : première date donc d’une tournée qui les verra passer aussi par l’Olympia. « Oh là, avec notre nom éclairé en grand sur la façade… Y’aura selfie quand même ! » se marre Gérard Lanvin dans sa gouaye toute parisienne.

Durant une trentaine de minutes, nous avons parlé de cet album avec ces deux gentlemen très excités à l’idée de partir ensemble sur les routes pour proposer leurs morceaux au public. Un album à l’image de l’acteur: viril, musclé, droit, nerveux, rigoureux… Si vous vous attendiez à des slows ou du tango, c’est râpé. Ce qui n’empêche pas des moments de tendresse.

Parismatch.be. Musicalement, il y a une forte influence blues sur l’album. Qui a donné le goût de cette musique à l’autre ?
Manu Lanvin: « Moi, c’est culturel et familial. Quand j’étais môme mes parents écoutaient beaucoup de rock et tous les dérivés du blues. Pas mal d’artistes venaient faire le ‘jam’ à la maison. Je pense aux membres de Téléphone, à Paul Personne, à Bernie Bonvoisin… Je connais aussi les goûts de Gérard en la matière et il fallait que je lui fasse un costume sur mesure. J’y ai mis les recettes qu’il aime. »
Gérad Lanvin: « Je suis quand même d’une génération qui a connu une révolution musicale avec les Rolling Stones, les Beatles, Queen, Ike et Tina Turner, Joe Cocker… Tous ces gens-là m’ont toujours inspiré. Sans oublier les Français avec des artistes que j’adore tels que Berger, Souchon, Cabrel… Manu a su canaliser tout cela et m’emmener vers des musiques qui me correspondent à 100%. »

Gérard vos textes sont assez directs et impitoyables, qu’est-ce qui reste à sauver Ici-Bas ? Rien ?
Gérad Lanvin: 
« Si bien sûr… La communion entre les personnes, nous réunir avec toutes nos énergies positives. Croire que l’intelligence peut redevenir une valeur sûre. Et stopper cette technologie galopante qui nous monte les uns contre les autres. Mais vous savez, j’ai bon espoir. Pour moi, il y a plus de gens biens que des personnes pourries… Le tout, c’est de se retrouver vite. »

Comme dans « Ce monde imposé » qui ouvre l’album Ici-bas, elle vous fiche le blues cette époque qu’on vit ?
Gérard Lanvin
: « Il faudrait être vraiment en-dehors du coup pour ne pas voir autant de gens qui se retrouvent dans la merde aujourd’hui…On ne parle même plus de misère. Comment voulez-vous être heureux, si tout va bien pour vous, dans un monde qui va si mal ? Donc oui ça fout sériseusement le blues »

C’est quoi votre remède pour en sortir  de ce blues ?
Manu Lanvin : « Faire de la musique est une excellente manière d’exorciser tout cela… Être en tournée et avoir tellement d’échanges et d’amour avec les gens. Cela a donné un sens à ma vie malgré ce marasme et ce monde compliqué. C’est un fameux boost en réalité ! »

 

©Gel Production

Vous parlez souvent de la famille, de votre compagne, de vos enfants. Mais travailler en famille est parfois compliqué. Comment cela s’est-il passé pour vous deux ?

Manu Lanvin : « Je lui ai donné l’envie de me suivre dans mon fantasme. Gérard a toujours eu des carnets de notes avec des réflexions sur l’époque dans laquelle on vit. Il y a une genèse à tout cela. Pour moi, la musique est le meilleur vecteur pour des idées, des pensées… En gros, je lui ai dit sors moi tout cela, on va le mettre en musique ! Il y a mis de la rigueur, de l’envie et de la passion. Je pense que le résultats est sympa avec dix bonnes chansons. »
Gérard Lanvin: « Le seul moment de doute et de grande solitude pour moi, c’est quand il m’a dit dit après le premier morceau en boîte ‘Voilà, il m’en faut encore neuf’…. (rires). Je n’ai pas été vers mon fils, j’ai été vers l’artiste avec toute son expérience. J’avais besoin d’un directeur artistique qui me guide. »

Gérard vous avez fait une jolie incursion dans le monde de votre fils, celui des studios, des enregistrements et de la scène. Qu’est-ce qui différence cet univers d’un plateau de cinéma ?
« L’émotion et le son comme protagoniste permanent… Au cinéma, vous ne pouvez pas vivre cela. Je perçois également tout ce que je vais recevoir du public lors des futurs concerts et que je n’ai jamais reçu en tant qu’acteur puisque je ne fais pas de théâtre. Cette vibration m’est inconnue en tant qu’acteur de cinéma. Une fois qu’un film nous échappe nous ne sommes tenus au courant de rien. Et je ne vais pas espionner dans les salles… Ce qui va être nouveau pour moi, c’est mon rôle de transmetteur vers le public de toute cette énergie derrière moi sur scène. »

Sur le titre éponyme de l’album Ici-bas, vous mêlez un blues urbain avec du rap. C’est une association plutôt rare et réussie en l’occurence.
Manu Lanvin : « A la base, je savais qu’il fallait un interlocuteur à Gérard sur ce morceau. Au départ, je partais sur un vieux chanteur de blues qui lui donnerait la réplique. Mais à partir du moment où l’on s’est positionné sur un texte parlant de spiritualité et d’extrêmisme religieux, je trouvais intéressant de dialoguer avec un pratiquant qui est aussi artiste. Abd Al Malik a son propre flow, il nous a apporté sa touche de modernité. On lui a laissé le choix des mots. Donc, c’est un vrai dialogue entre un pratiquant et un non-pratiquant avec aussi une dimension inter-générationelle. « 
Gérard Lanvin :  » Quand il est venu dans le studio, j’ai ressenti de la fierté et une grande émotion. Il a mis le casque sur ses oreilles, il a dodeliné de la tête et puis il a dit ‘ok, je le fais’… J’ai énormément de respect pour Abd Al Malik et son intention intellectuelle et sociale. »

Quel est votre rapport à la Belgique à chacun ?

Gérard Lanvin : « Vous savez, j’ai passé six mois de ma vie avec Benoît Poelvoorde. Et je le souhaite à tout le monde. C’est un mec qui a une telle culture livresque, musicale… C’est quelqu’un de fin et d’intelligent en dehors de son côté comique. Donc, c’est à lui que je pense en premier et à sa ville, Namur. Après, je trouve les Belges dotés d’une grande énergie, d’humeur et d’humour. Et Bruxelles aussi avec des rues magnifiques… »
Manu Lanvin: « Je suis souvent venu via la musique. N’oublions pas l’énorme héritage musical de la Belgique. Je suis un grand fan de Brel et d’Arno pour les plus connus. J’adore aussi Triggerfinger et Ghinzu. En fait, la culture anglo-saxonne a très bien été intégrée chez vous. J’ai vu beaucoup de groupes de rock qui chantent en anglais et qui sont complètement décomplexés depuis longtemps. Cela a pris plus de temps en France. Apparemment, vous êtes émerveillés en venant à Paris. Moi, je suis émerveillé par votre gentilesse qui se perd parfois dans ma ville… « 

Ici-Bas (2021)
Gérard Lanvin
En concert le 22 avrilk 2022 au Cirque Royal de Bruxelles.

©Eric Martin
©DR

 

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